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vendredi, 09 décembre 2022

Erick Monjour et le salon africain

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Erick Monjour

 

Erick Monjour artiste peintre iconoclaste est également le directeur du salon africain parisien dont la première édition a eu lieu en octobre  2021 à la mairie du 6ème arrondissement. Cet événement fut un succès et il espère renouveler l’expérience en avril 2023…

 

Comment cette idée de salon du livre africain vous est-elle venue ?
Deux raisons ont guidé mon choix. D’une part, il n’existait rien à ce niveau là du moins à Paris et d’autre part j’avais déjà une expérience dans l’organisation de salon puisque depuis 7 ans j’en organise un annuellement sur la littérature russe à l’église russe quai Branly.   Pourquoi l’Afrique ? J’ai vécu là-bas jusqu’à l’âge de 14 ans, et je trouvais intéressant de se projeter sur ce continent peu exploité dans le domaine des salons littéraires. C’est un continent que je connais assez bien, environ une quinzaine de pays ce qui permet de mieux maîtriser les événements et me donne une forme de légitimité. . En effet, on pourrait s’attendre à ce que ce genre d’initiative soit réalisé par des africains ou d’origine africaine et c’est important de faire comprendre que ce n’est pas lié à la nationalité mais à l’intérêt pour le continent et notamment pour son domaine littéraire. Et le résultat a été concluant avec de nombreux auteurs, éditeurs et visiteurs. On a même été obligé de refuser du monde à partir de 15,16 heures…Le public était essentiellement diaspora africaine. Environ 6000 personnes sur trois jours.

 

 

Vous avez commencé jeune à ivre des livres africains ?
Non, c’est vraiment en préparant le salon que j’ai appris à connaitre la littérature africaine. Je connaissais bien sûr quelques auteurs, mais j’ai approfondi mes connaissances en préparant l’événement.  Il n’est pas non plus nécessaire d’être forcément un grand spécialiste. On parle avec les éditeurs qui ont des besoins sur le moment. Ils ont une actualité et souhaitent faire parler d’un auteur. C’est un peu ce qui donne le prétexte à des thématiques et des tables rondes. Après, on peut avoir des idées, des envies d’inviter particulièrement certains auteurs mais c’est un travail collectif.

 

 

Comment avez-vous procédé pour toute la préparation ?

J’avais une équipe de trois personnes quelques mois avant le début du salon qui ont travaillés sur trois axes : les invitations éditeurs et auteurs, la communication et la recherche de financement. Avec en plus une vingtaine de bénévoles.. C’est un salon financé par la mairie de Paris, la société des auteurs, et une fondation suisse « Jan Michalski. Sur un plan davantage privé, j’ai obtenu les soutiens de Canal plus, Orange et dun éditeur Elitis.

 

 

Ce salon existe aussi au Maroc !

Oui. J’ai d’ailleurs un partenariat avec un salon organisé à Conakry en Guinée qui existe déjà depuis 14 ans pour créer des synergies entre ce que je fais à Paris et ce qu’ils font en Guinée. Je leur apporte des auteurs, des partenaires, et des sponsors. En échange, ils me permettent d’avoir un stand sur place. J’organise des formations et cela me donne l’opportunité d’entrer en contact avec des éditeurs et auteurs africains et de parler du salon parisien.

 

 

C’était à Paris un salon très diversifié !

Il y a 56 pays africains dotés de 56 cultures différentes avec en plus de nombreuses ethnies. C’est effectivement très divers car en Afrique, on écrit en français, en anglais, en arabe, en portugais et puis dans les normes de chaque pays. Les histoires racontées ne sont pas les mêmes que les européennes, les combats non plus. La vie est très différente et ce qui est bien tombé c’est que cette année la littérature africaine a vraiment été mise en valeur : Mohamed Mbougar Sarr prix Goncourt pour « La plus secrète des mémoires », le prix Nobel attribué à l’ auteur tanzanien Abduleazak Gurnah pour «  Près de la mer », , le prix britannique le booker Prize à David Diop avec son livre «  Frère d’âme ». C’était une année très prospère pour la littérature africaine… Des poètes , des slameurs sont intervenus au salon avec de petits récitals de quelques minutes. On a organisé une exposition de peinture et une de photos, des trentaines de tables rondes. On avait aussi invité des auteurs auto-édités sur des créneaux horaires bien précis.. Deux tables rondes sur le cinéma ont également eu lieu avec un metteur en scène tchadien Mahamat Saleh Harun qui a obtenu un prix à Cannes et un acteur africain Sidiki Bakaba.  Présent également « Le mobile film festival », réunissant des films  sur mobile d’une minute tournés en Afrique avec un concours dans tous les pays. Les gens voient leurs films sur une plate-forme et ensuite, un jury attribue des récompenses..

 

 

Et pour les enfants qu’aviez-vous prévu ?
Des ateliers sur le dessin avec des motifs de pagne et de tissu. Des contes le matin entre 11h et midi. Mais ça n’a pas été tellement développé car avec le Covid c’était difficile de faire venir des écoles. Mais beaucoup de femmes d’origine africaine créent des livres pour enfants avec même leur propre maison d’édition. Elles ont pu présenter leurs livres. De manière générale, depuis une dizaine d’année, les femmes sont très présentes et font de très bons livres.. C’est une littérature très féminine notamment au Maghreb, au Rwanda, Burkina.

 

 

Vous avez bien sûr lu le prix Goncourt. Il semblerait qu’il ait fait naître pas mal de polémiques !...

Non, il ne s’agit pas de ce livre là. Les polémiques sont nées au Sénégal avec de précédents ouvrages notamment un sur l’homosexualité qui n’est pas très bien vu là-bas. Le prix Goncourt raconte le parcours d’un auteur africain qui découvre un manuscrit écrit quelques vingt, trente ans auparavant par un auteur porté disparu et qu’il considère comme capital. C’est une trame un peu mystérieuse dont les histoires s’enchevêtrent et contiennent un certain nombre de mises en abîmes. C’est un livre très bien écrit, intéressant, avec de belles pensées…

 

En qui consiste la poésie africaine ?
Ce sont des univers très poétiques ponctués de transmissions orales réalisées au cours des années. Le verbe est quelque chose qui plaît à l’âme africaine. Les gens aiment bien faire de belles phrases et utiliser de beaux mots. Au salon, sont venus des spécialistes de poésie du Touareg, du Mali etc.. La poésie en soi est davantage un concept européen, et en Afrique on appelle plutôt ce domaine « contes » mais cela revient souvent au même.

 

 

Que conseilleriez-vous aux novices voulant découvrir la littérature africaine ?

Important déjà de choisir un peu les thématiques. Certaines sont liées aux conflits, comme celui du Rwanda écrits par des rwandais qui parlent du génocide, d’autres sont très axés sur les traditions, ou sur l’univers contemporain.  Il faut peut-être aussi sélectionner un pays ou une zone géographique car selon les endroits, les récits diffèrent. Les gens n’ont pas la même vie, ne vivent pas dans le même univers culturel. Par exemple Scholastique Mukasongo,  Hella Feki Tahar Ben Jelloun, Fiston Mwanza Mujila pour ses écrits sur le Congo Kinshasa sont intéressants à connaître…

 

Quels seront les changements pour le prochain salon ?

Ce sera pratiquement similaire. Mais on va demander une participation aux éditeurs, car c’est compliqué de financer. Et puis, quand on laisse la gratuité, c’est plus difficile de dispatcher le nombre de tables par rapport au nombre d’éditeurs. Dès qu’il y a un prix à payer, tout est plus clair et facile à gérer… Le prochain est prévu pour mars 2023, l’objectif étant de faire de ce salon le salon référence annuel en Europe de la littérature africaine. En tout cas dans l’univers francophone…

Agnès Figueras-Lenattier

19:35 Publié dans Interviews | Lien permanent | Commentaires (0)

dimanche, 06 novembre 2022

Maman a dit " Bandes de nuls"

livre,troubles schizophréniques,témoignagelivre,troubles schizophréniques,témoignageUn livre autoédité par Céline et Killian Leutellier que l’on peut trouver sur le  site bandesdenuls.com

Une belle ode à l’amour maternel et à la solidarité familiale, avec un lien très fort et pas toujours évident des frères et sœurs, voilà ce qui ressort de ce livre au titre évocateur. Celui d’une révolte et d’un combat qui ont triomphé et conduit à une belle réussite : l’épanouissement d’un enfant Killian dont on a détecté très jeune des troubles autistiques et schizophréniques et qui travaille maintenant dans un institut spécialisé.  Ceci sans aucun médicament auquel la mère a toujours refusé d’avoir recours malgré les dires du personnel d’un centre médico-psychologique. Elle raconte qu’elle n’a jamais trouvé aucun secours là-bas, aucune écoute, aucune compréhension, que l’état de son fils Killian était mère pire qu’avant. En outre, on la culpabilisait aussi en prétendant que c’était de sa faute…

Assez découragée, elle a eu la chance de rencontrer un psychologue Thierry Faivre d’Arcier qui a soigné son fils à domicile au moyen du défoulement par la parole, le rire, le jeu, et a appris à Killian à se dominer pour mieux appréhender les symptômes qui le taraudaient. Quant à la maman, elle a fait preuve d’une patience d’ange, a su trouver les mots pour réconforter son fils et a utilisé des méthodes naturelles qui toutes ont eu un bienfait sur son fils. Que ce soit le théâtre, les massages accompagnés d’une musique relaxante, l’apprentissage d’une autohypnose, le sport, les plantes de temps à autre.Et vu les symptômes dont souffrait Killian, notamment l’obsession du rangement, cela n’a pas du être facile tous les jours d’autant plus que la maman avait également une fille et deux autres fils. Et qu’elle a donc dû sacrifier quelque peu ses autres enfants pour se consacrer davantage à Killian. Et même si ceux-ci en ont forcément souffert quelque peu notamment la sœur, ils ont donné toute leur affection à Killian ce qui a également fortement contribué à sa belle évolution.

Actuellement, Kiliian a 20 ans et s’exprime avec beaucoup d’aisance et de lucidité. Il a encore parfois des angoisses mais a appris à les gérer. Ce qui le déstabilise c’est l’inconnu et il a besoin d’avoir une vie bien réglée. Sa plus grande thérapie maintenant c’est le sport en particulier la course à pied. Il y trouve un tel bien-être qu’il a tendance à trop en abuser et à se diriger vers la bigorexie. Il s’est d’ailleurs blessé et a compris qu’il fallait être plus raisonnable. Il rêve de tenir une épicerie et même s’il n’a jamais été amoureux (il veut d’abord être stable au niveau du travail et travaille au sein du dispositif ULIS), cela lui donne envie et fonder une famille n’est pas exclu pour lui.

A la fin du livre, plusieurs témoignages sont présents, les frères, la sœur, les maîtresses et ce qu’il faut retenir c’est ce que dit la sœur : Heureusement qu’ il existe la « différence. » Et ces êtres que l’on a tendance à juger trop négativement sont souvent très intelligents et très attachants. Oserais-je dire comme me l’avait affirmé une fois un psychiatre que contrairement à ce que l’on prétend ils n’ont pas « une case au moins, mais « une case en plus ».

 

Rencontre avec la maman et le fils :

 

 

Le titre est évocateur. Qu’avez-vous voulu faire passer comme message ?

Killian : «  Le titre est vraiment en lien avec tout ce qui se rapporte au livre. C’est assez familier, assez commun.  Ce n’est pas une insulte, mais c’est assez surprenant et parlant. Cela évoque le lien qui existe entre nous et raconte un combat solitaire, juste au sein de la famille, celui de résister aux médicaments. C’est un titre qui sort vraiment du lot et significatif.

 

A quelle occasion Killian a- t-il été détecté « troubles autistiques et schizophrènes ?

La maman : «  Il n’existe pas de diagnostic vraiment établi. A l’âge de 10 ans, un psychologue l’a pris en soin et a établi ce diagnostic. « Mais on ne pose pas d’étiquette dessus. Killian est killian et on va l’aider à aller le plus loin possible sans s’arrêter à la maladie. Chacun est différent et on va l’accompagner dans son chemin. »

 

Quels étaient les symptômes de JKillian ?

C’était surtout auditif. La nuit il m’appelait car il entendait des voix et il était terrorisé. Il avait l’impression que quelqu’un respirait donc évidemment il avait très peur.  Il disait aussi que la maison était penchée et d’autres choses de ce genre. Ce qui le gênait c’est qu’il était le seul à vivre ça. Il avait parfois des idées suicidaires . A un moment donné, j’ai été dans son sens et je lui disais même si ce n’était pas vrai que je voyais les mêmes choses que lui ce qui l’a beaucoup aidé.

 

Vous êtes aide-soignante et vous avez été très marquée par un stage en psychiatrie

La maman : Oui j’ai été confrontée à des enfants atteints de schizophrénie ou de toutes sortes de maladies psychiques. J’ai vu leur état de souffrance et ils prenaient des traitements tellement lourds qu’ils ne sortaient même plus de leur lit. Ils étaient dans un état léthargique toute la journée.  Ca m’a tellement choquée que je me suis dit que jamais je mettrai mon enfant dans un endroit pareil. Killian n’était pas encore né ; c’était au début de ma carrière d’aide soignante et j’ignorais qu’un jour je serai confrontée à ce problème.  C’est une expérience qui m’a servie pour Killian.

Killian : J’ai un bon ami qui était sous médicament à cause de son état un peu dépressif. C’était un légume, je ne pouvais plus parler avec lui tellement il était fatigué, c’était dur de le voir dans cet état. Or il a trouvé récemment une copine,  je ne

l’ai jamais vu aussi heureux et il ne prend plus rien. Comme quoi, il faut trouver son médicament naturel.

 

 

 

Finalement le personnel du CMP au lieu de vous aider vous a plutôt pénalisé dans votre démarche avec Killian !

Killian : Ils ont mis une étiquette sur mon problème et pour eux c’était médicaments ou rien.

La maman : Les psychologues n’avaient pas de temps à consacrer aux enfants et il n’y avait aucune écoute envers les parents. De toute façon, c’était de notre faute s’il était ainsi, soit disant je l’écoutais trop. Je n’avais aucune réponse à mes questions, aucun échange et pas question de consulter un autre psychologue que celui du CMP qui ne voulait rien entendre à part sa vérité à lui. . Il m’a envoyé chez un psychiatre qui l’a vu 5 minutes sans moi. Il m’a ensuite appelée et m’a dit « On commence les médicaments. » En plus c’était un traitement fort. Il devait avoir 9 ans et était suivi depuis l’âge de 6 ans à peu près. Ca n’allait pas et je suis sorti de ce circuit car je le voyais toujours aussi triste et je ne voyais aucune amélioration.

Killian : Les médicaments auraient eu un impact sur mes capacités à réfléchir et j’aurais été dépendant d’un traitement. On ne cherchait pas à résoudre mes problèmes, on ne faisait que les aborder en surface et plus ça allait, plus je m’enfermais dans ma bulle.  Je peux comprendre qu’à un certain stade certains soient très atteints, et aient besoin de médicaments. Mais dans mon cas, il était possible d’avoir recours à des méthodes plus naturelles. Massage, musique, sport aussi pour l’équilibre. Chacun possède ses méthodes pour lutter contre les angoisses et il ne faut pas systématiquement utiliser les médicaments quand tout va mal.

 

 

Vous avez alors eu recours à un nouveau psychologue !

La maman : Oui, et il est venu travailler à domicile car Killian était complètement paniqué dans les transports. Et ainsi, il a réussi à créer du lien avec Killian. A chaque fois que je posais une question en tant que maman, il me répondait tout le temps. Je me sentais écoutée, comprise ; c’était la première fois. Et j’ai retrouvé du courage. J’ai cru en ce psychologue et je me suis dit qu’on allait y arriver. Il prenait parfois un petit temps avec moi, et si j’avais besoin, on faisait le point. Il avait aussi un lien avec toute la famille. Il m’accompagnait aussi dans les réunions MDPAH ce qui m’aidait car c’était compliqué pour moi de m’expliquer car au premier abord c’était difficile de se rendre compte qu’il avait ces problèmes. Au début, il avait peur d’avoir des ennuis, car il n’avait pas les qualités nécessaires pour s’occuper de jeunes enfants.  Mais je lui ai mis un peu la pression et finalement il a accepté. Killian partait pendant une heure avec le psychologue dans sa chambre. Je l’entendais rire ; il évacuait tout ce qui n’allait pas et l’humour était de la partie.

 

Killian : Oui, et ce fut un changement radical avec un vrai travail.  Il me faisait des tests et plein de choses qui bougeaient dans ma vie de tous les jours. Par exemple ma chambre c’est comme un musée. Tout est bien rangé, avec chaque chose à sa place. Il perturbait mes habitudes pour m’apprendre à en changer. Il me faisait sortir de ma chambre, dérangeait tout. Et pendant toute la séance d’une heure , heure et demi où je parlais avec lui, je ne devais pas ranger. C’était dur car j’aime bien quand tout est sa place.  Ca me démangeait mais je me dominais. C’était très dur et à force de faire ces petits exercices, ces petits rituels, ça ne me faisait plus rien. Après, ce n’était plus juste le temps de la séance, il fallait que je me domine 1 ou 2 jours et quand il revenait tout devait rester au même endroit. Parfois je trichais un petit peu, je remettais en place, et quand il revenait je dérangeais à nouveau. C’était mon petit secret. Il m’a mis dans l’action ce qui n’était pas le cas au CMP. C’était mon seul point d’extériorisation par rapport à tout le mal être que je vivais. J’étais très agressif et il a utilisé un magnétophone et quand il revenait on écoutait la conversation. Je lui confiais tous mes secrets ; il me donnait des astuces. Pour moi c’était plus qu’un psy même si au début j’ai eu du mal à m’ouvrir à lui. On rigolait, on avait vraiment un lien de confiance.  Moi qui étais  tout le temps triste et renfermé, le fait de rire me faisait un bien fou. Quand il partait, je me sentais bien car j’étais vidé. Je disais ce que j’avais à dire, et j’avais hâte à la fin de la semaine qu’il revienne pour recommencer à dire ce que j’avais accumulé.  Pour ma mère c’était un soulagement que je ne me rabatte pas uniquement sur elle. Actuellement, je ne suis plus suivi mais j’ai toujours son numéro sur moi au cas où. Il m’a toujours dit qu’il serait disponible pour moi. Mais maintenant j’ai toutes les clés et c’est à moi de jongler avec tous ces éléments.

 

 

Comment réagissiez-vous quand il avait ses crises ?

La maman : j’essayais de l’apaiser, de rester calme et je réagissais au jour le jour en fonction de ses crises. Pour les devoirs c’était très compliqué, et le psychologue m’a beaucoup aidée.  Et quand on avait eu le malheur de déplacer un objet, c’étai terrible. Parfois, il n’y avait pas d’autre solution que de lui laisser faire sa crise. Sinon, il aurait envahi toute la maison. Ca le mettait dans des états pas possibles, il s’accaparait les escaliers. Il y avait des choses qu’on ne pouvait laisser passer. Ses troubles à lui c’était les alignements, le rangement à tout prix. Avec les autres, il ne parlait pas, il se mettait de côté.

Killian : « Lors des récréations, j’étais souvent dans mon coin. Des groupes se formaient, mais je n’allais dans aucune case et donc je me retrouvais seul. Je ne voulais pas non plus être trop dérangé et souhaitais être dans mon petit coin, réfléchir et faire des jeux tout seul.

 

 

En quoi le sport vous a-t-il aidé ?

«  Killian :

Ca m’a beaucoup aidé à me sentir bien dans mon corps. En plus des problèmes sociaux que j’avais, les angoisses, je souffrais aussi d’un mal-être. Je me sentais nul, pas bien , j’étais dégoûté du corps humain, et le fait de faire une activité physique , de me libérer, de penser à autre chose , de rencontrer du monde m’a vraiment fait beaucoup de bien. Ca m’a changé, et psychologiquement bouger a joué un grand rôle dans ma vie de tous les jours.  Mais me sentant tellement bien avec le sport, la sensation de liberté est si forte que j’ai tendance à trop abuser. Je fais beaucoup de course à pied et me suis blessé assez récemment. Je suis aussi inscrit dans une salle de sports avec beaucoup de cours collectifs. Au programme : impulsions, sauts, pompes que je fais quasiment 7 jours sur 7.  2à 3h par jour, j’adorais ça.  Plus j’en faisais, plus je voulais en faire. Et depuis que je me suis blessé, j’ai compris que mon corps avait des limites. Mais le sport constitue une bonne partie de mon équilibre. J’ai commencé à 11,12 ans avec le judo. Au début, c’était vraiment pour avoir une activité et un contact physique.  Le fait que l’on se prenne par les kimonos, que l’on s’entraîne à faire des prises m’a incité à m’ouvrir davantage. Mais on voulait déjà que je fasse de la compétition et c’est devenu trop stressant.  Comme on faisait beaucoup d’exercices, j’ai pris l’habitude jusqu’à mes 16 ans de faire de la musculation chez moi, du renforcement avec le matériel adéquate, et après j’ai été dans une salle.  J’y suis allé de plus en plus. Au départ, ma mère ne voulait pas m’inscrire car elle craignait que j’en fasse trop. En effet, quand je commence quelque chose, j’ai besoin de le faire à fond, à l’excès. Ce qui m’a aidé aussi c’est le théâtre qui m’ appris à maîtriser mes angoisses. Respirer et jouer un autre que moi me permettaient de gérer le stress.  Je ne sentais plus du tout mes problèmes. Quand ma mère venait me voir, elle avait les larmes aux yeux, car elle ne me reconnaissait pas. Par exemple, quand je disais des poésies, je le faisais vraiment avec gestes et puissance.

 

 

Vous avez eu recours aux plantes. Notamment le millepertuis et l’aubépine. A quel moment ?

La maman : Comme je ne voulais pas de médicaments, ce psychologue me disait de prendre ces produits. Ca lui faisait du bien, mais avec le temps, sa souffrance revenait.  C’était des moments courts à cause d’un stress important.

 

 

Vous avez aussi eu recours à des méthodes comme le massage !

Killian : «  Oui, cela se passait surtout le soir quand je m’étais confiée à mon psychologue. Ma mère venait dans ma chambre, avec une petite musique relaxante et elle me massait tout en jouant avec un jeu de lumière.

La maman : Ce qui lui faisait du bien aussi c’était l’hypnose. J’imaginais vraiment toute la scène, je parlais du sable chaud. Il partait tout de suite dans ce que je lui racontais et comme j’adore raconter des histoires ; ça fonctionnait bien.

Killian : j’avais vraiment de bonnes sensations et je me transportais bien là où ma mère m’emmenait. C’était efficace aussi bien pour mon corps que pour mon esprit. Un vrai soulagement et sans effets secondaires.  J’écoutais beaucoup de musique relaxante également, des bruits de mer, de nature, d’oiseaux. Et puis de temps à autres de petites musiques ayant une action sur le cerveau, qui le stimulent.

 

 

Dans quel ordre les choses se sont-elles organisées ?

Killian : Au début, je m’appuyais beaucoup sur ma maman pour alléger mes angoisses. Est arrivé le deuxième psychologue, puis la mise en place des massages et ensuite le sport ; C’était un nouveau chapitre avec en même temps le judo et le théâtre.  Et actuellement, c’est le sport qui m’équilibre.  J’avais des liens très forts aussi avec mes frères et sœurs et ça a pesé dans la balance. J’ai continué mes études, c’était ma façon à moi de montrer que l’on peut y arriver avec des difficultés et des troubles. J’ai toujours aimé apprendre.

 

 

Votre sœur a eu un mot très juste « La différence est un espoir pour l’humanité. »

Killian : Tout à fait. Si on était tous pareils on n’arriverait pas à faire des choses qui sortent du commun et on ferait tous la même chose. Alors que là on apporte tous quelque chose de singulier et on change son regard en fonction de chacun.  On est tous unique et l’on apporte aux autres et les autres nous apportent. Les gens qui m’ont jugé je ne leur en tiens pas rigueur car dans le monde où l’on vit, la différence vous catalogue et vous met une étiquette. Mais ça ne m’a pas empêché d’avancer dans mes projets professionnels et personnels.  Le jugement est partout, on ne peut y échapper. C’est ça aussi qui m’a fait grandir, qui a construit ma personnalité.

 

Et vous Madame comment avez-vécu le fait d’avoir un enfant différent ?

Je me disais que ça allait être compliqué pour lui dans la vie. Quand on parle de schizophrénie, c’est toujours évoqué superficiellement dans les médias.  Dans les films par exemple, ce sont des tueurs. Je ne le disais à personne, je parlais toujours de troubles autistiques mais n’employais pas le mot schizophrénie. J’avais peur que mon fils soit mis,à l’écart, qu’on le rejette, qu’il ne soit plus invité.

Killian : C’est vraiment dommage que la société juge les schizophrènes comme des « fous » incapables de réfléchir. Ce n’est pas du tout ça en fait. C’est lié au cerveau ; c’est quelque chose qui est en nous,  mais qui n’est pas mauvais. On a juste une autre perception des choses.

 

 

A présent comment se passe votre vie ?

Killian : J’ai toutes les clés pour me débrouiller et j’arrive à vivre avec mes troubles. Quand ça ne va pas, quand j’ai peur à un moment donné de faire une bêtise, je prends des pauses, je souffle, joue avec la respiration ou alors je fais du sport. Mes angoisses sont beaucoup moins fréquentes que quand j’étais plus jeune. Le mal être est très court maintenant. J’ai encore de petites paniques quand je dois passer des contrôles mais j’ai toujours ma petite fleur de Bach sur moi au cas o%. C’est surtout psychologique mais ça m’aide. J’ai beaucoup de mal avec l’imprévu mais j’arrive maintenant à sortir à aller à des fêtes, à inviter des amis dans ma chambre. Je suis capable de déplacer des objets pour 1 jour ou deux.

 J’ai besoin en revanche d’avoir une vie bien réglée, bien organisée.

 

 

Avez-vous déjà été amoureux ?

Killian : Je ne recherche pas spécialement l’amour pour l’instant, d’abord mes études et ma stabilisation professionnelle. Mais il m’arrive d’y songer, ce qui n’était pas possible il y a quelques années. C’est vrai que ça me manque de ne pas avoir quelqu’un sur qui je pourrais réellement m’appuyer et avec qui partager ma vie. Mais j’ai peur vu ma vie ritualisée de ne pas être asse disponible pour une relation avec une femme. Il faudrait que je fasse l’impasse sur certaines choses, ce qui n’est pas possible pour l’instant.

 

 Vous voulez ouvrir une épicerie dans un petit village !

Killian : Oui. Il en manque beaucoup dans les campagnes, c’est moins le cas en ville. J’ai envie de créer quelque chose qui vienne de moi, de pouvoir échanger et d’avoir vraiment un contact avec tout le monde. C’est un projet qui me pousse à avoir des connaissances commerciales et à développer ma gestion des chiffres  pour plus tard peut-être engager ma famille.

 

Madame que pourriez-vous dire pour conclure cette belle réussite ?

La maman : Je suis fière de lui ; il est très courageux. Il n’a plus d’envie suicidaires, il arrive à avoir une vie normale. Je suis contente pour lui et de ne pas avoir lâché.

Killian : Je voudrais dire pour terminer que le but du livre n’est pas de dénigrer les médecins et le personnel médical. C’est simplement de montrer qu’il y a d’autres solutions que de se rabattre systématiquement sur les médicaments. J’ai eu beaucoup d’amour et les méthodes utilisées ont été efficaces..

Agnès Figueras-Lenattier

mardi, 04 octobre 2022

Victor Hugo à l'honneur

 

 

Le 16 octobre 2022 aura lieu à la Maison Auguste Comte une journée entière consacrée à Victor Hugo. Elle est organisée par la Société des amis de Victor Hugo et englobera notamment un spectacle basé sur la correspondance entre Victor Hugo et Adèle qui se sont connus enfants. Au programme également une conférence sur Hugo et l'amour, des interviews de descendants 'Hugo et une balade dans le 6ème arrondissement où Hugo et Adèle se sont mariés...

vendredi, 22 juillet 2022

Christophe Cazuc

profil avec les deux romans.jpgChristophe Cazuc la cinquantaine, titulaire d’un doctorat de sociologie, a multiplié les missions : consultant RH, préparateur mental, conférencier en optimisation du potentiel… Classé à 2/6 pendant de longues années, il a également coaché de nombreux joueurs de tennis professionnels avec environ 200 tournois dans son escarcelle.  Il a publié en auto-édition une trilogie sur les secrets de la performance tirée de son expérience personnelle. Le premier tome évoque l’histoire d’Alexandre 18 ans qui rêve de devenir un champion. Il croisera sur sa route Pierre un coach quelque peu atypique qui va l’aider à trouver en lui de grandes capacités mentales.  Le tome II est une fiction sur le tournoi de Roland Garros 2021 et lors du troisième tome on voit Alexandre sur le circuit pendant 10 ans avec notamment le tournoi de Winbledon.

 

 

Tu as écrit une trilogie sur les coulisses du circuit professionnel tennistique. Comment est né ce projet ? Ecris-tu depuis tout jeune ?

Avant 2018, je n’avais jamais eu en tête de publier un livre, mais j’écris depuis mon enfance. De la poésie, mes états d’âme notamment par rapport au tennis qui en fait naître beaucoup. Puis, j’ai fait un mémoire de maîtrise de DEA et un doctorat de sociologie qui comporte plus de 400 pages. J’ai également rédigé des articles scientifiques afin d’obtenir la qualification de « maître de conférence ». Mais c’était dans un cadre formel et académique impliquant des obligations qui me laissaient peu de liberté.  Un sociologue est toujours obligé de justifier le moindre de ses propos et c’est la raison pour laquelle dans le tome 1, on trouve beaucoup de notes en bas de page, les lecteurs ne sachant pas forcément ce qu’est l’ATP, l’ITF. C’est une déformation d’enseignant chercheur. En fait, l’idée de ce livre est venue à la suite d’une conversation avec Manu Planque l’entraîneur de Lucas Pouille entres autres. Ne trouvant pas de joueur à coacher, je me suis dit que j’allais en coacher un par le biais de la littérature. Plein d’idées et de thématiques envahissaient mon esprit. Et mon but était de partager ma méthode de travail avec les lecteurs étant donné que quand on s’adonne à du coaching mental, cela engendre de l’exclusivité. Je voulais que les gens puissent s’en inspirer, se l’approprier, prendre ou jeter selon leurs souhaits.  J’avais aussi pour défi d’encourager les jeunes à lire, ce qui est de moins en moins fréquent actuellement.  Ils lisent sur leur téléphone, ce qui n’incarne pas l’image que j’ai de la lecture. Or, je sais que les plus jeunes qui lisent mon livre ont 12 ans, ce qui est déjà une belle récompense.

 

 

Quelle était ton point de départ concernant cette trilogie ?

Il était entendu que si pour le premier, j’avais eu des retours désastreux, il n’y aurait pas eu de second volume car je ne suis pas masochiste et n’ai pas envie de faire perdre du temps aux lecteurs. J’ai volontairement voulu que ce soit un livre de poche à 10 euros. Non seulement je n’estime pas valoir 25 euros (ce livre est un peu une ode à l’imperfection… ) et ne voulais pas qu’il y ait une discrimination par rapport à l’argent. En outre, un livre de poche loge facilement dans un sac de tennis. Comme les réactions ont été très positives, j’ai commencé à écrire le second tome. Mais il m’a fallu un certain temps pour écrire la suite, pour trouver mon rythme, et une fois celui-ci trouvé, je me suis embarqué sur une autre idée pour le tome 2 et 3. Les personnages restent les mêmes mais le contexte et la durée sont différents. Pour le premier, on voyage sur trois continents différents, où j’ai moi-même été alors que dans le tome 2 c’est de la pure fiction et cela se passe au moment du tournoi de Roland Garros 2021.

 

Une thèse sur la construction d'une carrière

 

Et je m’étais fixé comme objectif qu’il sorte avant que l’événement n’ait lieu. J’ai fait le choix d’un large public assistant à l’événement, alors que le tournoi s’est déroulé en jauge limité.  Pour le troisième on repart sur 10 mois, deux jours après le tome 2 et l’on va jusqu’au mois d’avril 2022.  J’ai fait une thèse intitulée « La construction d’une carrière » et dans une carrière, il existe trois moments : l’apprentissage, l’exercice et la reconversion. Le premier est l’apprentissage. Alexandre est fin junior, début sénior, a 18 ans. Dans le deuxième trois ans plus tard, il a une wild card pour le tableau final de Roland Garros. On est sur des formats de matches potentiels en 5 sets avec l’événement de l’année pour tout joueur français. Comment va-t-il répondre aux exigences ?  Le tome 3 évoque un parcours beaucoup moins linéaire car on m’avait reproché un monde trop parfait, sans problème d’argent ou autre.  Si je voulais vraiment aller au terme, je ferais un tome 4 sur l’US Open mais qui n’interviendrait qu’en 2030. Il faut laisser Alexandre atteindre ses 30 ans pour que ce soit la fin de sa carrière et voir comment il va se reconvertir. Pour un sportif, en 15 ans son parcours peut être réglé sur ces trois moments là. Souvent, il devient entraîneur. 

 

 

On voit bien que tu as été coach car tu décris très bien les arcanes du tennis que tu analyses avec un scalpel !

Le mot que tu as employé est tout à fait adapté. Je veux que le lecteur puisse être dans les coulisses de ce monde qu’il connaît souvent juste par un résultat, un score à la télé, ou un match. Il est important de connaître les joies, les peines, les efforts, toutes les trames situées en amont pour se rendre compte de cette richesse qu’il peut y avoir dans le tennis de compétition à haut niveau . De temps en temps, on juge un joueur sur un match mauvais qu’il a disputé,, sans se rendre compte du travail accompli, et très souvent des sacrifices impliquant une dimension mentale très importante.  Finalement, tout est subjectif dans le tennis.  Bien jouer qu’est-ce ça veut dire ?  Beaucoup de jeunes, d’adolescents ont une vision beaucoup trop propre du tennis. Que des coups gagnants, du beau style. Or on a bien vu que ce n’était pas la réalité, avec en particulier l’arrivée de Brad Gilbert qui a coaché Agassi. Il lui a dit à un moment donné : « Tu n’es pas obligé de faire que des coups gagnants à chaque fois » et ce fut la première fois qu’Agassi gagnait Roland Garros. Il a été capable de jumeler une qualité de frappe exceptionnelle avec des coups de remise pour essayer de jouer plus intelligemment.

 

Tu as fait appel à quatre personnes comme conseillères notamment Brigitte Simon ex n°1 française. Que t’a-t-elle dit ?

Elle trouvait que dans le tome 1, j’étais trop lisse, trop réservé, trop pudique dans la psychologie des personnages et presque trop politiquement correct. . Je me suis débridé au fur et à mesure du tome 2 et 3 et elle m’a affirmé que j’avais bien progressé. Je n’ai pas cherché à plaire particulièrement dans le tome 1 car Pierre le coach atypique c’est moi à 90%. Quant à Alexandre, c’est une sorte de mixte de tous les jeunes que j’ai pu entraîner depuis plus de 20 ans au niveau du jeu, de la philosophie et surtout de la mentalité actuelle au sein des réseaux sociaux. J’ai aussi travaillé mon style avec un journaliste, la syntaxe et l’orthographe.

 

Les trois couvertures ont été réalisées par Chryslène Caillaud avec trois titres reprenant le mot balle (Balle d’éveil, Balle ocre, Balle de break) !

Au départ, je voulais appeler ce premier tome « People don’t cry » une chanson du groupe The Cure que j’aime beaucoup. En effet, dans le tennis masculin, le fait que qu’un joueur pleure peut être considéré comme un manque de mental. Important aussi, tout ce qui peut être associé à de la misogynie comme le fait de dire que les filles n’ont pas un aussi bon mental que les garçons. On est tous confronté hommes, femmes à des moments de stress, d’inquiétude.  Mais comme j’étais parti sur un personnage masculin, finalement j’ai choisi le titre « Balle d’éveil ».  Cela me permettait de décliner pour les deux tomes suivants « Balle ocre » par rapport à la terre battue de Roland Garros. Enfin « Balle de break »  car d’une part, l'herbe de Wimbledon a son importance dans le récit et d’autre part c’est un peu une allusion « à la cassure qu’a entraînée  la gestion calamiteuse  du Covid de nos gouvernants au sein de la population française. Une blessure que nous mettrons du temps à cicatriser. Pour le premier, je voulais traduire ce moment où l’on peut se ressourcer, le changement de côté. En quelque sorte le temps s’arrête, et la pression peut redescendre incluant une canalisation de notre énervement, notre colère. C’est un moment très important en terme d’habitude car c’est véritablement la routine qui nous permet de reprendre pied quand on est en train de perdre les pédales pendant un match. . Pour le tome 2, on a beaucoup parlé des invisibles (caissières, infirmières, chauffeurs de bus...) au début de la crise covid en 2020. Ce sont des personnes qui travaillent dans l'ombre et le tome 2 leur rend hommage sur un événement comme RG (ramasseur, juge de ligne, cordeur, supporter...). Pour le tome 3, je voulais que l’on voit une balle, du gazon et des pieds.

 

 

Tu cites beaucoup de maximes en introduction des chapitres!

A travers le bouddhisme auquel je me suis formé, mon idée était de diriger le lecteur vers une sorte de philosophie axée sur des phrases que j’ai utilisées en terme de coaching. On peut réfléchir sur une seule phrase toute sa vie. Adepte du développement personnel ? Oui complètement. Pour moi c’est sacré et j’aurais aimé à 15 ans lire un livre comme celui-là. Le tennis m’a permis de me désenclaver géographiquement, j’ai voyagé dans 40 pays, de prendre confiance en moi malgré ma timidité et en même temps de m’éveiller.  Quand on est passionné et que l’on a la chance de pouvoir pousser longtemps son investigation, on entre en profondeur dans son moi ; c’est le principe socratique «  Connais-toi toi-même. A partir du moment où l’on se trouve confronté à des enjeux de plus en plus ambitieux, automatiquement, on cherche en soi des ressources de plus en plus importantes. C’est la sagesse que Pierre essaye de remettre à plat en permanence…

 

Le  tennis une philosophie ?

Tout à fait, c’était vraiment cela que je voulais montrer.  Je suis très content de ma petite carrière car le tennis  me permet de continuer à avancer et toute ma vie il me servira. J’ai pu pratiquer une activité qui fait passer émotionnellement par des états d’âme très contrastés avec de la joie d’un côté et de terribles peines de l’autre.  Encore plus accentués quand on est quelqu’un de très sensible et tant que les émotions sont là, on garde finalement une innocence. On m’a traité dernièrement d’idéaliste ou de rêveur. C’est le plus beau compliment que l’on puisse me faire.  J’ai bossé 7 jours sur 7 pour les 3 tomes et puisque les gens semblent avoir passé un bon moment en lisant mes livres, je me dis que mes efforts ne sont pas totalement vains. J’ai un style très simple avec des mots simples et n’ai pas de prétention littéraire. En tant que sociologue c’était la même chose, je suis pour un principe de vulgarisation. La littérature nous permet de nous plonger dans différents univers.. En plus du tennis, la littérature m’a permis de me développer intellectuellement au niveau de ma philosophie, de mes références et de la tolérance. Ceci à 8, 10 euros en livre de poche, ou par le biais d’un abonnement en bibliothèque. Je lis beaucoup et suis attiré par des espaces parallèles pour découvrir des personnalités. Je trouve que  le succès a tendance à lisser un peu les styles artistiques ou littéraires.  Un peu comme une standardisation à laquelle je suis opposé.

 

 

Alexandre se repère beaucoup en fonction du TAO !

Je me suis lancé dans le TAO Te King que je trouvais déroutant et en même temps inspirant pour un jeune. Le principe c’est de se rendre compte qu’il existe une relativité dans toute chose et que quelque part c’est intéressant de prendre en considération que la perfection n’existe pas. Qu’est-ce que la perfection ? Les perfectionnistes il y en a beaucoup et les gens qui aspirent à cela peuvent devenir dingues. C’est pour cette raison que génie et folie se côtoient souvent.  L’idée que Pierre veut enseigner à Alexandre c’est ce lâcher-prise. Il est d’usage de considérer que la perfection n’existe que dans la victoire. Or certaines victoires sont imparfaites et certaines défaites parfaites.  Il faut être capable de mûrir et se rendre compte qu’il existe d’autres choses en dehors du tennis et que ce qui est important c’est d’être impliqué à 100% dans l’instant présent. Après l’on peut faire plein de choses différentes dans une journée et si on les fait avec un grand investissement, on a forcément une satisfaction. Autre chose importante dont je parle la respiration qui symbolise la vie. Beaucoup de personnes ne savent pas respirer. Des joueurs comme Rublev, Gilles Simon qui sont des fils de fer contrebalancent leur manque de puissance par une bonne capacité à respirer.  Pour optimiser son potentiel, la respiration est essentielle.

 

Tu fais un lien entre les randonnées et la forme au tennis !

Je les ai faites tout seul en Nouvelle Zélande. C’était la 9ème fois que j’allais à Melbourne et tout le monde m’avait dit « La Nouvelle Zélande, c’est le plus beau pays du monde. J’ai vu des reportages ; c’est vrai.  J’ai découvert la rando en 2010 avec Nomade Aventure sur le haut Atlas marocain. Deux ascensions à 400m.  C’est quelque chose qui me plaît beaucoup car tu réfléchis quand tu marches. Plein d’éléments se mettent en place et J’avais le vertige . On est loin d’avoir peur de faire une double faute, de déplaire à ses parents. Quand tu montes sur des crêtes de montagne, c’est clair que le danger est un peu plus important. J’estime en plus en tant qu’intervenant, je me dois régulièrement de me mettre en position d’aller dans des zones d’inconfort. Ceci pour éviter d’être un théoricien et pour avoir conscience qu’à certains moments le stress et la peur existent. Il faut expérimenter ça soi-même de temps à autre et voir si ce que l’on propose comme piste de respiration, de visualisation, de routine fonctionne encore.  Sinon, tu es un escroc.  

En vieillissant je prends de plus en plus de risques pour éveiller ma vie quotidienne. « Cela me fait penser à la phrase «  Si tu as peur du tigre affronte-le »…  Je n’ai pas voulu en revanche prendra la responsabilité d’être parent et je n’engage que mon existence.  On n’a jamais fini de se découvrir avec des situations où l’on ne sait pas ce qui va se passer. Et puis les événements douloureux de la vie m’ont démontré que quoi que tu fasses dans la vie, elle se chargera toujours de mettre sur ton chemin des surprises pas toujours joyeuses et il faut avoir une trame.

 

 

A un moment donné, Alexandre casse sa raquette et est privé de compétition pendant quelques mois. Quel message as-tu voulu faire passer ?

Dans ma vie j’ai du casser 50 raquettes. J’avais un énorme conflit avec mon père alcoolique et je ne pouvais pas lui casser la figure.  J’ai souffert de l’image que j’ai pu donner, et les gens ne savaient pas pourquoi je me comportais ainsi… Je voulais dire dans ce livre « Evitons de juger les gens surtout dans les moments où ils ne sont pas au top et ne nous positionnons pas en donneurs de leçons. On ne naît pas agressif, on ne pète pas un cable par choix, c’est notre esprit qui est poussé à bout à certains moments, et j’en pâtis encore aujourd’hui à cause de gens qui m’ont catalogué. Quelque part, écrire est une façon de mettre les choses au clair. On peut être intelligent et en même temps avoir un comportement totalement stupide.  Je suis tellement perfectionniste, je déteste la médiocrité et c’est la raquette qui prenait. Il y avait à la fois la colère latente, et la colère du match et les deux cumulés sont difficiles à contrôler. Mes parents m’ont offert ma première raquette, elle a été cassée et après j’ai tout payé moi-même.

 

 

Peut-on réussir à l’heure actuelle dans le tennis sans coach ?

Sur un court de tennis on est tout seul.  Maintenant, ils vont tester le coaching mais certains coaches dont je fais partie ne sont pas intéressés par interférer pendant les matches. C’est cette capacité qu’a l’individu à trouver par lui-même les solutions qui prévaut, et qui lui donne confiance en lui-même. Sinon, il est toujours dans une sorte de soumission ou de dépendance dans sa réflexion à l’autre.  J’ai coaché jusqu’au tableau final de Grand Chlem, et je sais qu’à présent, je peux amener un joueur jusque là. Je peux anticiper énormément d’erreurs car je les ai vécues avec d’autres joueurs.  Je revendique ce principe d’émancipation qui est à l’opposé de ce qui se passe actuellement. J’aime le principe « do it yourself » et avec deux fils de fer et une boîte à chaussures on peut faire quelque chose.  Ca demande une créativité beaucoup plus importante qui  contribue à stimuler côté cérébral.

 

 

 

Le livre qui t’a le plus apporté sur le plan développement personnel ?

« Plaidoyer pour le bonheur » de Mathieu Ricard une introduction au bouddhisme que je trouve intéressante et sinon  « Le guerrier pacifique » de Dan Millman. Une sorte de guerrier pacifique à la sauce tennis, c’est ce que je fais pour garder cette cohérence entre ce que tu vis et ce que tu dis…  Il est essentiel de comprendre que l’on a aucune prise sur 80% des sources de stress provoquées, et qu’il est sage de se concentrer sur les 20% restants …  C’est là où l’on doit mettre notre énergie en œuvre…

 

 

Tes projets ?

La sociologie a constitué un choc culturel énorme, c’est ce que je suis en train de démontrer dans mon nouveau livre qui contient une partie autobiographique très importante. J’ai fait de l’anthropologie rurale, politique et cela m’a totalement éloigné de mon univers quotidien et m’a éveillé à la vie.  Ce fut une ouverture incroyable et en même temps, je continuais à faire des tournois le week-end dès que je pouvais. Je suis resté 30 ans en seconde série et cela constituait un équilibre.

Pour ce prochain livre, je voudrais vivre 4 semaines consécutives coupées de tout réseau. Serais-je déconnecté ou connecté à la nature ? J’ai commencé à écrire sur tout le rapport géographique pour raconter comment l’on peut se retrouver dans cette aventure. J’ai fait partie d’un groupe d’anthropologie corporelle que je surnomme philosophie corporelle car c’est la connexion avec la nature et l’observation du retour à l’état sauvage. Que va-t-il se passer ? J’ai fait plusieurs sortes de  coaching, dont celui en entreprise, le coaching mental sportif où je suis intervenu sur plus de 10 sports et le coaching individuel.   Avec le sportif c’est la préparation mentale qui prime, avec un particulier c’est du développement personnel, avec une entreprise c’est la gestion des ressources humaines. Ce qui me plaît c’est qu’à chaque fois une page blanche se met en place avec l’idée de faire émerger les ressources chez l’autre. Je prends des notes et la personne à un moment donné se retrouve en difficulté pour que j’apprenne à découvrir qui elle est. Je ne vais pas lui donner une solution, je vais faire en sorte qu’elle arrive à la trouver toute seule.  Que les questions soient suffisamment pertinentes pour que la personne verbalise à haute voix haute, qu’elle s’entende. Ensuite, à soi d’appuyer sur certains mots, mais jamais d’imposer quoi que ce soit. Trouver les portes de sortie et en même temps prendre ce temps- là interactif, pour ceux qui en ont besoin.

Pour contacter  Christophe Cazuc :  balledeveil@yahoo.com

Agnès Figueras-Lenattier

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mercredi, 29 juin 2022

Cheyenne Carron

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Cheyenne Carron est une cinéaste de talent totalement indépendante qui a réalisé 14 films dont le premier «  Ecorchés » sorti en 1905.  Il parle d’un couple qui lors de vacances en amoureux dans une maison de campagne isolée établit un rapport de force qui va se transformer en drame. Auteur de plusieurs livres, elle est également peintre et a sorti récemment un bel album «  Survie, le monde d’après » qui englobe quelques-unes de ses œuvres picturales. Elle a d’ailleurs bien l’intention dans les années qui viennent d’abandonner quelque peu le cinéma pour se consacrer à cette autre corde à son arc…

 

En regardant vos films, on sent qu’il règne en votre intérieur une certaine empathie et une certaine solidarité envers ceux qui souffrent. Pensez-vous que cela est dû à votre enfance pas toujours très rose ?

J’ai eu une enfance difficile c’est vrai, mais en même temps pleine d’immenses bonheurs. Pour pouvoir donner, aimer, il faut quand même recevoir beaucoup d’amour et heureusement j’en ai eu. Oui, je suis de l’assistance publique, mes géniteurs étaient très cruels, ne s’étaient pas occupés des papiers me permettant d’être adoptée et m’avaient laissée un peu comme un paquet dans une gare dès l’âge de 3 mois… Mais j’ai été placée par la DASS dans une famille d’accueil où la maman a adopté 3 enfants ma sœur, un enfant du Guatemala handicapé et moi plus deux enfants biologiques. Cette femme est exceptionnelle, une ancienne institutrice catholique dotée d’un cœur immense.  

 

Une mère très aimante

 

Elle m’a sauvée de tout, et elle m’a témoigné l’amour que doit avoir une mère avec son enfant. Ma vie a été faite de catastrophes, j’ai pu voir la laideur de certaines êtres humains, mais j’ai vu aussi la beauté d’autres personnes. Un équilibre s’est mis en place englobant une enfance riche, dense, avec ses contrastes, sa force, et une belle soif de vivre. Pour faire ce que j’ai fait, 14 longs métrages à porter à bout de bras, il faut aimer énormément la vie. Donc, forcément ce passé m’aide et m’influence pour évoquer la complexité de la nature humaine au sein de mes films. Mais la plupart du temps, j’essaye de faire triompher le beau et il est rare que je mette en avant la laideur de l’âme. Dans ma vie, ce n’est pas la laideur qui a triomphé mais la beauté.

 

Votre premier long-métrage est sorti en 2005. Vous dites fuir les acteurs professionnels mais vous avez engagé Mélanie Thierry. C’était une exception !

A ce moment là, elle n’était pas du tout professionnelle et n’était pas du tout connue. Elle a même galéré de nombreuses années avant d’avoir sa place au cinéma. Elle a joué dans de mauvais films y compris le mien. En effet, je ne suis pas du tout fière de cette réalisation. C’est le seul film qui a eu un producteur d’ailleurs extrêmement interventionniste et ce fut le déclic qui m’a convaincue de réaliser mes films en indépendante. Je me suis éloignée de ce côté prod, distribution pour produire un cinéma plus puriste, plus exigeant. J’avais vraiment soif de liberté.

 

En 20 ans de réalisation, vous avez été exclue de tous les organismes officiels notamment du CNC. Pourquoi selon vous ?

C’est très difficile de répondre et c’est plutôt eux qui pourraient donner la raison.  Ce qui est sûr c’est que pour moi, il y a eu un avant et un après. A mes débuts, je croyais beaucoup en cette institution et je leur fournissais des dossiers avec beaucoup de conscience professionnelle. J’avais même demandé des rendez-vous pour rencontrer les responsables de cette institution et leur exposer ma façon de travailler. Pour mon film « La fille publique » qui parlait de mon parcours à l’assistance publique, un beau film qui faisait référence à John Ford, on a même refusé de me faire les sous titrages en anglais sous prétexte que c’était un film sélectionné dans les festivals. J’ai du faire des emprunts, et à partir de ce moment est née dans ma tête une bascule vis-à-vis du CNC que je me suis mise à détester. J’en ai vu les limites mais malgré tout, j’ai continué et je continue toujours à leur demander de l’aide pour chacun de mes films. Par exemple, en septembre je vais tourner « Je m’abandonne à toi « , un film en hommage aux aumôniers militaires. Je déposerai un dossier en espérant avoir une avance mais je pense qu’elle me sera refusée. Pourquoi ? C’est une institution qui fonctionne avec les gens qu’elle connaît qui soutient le cinéma indépendant que l’on peut qualifier d’auteur et en même temps qui veut gagner de l’argent. C’est très complexe et un rejet mutuel s’est maintenant installé entre eux et moi.

J’ai quand même réussi quelque chose de très spectaculaire qui m’a demandé un effort que vous ne pouvez imaginer et qui me vient tout à la fois de cette enfance à la fois chaotique et d’avoir fait ces films toute seule.  Faire des films qui les uns après les autres bénéficient souvent de critiques très élogieuses n’est pas forcément un avantage pour plaire à des institutions comme le CNC.  C’est bien compliqué même pour moi car j’aurais rêvé d’être reconnue et soutenue. Mais j’avais l’idée d’un certain cinéma et je voulais le produire coûte que coûte…

 

A 16 ans, j’ai découvert le cinéma par mère qui ‘a montré beaucoup de vidéos et aussi par un vidéo club dans ma ville. Et puis j’ai eu pour voisin pendant très longtemps Pierre Schoendoerffer et j’ai bien connu Jacques Rozier. Il me disait toujours lorsque nous déjeunions ensemble « les producteurs ça n’existe pas » et il m’encourageait à faire mon cinéma. Je crois que lui aussi faisait aussi beaucoup son propre cinéma. C’était s’inscrire un peu dans l’héritage du cinéma réalisé avec des bouts de ficelle. A l’époque c’était un cinéma fait en pellicule ce qui coûtait bien plus que maintenant avec les moyens numériques. Ca a permis à des cinéastes comme moi de produire une œuvre.

 

 

Comment avez-vous fait financièrement ?

Ce fut très difficile et mes films étaient faits avec des budgets très faibles qu’il fallait malgré tout que je trouve.  Parfois, j’allais frapper à la porte de gens très fortunés que je ne connaissais pas.  Parfois ça fonctionnait comme pour « L’apôtre » avec Xavier Niel. Ou je trouvais des noms des sociétés et j’envoyais des courriers. Parfois je me disais que pour tel film je pouvais y inclure des placements de produits. Je pense notamment à mon film « Le corps sauvage » sur Diane chasseresse pour lequel je suis allée voir des marques liées à l’univers de la chasse et de la pêche.  Je demandais un petit budget en échange de placer une bouteille de vin dans mon film… Ou des vêtements portés par les acteurs… Je me débrouillais toujours pour trouver le financement à tout prix, mais il y a de nombreux films que je n’ai pas pu faire faute d’argent notamment 5 ou 6 films auxquels je tenais.  J’ai énormément écrit, et   en 25 ans n’ai pratiquement pas pris de vacances. Je rêve après « Je m’abandonne à toi de faire un film sur les soins palliatifs. Ce serait mon dernier film qui s’intitulerait « Notre humanité « Mais je ne vois pas qui pourrait financer ce genre là…

 

 

La ténacité fait partie de votre tempérament !

Je ne dirais pas tenace. J’ai foi en ce que je fais, j’aime passionnément le cinéma et il a représenté ma bouée de sauvetage. A 16 ans ½ La DASS m’a mise dans un petit studio car je faisais beaucoup de bêtises. Je n’allais pas en cours et je regardais plein de films. Je pense qu’à cette époque là, le cinéma m’a sauvée.  C’était vital, et je n’aurais pas pu réaliser tout cela si ce n’était pas vital.  Mais le cinéma va laisser place petit à petit à la peinture. Je peins depuis des années, mais je ne montrais pas forcément mes peintures ; c’était mon jardin secret. Mais je pense qu’actuellement je m’oriente petit à petit vers une vie de peintre.

 

On va y venir, mais parlons encore un peu cinéma ! Vous avez eu de nombreux prix ; c’est un peu comme une revanche !

Non, je ne le considère pas ainsi. Il existe de nombreux films qui reçoivent des prix et qui ne sont pas forcément intéressants.  J’aime mes films bien sûr mais parler de revanche, non. D’ailleurs, pour parler franchement je ne présente plus du tout mes films dans les festivals. Ca ne m’attire plus.  Mes plus belles récompenses maintenant c’est lorsque des amis me mettent des photos dans les médiathèques et que je vois mes films à la lettre Carron. C’est extraordinaire !..

 

 

Vous avez fait beaucoup de films sur les militaires !

Oui beaucoup sur le monde militaire, sur les épouses de militaires, sur les blessures psychologiques des militaires. A 16 ans, je rêvais d’entrer dans la légion pour plein de raisons. Pour le côté famille, changement d’identité, solidarité des êtres d’où qu’ils viennent. C’était un idéal et je me suis présentée au sein d’un régiment à Valence. On m’a ri au nez en disant que de toute façon on ne prenait pas de femmes. Je suis donc devenue cinéaste, mon autre rêve…

 

Vous avez vécu avec un soldat atteint du syndrome post traumatique. Avez-vous réussi à l’en sortir ?
Disons que je l’ai aidé à ne pas en avoir honte, ce qui est déjà un premier pas surtout lorsqu’on est un homme et légionnaire. Mais je n’ai pas pu le sortir de sa maladie, et d’ailleurs il n’est pas guéri et toujours suivi. Ce sont des blessures invisibles, et il est difficile d’en guérir totalement. J’ai fait un film « La beauté du monde » qui traite de ce sujet là….

 

Avant de parler peinture, sujet qui vous accapare beaucoup en ce moment, évoquons un autre de vos intérêts le parfum !

Ah oui !  Je crée des parfums qui se vendent notamment sur le site de la légion étrangère, et c’est en rapport là aussi avec mon enfance. Le dimanche, ma maman que j’aime infiniment nous mettait des eaux de Cologne sur nos mouchoirs. Chèvrefeuille ou lavande. Je me souviens que je gardais ce petit mouchoir toute la semaine et j’attendais impatiemment le dimanche suivant de respirer à nouveau cette senteur.  J’avais peut-être 7,8 ans et aujourd’hui  on pourrait presque assimiler cela à un doudou même si cela démystifie un peu le sujet. C’était un fétiche, un objet de réconfort qui me liait à ma maman et qui m’a orientée vers cette sensibilité se rapportant au parfum de l’eau de Cologne.  J’adore l’évasion olfactive par le parfum à la manière des Japonais qui d’ailleurs consacrent une cérémonie au parfum. Un jour, je me suis dit « Je vais créer mon propre mode olfactif, et raconter des histoires comme dans mes films.  J’ai acheté petit à petit des matières premières, et de petites fioles afin de me constituer mon orgue à parfum.

 

Un apprentissage de longue haleine

 

J’ai fait mon apprentissage toute seule en lisant un certain nombre de livres en mémorisant le plus possible de matières premières, et ma première création s’est appelée « Marie » en hommage à ma mère, puis j’ai créé 19 fragrances. J’avais des parfums pour le matin, l’après-midi, le soir, parfois la nuit pour mon lit mais je ne les mettais pas forcément sur moi. Ca aidait mon esprit à s’évader.  L’origine du parfum vient des rites mortuaires, des embaumements et je trouvais également intéressant de recréer un parfum qui permette de se relier à ce rite très ancien et qui puisse être utilisé pour nos propres défunts. J’ai fait cette expérience en en mettant dans le cercueil de ma grand-mère, mais je n’ai pas commercialisé l’œuvre.  Je dirais que c’était presque une œuvre artistique, et finalement entre le parfum, l’art contemporain, le cinéma il existe des ponts qui englobent des chemins quelque peu logiques découlant de l’enfance…

 

Arrivons maintenant à la peinture. Vous venez de sortir un album avec un certain nombre de vos peintures. Cela fait-il longtemps que vous peignez ?
J’ai commencé à 22 ans. Au début, c’était un peu un refuge à cause du cinéma qui m’a obligé à me battre comme une diablesse. Et je me sentais également seule.  Je n’avais pas beaucoup de moyens et je peignais toujours sur les deux mêmes toiles. J’effaçais, je recommençais et ainsi de suite. Je pouvais créer, m’accomplir et exprimer ce que j’avais en moi. C’était surtout la nuit car à l’époque j’avais beaucoup d’insomnies. C’était comme mon jardin secret…

 

C’était un domaine qui vous attirait depuis longtemps ?
J’étais passionnée par les émissions « Palette » , et par tous les documentaires sur la peinture, par les livres d’art et 90% de ma collection de DVD ont pour sujet la peinture.  Ce qui me fascine c’est l’artiste peintre qui fasse émerger un monde cohérent où l’on discerne bien sa patte.  Je n’ai pas vraiment de périodes préférées même si bien sûr j’adore certaines toiles de Delacroix, de Vélasquez, de Rembrandt et Giraudet.  Jean Rustin par exemple propose des corps nus très amochés, très laids, mais c’est captivant car il existe une logique dans tout son univers pictural. Bien sûr ce n’est pas « La belle odalisque « d’Ingres, mais quelle importance ! Celui qui est capable de proposer quelque chose de singulier, de jamais exploré, je trouve cela génial… Cela quel que soit le domaine artistique, et même si les  artistes sont parfois bien éloignés de ma sensibilité.

 

 

Et vous quel est le monde que vous proposez ?

Mon univers, en tout cas j’aimerais qu’il soit perçu est empreint d’une certaine poésie face à un monde de destruction, de grande puissance. J’essaie de peindre la société dans laquelle je vis. C’est un monde un peu chaotique mais dans ce chaos tout est possible. Avec le mal mais aussi le bien.  Quand je peins les femmes africaines aux champs, la couverture du livre, c’est symbolique. On est dans la métaphore et cette femme cultive son jardin, un chaos rose, mais un chaos fait de coton et peut-être aussi de douceur… Quand on regarde le monde c’est assez dramatique avec le COVID, la guerre en Ukraine, mais il existe malgré tout la possibilité d’aménager son jardin avec celui des autres et d’observer ce monde avec un peu de recul. C’est cette folie de ce monde là que je cherche à démontrer au sein duquel s’infiltre de la poésie, de l’espérance, de la solidarité et une certaine beauté.

 

Un peu comme dans vos films !

En fait oui… C’est tout à fait ça…

 

Dans vos toiles, le bleu est très présent !

Oui, mais je n’en connais pas vraiment la vraie raison. C’est une couleur qui se décline sur beaucoup de possibilités et qui représente l’infini des possibilités. Mais j’expérimente aussi d’autres couleurs. Ce qui m’importe c’est de trouver la déclinaison de couleurs qui exprimera le mieux le sentiment que je veux exprimer.  

 

En revanche pas beaucoup de rouge !

Non pour le moment. Pourtant, le rouge fait naître de magnifiques couleurs avec là aussi d’extraordinaires déclinaisons. Mais les sentiments qui m’habitent en ce moment sont plutôt un peu diffus, intérieurs, mélancoliques et le rouge n’a pas sa place pour l’instant. Mais la peinture évolue, et je pense que ce domaine sera ancré en moi pour le reste de ma vie.

En effet, cette nouvelle étape dans ma vie me conduira jusqu’à ma mort et que ce domaine va devenir nécessaire à ma vie dans les années qui viennent.

 

 

Croyez-vous à l’influence des couleurs de manière générale ?

Oui, je crois en la force des couleurs et je pense qu’elles accompagnent la vie et même plus encore. Ainsi, dans nos maisons, le choix des tapisseries, des rideaux, la couleur d’un mur, n’est pas très éloigné de celui de la peinture. Lorsque je choisis telle ou telle peinture, tel ou te pigment ; il m’arrive de créer mes peintures à base de pigments, c’est pour exprimer un sentiment. Et je ne suis pas loin de penser même si je ne m’y connais pas du tout dans ce domaine là, que c’est la même chose pour les décorations  au sein des habitations. Donc être peintre, c’est être complètement dans la vie.

 

La peinture comme le parfum dégage des odeurs !

Oui, c’est vrai qu’il existe un rapport très sensuel à la peinture, surtout la peinture à l’huile, car pour moi la peinture acrylique est une peinture morte au sein de laquelle je ne me retrouve pas. La peinture à l’huile on peut y revenir tout le temps pendant des semaines, le temps qu’elle sèche. On trouve tout un tas de matières, de médiums qui peuvent aller des médiums flamands très incolores ou au contraire des couleurs, des odeurs très différentes, très puissantes de térébenthine mais aussi des odeurs très douces. Mais j’ai quand même beaucoup souffert dans ma chambre de bonne de ces odeurs car je n’avais pas de cave lorsque j’étais dans ma chambre de bonne. Je dormais à côté de mes peintures et je me réveillais souvent le matin avec de gros maux de tête et j’étais obligée même l’hiver de dormir la fenêtre ouverte. La peinture à l’huile, j’en retiendrais donc les odeurs mais aussi les matières visqueuses, moins visqueuses et le fait de concasser la poudre avec le mélange d’huile. J’adore ça, c’est magique car on fait émerger des couleurs issues de ses propres dosages…

 

Quel est votre rêve en tant que peintre ?

Je ne veux pas succomber au système et aller à tout prix vers un art contemporain qui instaure un piège à cause des histoires d’argent. J’espère créer la même folie que dans mon cinéma.

 

 

Et être libre !

Oui, vous avez tout dit en un mot, je veux la même liberté que celle que j’ai eue en tant que cinéaste. C’est une liberté que je me suis octroyée, on ne me l’a pas donnée. Et là j’aurai réussi mon chemin…

Agnès Figueras-Lenattier

 

 

06:56 Publié dans Interviews | Lien permanent | Commentaires (0)

mercredi, 23 février 2022

Samy Thiebault

_DSC4200.jpg_DSC4362.jpgSamy Thiebault saxophoniste de jazz  renommé, détenteur également d’une maîtrise de philosophie en est à son 9 album qu’il a intitulé Awé. Une trilogie qui l’a amené sur les terres  créoles et lui a permis de continuer son exploration de la Caraïbe et du jazz afro-africain. . Le titre s’inspire d’une interjection que le contrebassiste Felipe Cabrera chantait sur Puerto Rican Folk Dong, un thème de son  album «  Carribean Stories » qui  résumait bien selon lui ll’idée d’Awe. Un cri, une danse populaire créole et savante en collaboration avec des musiciens cubains portoricains habitant  aux Etats-Unis. Il avait déjà fait un gros travail d’introspection autour des cultures caribéennes et  de la relation qu’elles entretiennent avec le jazz avec son CD Carribean Stories. Et il voulait écrire un répertoire plus contemporain afin d’être davantage en prise avec ce qui se passe sans perdre de vue sa propre direction artistique. Passionné de surf, il a demandé à l’artiste Sarah Joulia qu’il connaît depuis longtemps de s’inspirer de l’univers d’Awe pour réaliser une création autour de l’océan. En sont sortis des tee-shirts qu’il vend lors de ses concerts...

 

Comment situes-la musique par rapport au domaine artistique en général ?

Pour moi, c’est le seul art qui est le plus en prise avec une forme de transe et de sensualité spirituelle. Que ce soit dans la littérature, la poésie, le cinéma, il existe toujours le médium de l’intellect. Ce qui n’est pas le cas de la musique qui parle directement aux sens. Le résultat est beaucoup plus immédiat et donc plus intuitif, plus émotionnel . C’est un point de vue très subjectif et pas du tout nourri par une analyse. Je pense que l’on peut sûrement prouver le contraire en parlant peinture mais c’est mon propre ressenti. Sans cela, je ne serais pas musicien.

 

Tu dis que tu aimes la danse dans la musique. C’est-à-dire ?

La danse représente le mouvement et la libération du corps sous sa forme esthétique.  On danse toujours avec quelqu’un, ce qui entraîne un aspect collectif. Pour moi c’est le rôle de la musique. Il n’existe pas de danse sans musique, c’est ce qui la fait vivre même si c’est une danse intérieure.  Quand on écoute Charlie Parker, on n’a pas forcément envie de danser comme le font les danseurs de hip hop mais une mise en branle du corps se déploie. Tout cela dans un but de se changer avec autrui au moins l’espace d’un concert. On se connecte les uns les autres, ceci via le jeu des émotions, des sens. On essaye de se réunir ensemble pour danser de façon très discrète afin d’arriver à une forme de sentiments collectifs. Peut-être que ça change les choses sans que l’on s’en rende compte. En tout cas, c’est une union, une réunion où l’intellect est chamboulé. Ce sont pour moi des éléments très importants, on entre dans l’aspect de la transe.

 

Donnes-tu toujours  des cours à Choisy le Roi !

Oui aux enfants et aux adolescents cinq heures par semaine.  Enseigner m’est très cher car la notion de transmission est importante. C’est à la fois bien pour moi comme aspect créatif et à la fois important en tant que citoyen et artiste de transmettre. On ne peut pas créer si on ne donne pas… En général, on commence par le saxophone alto qui est le plus adapté à leur morphologie et on parle d’abord de son, de comment en émettre un et y prendre du plaisir. On écoute aussi des disques.

 

Quel est le plus important pour toi en tant qu’enseignant ?

La tradition orale. Je suis très attaché au fait que les enfants s’approprient cette musique et pas de manière académique.  Je tiens aussi beaucoup au côté populaire du jazz et que l’élève ne considère pas cette discipline comme une musique de bourgeois et de privilégié mais au contraire  comme une musique qui lui parle de manière immédiate. C’est vraiment ce que je travaille en priorité.

 

 

En dehors de la musique tu es assez sportif. Tu as fait un peu de tennis, mais ce n’est pas un sport qui te branche plus  que cela. Pourquoi ?

Effectivement. D’abord pour une raison personnelle. Quand j’étais enfant, mes parents m’ont fait essayer plein de sports et à chaque fois ça ne fonctionnait pas ; je n’étais pas connecté. Comme il y avait un court de tennis à côté de chez moi, on m'a inscrit à des cours. C’est le professeur qui a convoqué mes parents à l’époque et qui leur a dit qu’il semblait y avoir un problème avec moi.  "Il regarde la balle passer et il ne la touche pas. Il ne se déplace même pas pour aller la frapper. C’est peut-être un problème psychologique »avait t-il expliqué Tout le monde étai très inquiet, et on m’a emmené voir un psychomotricien qui a rassuré ma famille  en leur affirmant  qu’il n’y avait rien d’inquiétant me concernant. « C’est juste qu’il est dans son univers, qu’il rêve et visiblement courir après une balle ne l’intéresse pas plus que cela. »  La deuxième raison vient du fait que la compétition à deux me parle très moyennement. Me battre contre quelqu’un n’est pas ma tasse de thé même si j’admets les enjeux stratégiques de ce sport. Il développe les réflexes, une intelligence du corps et je comprends bien le rapport entre le tennis et le jazz. Plein de jazzmen adorent ce sport.  Dans la musique, la notion de compétition est aussi présente. Il faut être brillant pour stimuler le batteur mais ça ne me dérange pas car il n’y a pas de gagnant.. En outre, depuis que j’ai découvert le surf, ce n’est plus pareil.

 

Le surf comparable à la musique

J’ai retrouvé les mêmes éléments dans le surf que ceux que je retrouve dans la musique. Une forme d’abandon aux éléments, à ce qui se passe autour de soi avec une intelligence  de l’instant auquel il faut s’adapter et parfois le surmonter ; le dominer et aussi l’accepter. Présente aussi la notion de collectivité car avec l’océan on n’est jamais seul. On est avec l’immensité de la nature comme on est avec l’immensité de la musique et le bruit de l’océan représente surtout une notion de bien-être. .. On regarde les autres surfer, on apprend, on conseille et on très solidaire les uns des autres.. Comme dans la musique, s’il arrive quoi que ce soit on doit tous s’entraider. Si quelqu’un se trompe sur un morceau on est tous avec lui, car ce qui prime d’abord c’est la musique. Ce sont toutes ces valeurs là que j’ai retrouvées.  . On ne va pas jouer de la même façon  en fonction de ce que joue le batteur et le pianiste et en même temps on doit  leur donner l’impulsion afin d' être source de suggestion. L'on est vraiment dans cet entre deux que je n’ai retrouvé nulle part ailleurs. Et puis étant dépassé par tout ce qui se passe, il existe une forme de transe. Quand les alpinistes arrivent dans un milieu qui n’est pas approprié à l’homme, ils parlent d’engagement. C’est pareil en musique et en surf. Un endroit qui ne t’est pas forcément destiné, qui n’est pas là pour toi, qui ne t’attend pas, qui ne dépend pas de toi et pour moi la musique c’est pareil. Tu arrives dans un endroit qui existe avant toi ce qui donne à la fois une certaine forme d’humilité et de puissance. C’est vraiment l’union des paradoxes.

 

De manière générale tu aimes  les sports d’eau !

Oui, depuis que je suis petit, j’adore l’eau. Mon oncle m’a raconté que quand ma mère a voulu m’apprendre à nager, elle m’a jeté dans la piscine et il a fallu que je débrouille seul.  Quand je prenais un bain, je ne voulais plus en sortir et dès que j’étais face à la mer, j’y allais tout de suite. Je ne suis pas frileux et c’est là où je suis bien.

 

Pour le saxophone tu es bien sûr très exigent dans le choix de l’instrument. Est-ce pareil pour la planche de surf ?

Ah oui !. Il y en a d’ailleurs cinq chez moi ce qui crée des discussions avec ma femme qui commence à en avoir marre de ces planches de surf partout. Mais je pense honnêtement que c’est lié aussi à mon niveau. . Il existe un moment où l’on se concentre davantage sur le matériel car c’est en rapprt avec la progression. Quand on avance, on veut avancer encore plus donc on cherche la bonne planche, le bon volume intérieur, la bonne forme, la bonne longueur même si certaines planches dépendent des vagues. Pour le saxophone, j’ai passé beaucoup de temps à chercher ce qui me convenait, ce qui est utile, je ne le renie pas. Mais une fois que l’on a trouvé le bon matériel et qu’on a également pratiqué , le travail se faisant à l’intérieur de soi c’est-à-dire dans la manière de souffler, on arrête de se poser ce genre de questions.  J’ai des amis qui surfent tout le temps et qui n’ont qu’une planche…

 

Tu es un passionné de surf ?

Ah complètement ! En plus avec la crise du Covid, c’était la seule chose qui pouvait compenser l’absence de concert à la fois physiquement et psychologiquement.  Ca m’a tellement manqué de ne pas aller sur scène que la seule chose qui m’a aidé c’est d’aller à l’océan et de surfer.

 

Tu dis que c’ est créateur. Est-ce le fait de jouer avec les vagues ?
Tout à fait ! Pas une seule vague ne se ressemble, et il règne une notion d’esthétique très importante.  Quand on est sur une vague, la façon dont on place ses bras, son buste, son corps doit être joli à voir. Il ne  faut pas que ce soit forcé, il faut être avec la vague. Le surf de par l’importance de faire de beaux gestes, se rapproche de pas mal d’arts martiaux. C’est incroyable car une vague peut changer de seconde en seconde, on est vraiment dans la création instantanée.  C’est le même processus que le  jazz et même si on a l’impression que les conditions sont idéales et que toutes les vagues se ressemblent, ce n’est pas vrai. La vitesse, le découlement, les courants, l’influence du vent rendent chaque chose unique et précieuse.

 

Et la peur là-dedans ?

Cela  dépend mais c’est le même genre de peur qui m’habite avant de monter sur scène. Plus une conscience extrême que de la peur. C’est un drôle de sentiment car on n’est ni totalement dans la joie ni totalement dans l’anxiété. C’est un entre deux où tout est à vif et l’on est plongé dans une concentration intense, du coup très excitante. Mais c’est vrai qu’à une certaine hauteur, je peux commencer à avoir peur mais bizarrement je me sens en sécurité dans l’océan. J’avais beaucoup plus peur quand je faisais du skate. J’avais peur car sur le goudron, on peut se faire très mal.  Mais dans l’eau je suis rassuré, je ne sais pas pourquoi. C’est irrationnel et je n’ai pas vraiment d’explication. En décembre 2021, je suis allé faire une cession  à Saint-Jean De Luz. Les vagues étaient très grosses avec une hauteur de 2 mètres  2m ½ ce qui est ma limite car au-delà c’est trop technique. A un moment donné, je me suis fait renverser par une vague et je suis resté très longtemps dans l’eau mais à la fin emmené vers les rochers, je n’ai pas vraiment été envahi par la peur. C’était comme une vigilance qui commençait à apparaître…

 

Existe-t-il plusieurs positions dans la façon de se tenir sur la planche ?

En surf ce n’est que debout, mais ceux  qui font du long board ont de très longues planches sur lesquelles on peut réaliser des figures de style. C’est précis et ce sont de petites vagues.. En revanche en body board, la position est allongée avec des planches tout à fait différentes. Elles sont en mousse et beaucoup plus petites. J’ai d’ailleurs commencé par là et sur ces planches là on peut se mettre à genoux. Un genou à terre, un genou debout.  J’adorais ce genre de figure qui ressemblait un peu à des positions de scène d’aikido. Mais je préfère le surf car les perspectives et sensations sont beaucoup plus intenses.

 

Prends-tu beaucoup de gamelles ?

Cela  dépend du niveau, mais j’ai l’impression de progresser en ce moment et j’en prends moins. Sur 2h si on est très en forme, on prend cinq à six  bonnes vagues ce qui est peu car on passe beaucoup de temps à ramer. 20% seulement à surfer et sur ces 20% il y a peut-être 10% de bonnes vagues… De quoi dépend la chute ? J’ai envie de citer un personnage d’Azur Asmar un dessin animé que j’adore. Au début, un jeune enfant monte sur un cheval, il tombe et celui qui lui apprend à faire du cheval lui dit « Ce n’est jamais la faute du cheval, c’est la faute du cavalier." Toutes les vagues sont surfables avec bien sûr des vagues plus ou moins difficiles à cerner.  Un excellent surfeur arrive à surfer à peu près tout. Certaines vagues se perdent tout de suite, d’autres se déroulent.  Une gamelle sur une vague facilement maîtrisable  dépend de nombreux paramètres. Un pied avant trop devant, le fait de se lever trop tard, de trop regarder autour de soi, trop sa planche… La position idéale ? Les genoux très pliés et le buste droit. L’erreur de beaucoup de débutants c’est d’avoir une position en crabe.

 

Un endroit idéal pour surfer ?
Il y en a plein mais je suis assez attaché à la plage où j’ai débuté en bas du bassin d’Arcachon ou au pays basque. J’aime bien aussi surfer au Maroc . Comme ma mère était marocaine, c’est toujours très émouvant pour moi d’aller là-bas surfer. La plupart du temps, je surfe tout seul mais quand je peux j’y vais avec des amis d’enfance qui sont tous surfers. On a commencé ensemble et on était les premiers à aller sur les plages en bas du bassin d’Arcachon. On avait une planche pour six, on a tous essayé et ça nous a plu. Quand on y va ensemble, c’est génial comme rapport et comme moment.  C’est la solidarité dont je parlais entre les musiciens, même genre de collectif.

 

Tu surf en tournée ?
Ah oui et ça devient même un problème dès que je vois qu’il existe des vagues pas loin. Je pars avec trois planches et c’est un enfer pour ma production de prévoir des voitures assez grandes pour me réceptionner à l’aéroport. Je commence à embêter toute le monde avec mes histoires…

 

Donc tu as déjà surfé avant un concert ?

Oui ça m’est arrivé. Quand c’est possible comme à Saint Sébastien, je me lève très tôt et je vais surfer. Cela me met dans la même énergie que pour un concert. Mais il ne faut pas en abuser car c’est très fatigant quand même. Il faut garder un peu d’énergie pour le soir et au lieu d’une heure et demi , deux heures, je surfe une demi-heure, trois quart d’heure. C’est comme un extra. Surfer m’inspire musicalement oui mais c’est plus en terme de sensations qu’en terme de mélodies. C’est une sorte d’état d’esprit, de mise en disponibilité. Ce qui est sûr c’est que quand je vais surfer, j’ai l’impression de travailler mon instrument.

 

T’es-tu déjà blessé ?

Non pas au rythme où j’en fais. Trois, quatre fois par mois.  Mais pas mal de surfers peuvent se faire mal au dos à cause de  la position de rame. Le buste très ouvert pour avancer et voir au loin. Mais la blessure est assez facilement compensée par des exercices de yoga, des choses de ce style. Mais c’est un sport très complet qui fait travailler énormément les parties du corps.

 

En surf tu as envie de progresser et en musique aussi. En quoi ?

Oui, c’est même l’essentiel de ce que je veux faire et encore plus en musique. En surf, je dois travailler le fait d’avoir un dos plus droit sur ma planche  et d'avoir une vision plus large de la vague. Regarder loin, avoir une vraie direction du regard et peut être utiliser plus mes appuis avant… En musique la chose plus importante n’est pas d’être le meilleur mais d’être expressif . Arriver à partager de manière claire des sentiments forts. Cela passe par plein de médiums différents :  le son, le placement, la technique.

 

Quels sont tes projets ?

Déjà partir en tournée pour Awe. En Italie, Algérie plus tous les festivals de France en mai et en juin. Je prépare également un prochain album mais que je garde un peu secret…

Agnès Figueras-Lenattier

 

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mardi, 08 février 2022

Nelson Monfort

n.monfort,échange,bâtons rompusn.monfort,échange,bâtons rompusNelson Monfort journaliste polyvalent bien connu des français notamment des amateurs de patinage et de tennis s’intéresse en dehors du sport à beaucoup de domaines dont la littérature, la musique. Il est aussi passionné de géopolitique notamment depuis la guerre du Vietnam. « C’est assez difficile de rester indifférent à tout ce qui se passe dans le monde. On peut appeler ce sujet géopolitique, marche du monde mais ça m’a toujours captivé et ça continue de me captiver. Tout ce qui concerne actuellement L’Ukraine, La Russie, La Chine, La Corée du Nord… » Quand il était bien plus jeune, sa femme et lui ont aperçu un ovni. Une forme extrêmement brillante dans le ciel affirme t-il. « Ce n’était ni un avion, ni un hélicoptère, ni une comète, c’était bien un ovni. J’ai tendance à penser qu’il existe d’autres intelligence que la nôtre. Lorsque j’étais adolescent, la conquête spatiale faisait partie de mes centres d’intérêt. Cela me faisait complètement rêver et ensuite j’ai toujours aimé regarder les étoiles. Mais entre observer les étoiles, et voir ce que j’ai vu, il y a un pas… « Son dernier livre sorti en novembre 2021 s’intitule « Mémoires olympiques » et cet ouvrage est un des sujets évoqués dans cette interview.

 

Vous avez couvert de nombreux événements sportifs ? Chaque sport vous a t-il apporté quelque chose ou y en a t-il qui étaient plus de l’ordre d’une obligation due à votre métier de journaliste ? Non, cela n’a jamais été une obligation. J’ai toujours eu la chance de choisir. On ne peut pas être bon partout et commentant le patinage artistique, je ne me verrais pas faire la même chose avec le rugby. Cela n’aurait pas de sens. Je crois être bien dans ce que je fais, enfin je l’espère et c’est un choix qui se fait mutuellement entre la rédaction et moi-même.

 

Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?

La rencontre ; faire la connaissance des habitants. C’est un métier qui m’a donné l’occasion de voyager, d’être en contact avec des gens d’horizons extrêmement différents. J’ai toujours essayé d’aller vers les gens, de les aimer, et la plupart du temps ils me l’ont toujours très bien rendu. Voilà ce que m’apporte ce métier unique au monde pour moi.

 

Que trouvez le plus difficile dans le journalisme ?

Ce sont parfois des rivalités pas toujours très saines. Avec une concurrence qui peut faire naître des coups fourrés. La jalousie me semble être un vrai défaut dans ce métier. Mais heureusement pour moi j’ai de nombreux confrères non envieux et j’ai donc beaucoup d’’amis. Mais l’honnêteté me pousse à dire et je le dis d’autant plus que chacun a ses travers que je n’ai pas ce défaut En effet, si un confrère réussit un joli reportage, ou une interview, j’ai plutôt tendance à me réjouir pour lui. Je constate que ce n’est pas universellement partagé et j’en souffre beaucoup…

 

Vous commentez le tennis et le patinage artistique. La grande différence entre les deux c’est qu’au tennis on ne peut compter que sur soi alors qu’au patinage il existe les jurés et leur subjectivité.

Très bonne remarque et je n’ai pas grand-chose à ajouter. Le patinage peut être extrêmement difficile non seulement dans son exécution mais comme en plus le résultat dépend aussi des juges, ce sport peut être extrêmement frustrant. C’est une discipline pour laquelle j’ai pas mal d’admiration à cause de toutes ces particularités.

 

Quelle est dans le patinage artistique la figure que vous préférez ?

Je pense le triple axel car c’est un saut éminemment difficile à réaliser. Et quand il est réussi, il est techniquement parfait. C’est le seul saut qui partant de l’avant possède une forme de poésie en lui.

 

Il est question qu’après ces jeux Olympiques en Chine vous arrêtiez de commenter le patinage. Qu’en est-il ? Il va y avoir un bel événement avec les championnats du monde à Montpellier au mois de mars. Après, on verra.

 

En tout cas vous avez une belle complicité avec Philippe Candeloro qui a dit que si vous arrêtez il arrêterait aussi !

Je peux dire la même chose le concernant. Nous avons effectivement une formidable complicité et je me verrais mal continuer sans lui et apparemment c’est pareill pour lui. C’est peut-être au-delà de la confraternité ce que l’on appelle un vraie et sincère amitié.

 

Est-elle née tout de suite ?

Pas tout de suite mais assez vite quand même. On ne se trompe pas sur les personnes et au fur et à mesure du temps la première impression confirme. C’est un garçon en qui j’ai une totale confiance, c’est une belle qualité dans la vie. C’est aussi en tant que journaliste la personne avec qui j’aime le plus travailler…

 

Vous aimez particulièrement le golf. Pour quelle raison ?

C’est un sport qui accompagne ma vie depuis toujours. J’ai appris avec mon père et c’est une discipline que j’aime profondément. Aussi bien pour sa pratique que pour son état d’esprit. Quand on joue au golf avec quelqu’un, se met tout de suite en place une forme d’entente et d’amitié basée sur la confiance. Au golf, on ne triche pas. On annonce son score à son partenaire, aucun arbitre n’est présent et tout cela me plaît. Je demande à mon partenaire Combien as-tu » et je ne vais pas vérifier et recompter. . Le golf me fait penser si j’ose cette comparaison à certains examens au sein des plus grandes universités américains qui se déroulent sans surveillance. Cent étudiants sont présents dans la salle sans personne pour les observer. Le fait qu’il n’y ait personne implique que personne ne triche ; cela fait partie de l’éthique du départ. Si une seule personne rompt le contrat, tout est mis à plat. Outre ces considérations, , j’apprécie aussi le cadre, et les paysages que l’on parcourt sont magnifiques. Un golf de plaine, de montagne, de bord de mer…

 

Vous jouez au tennis aussi ?

Oui et je ne me débrouillais pas trop mal. Jai été classé 15/5, 15/4. Je fais aussi du ski, et du patinage que j’évite dans mon cas d’appeler artistique. Autrefois je faisais un peu de compétition et le ski est le premier sport que j’ai pratiqué. Avec les années qui passent je n’en fais plus de 10h à 17h mais j’aime beaucoup dévaler les pistes avec un ou deux amis hors des sentiers battus.

 

Au début de votre livre « Mémoires olympIques », vous avez glissé la citation suivante de Mark Twain : « Ils ne savaientpas que c’était impossible, alors ils l’ont fait !

C’est une phrase qui je l’espère accompagne ma vie. J’aurais pu en mettre une autre « Oser c’est se perdre un instant, ne pas oser c’est se perdre soi-même. » j’aime ces citations. Je n’en ai pas cinquante dans la tête, mais certaines me suivent sur mon chemin de vie.

 

Avez-vous assisté à la 21ème victoire de Nadal en grand Chlem à l’Open d’Australie contre Medvedev ?Il était mené deux sets à rien, 3/2 et 0/40 sur son service !

Oui et c’est pour moi pourtant j’en ai vu un certain nombre un des plus grands matches auquel j’ai assisté. Je ne veux pas employer de trop grands mots mais c’était tout simplement extraordinaire.

 

Vous avez des relations assez privilégiées avec lui. Un jour il vous a dit que contrairement à beaucoup de journalistes, il ne vous faisait pas peur !

C’est exact. Je ne vais pas dire que c’est un ami, on ne se tape pas sur le dos mais j’ai une totale estime pour lui, et je pense qu’il me le rend bien. J’ai animé par deux fois sa soirée caritative et c’est un garçon que j’aime énormément.

 

Dans votre livre vous parlez d’une grande estime que vous avez pour Pierre de Coubertin. Sa mysoginie ne vous dérange pas ?

Nous ne sommes pas en 2022 mais en 1900. Ill faut se remettre dans le contexte de l’époque. Evidemment il fait preuve d’une grande mysoginie vis-à-vis des femmes sportives et ce serait insupportable à entendre aujourd’hui. Mais encore une fois il faut comprendre que l’on est très loin de la génération actuelle.. Vous pensez comme lui que l’important c’est de participer ! Oui pour moi quitte à paraître démodé, je pense effectivement que l’important en sport c’est le fair-play. Et le fairplay passe avant tout par la participation et non pas par le fait de gagner à tout prix. Je le pense vraiment.

 

Vous parlez aussi de Pierre de Coubertin comme un intellectuel qui en dehors du sport s’intéressait à plein de domaines. Vous aimez ce genre de personnalité assez éclectique. Puis vous en profitez pour dire que vous aimeriez que les JO englobent comme autrefois davantage d’événements artistiques ?

Oui. Au début, les JO ne comprenaient pas uniquement des épreuves sportives et il me semble que se déroulaient par exemple des épreuves d’ échecs, de bridge. Même si ça me paraît complètement impossible ce serait intéressant de revenir à cette ancienne formule. Mais j’ai vraiment le sentiment d’être vraiment d’un autre monde en disant cela. Les Jo ont atteint aujourd’hui un gigantisme terrible et je trouve qu’il serait bien qu’il y ait une forme de retour aux sources avec des JO organisés à Athènes l’été et en hiver à Chamonix. Ceci de façon régulière.

 

Vous dites qu’en direct vous avez encore un peu le trac !

C’est une forme de respect du public. On n’arrive pas devant des millions de spectateurs les mains dans les poches sans avoir rien préparé. Ce respect me procure non pas un trac paralysant mais un trac qui fait que je suis concentré. C’est peut-être ce qui m’a permis enfin j’espère, de faire un assez bon bout de chemin en matière de sport à la télévision.

 

Même vis-à-vis des athlètes vous avez une petite gêne à être souvent le 1er à les interviewer juste après leur compétition ! Je dirais que j’ai une forme de pudeur, c qui est plutôt quelque chose de bien…

 

Vous parlez de vous comme un journaliste plutôt consolateur contrairement à beaucoup de vos confrères qui sont durs et ne laissent pas les athlètes savourer le moment présent !...

Oui c’est tout à fait exact. A certains moments, je sors un peu de mon rôle de journaliste et j’essaye d’être un passeur d’émotion. Se réjouir de la victoire c’est assez facile, mais compatir en cas de défaite c’est plus difficile. Il faut adopter le ton juste et j’essaye de le faire.

 

Une fois  votre désir de  bien faire a été mal pris !  C'était avec la nageuse Ophélie Cyrielle Etienne!

Oui, extrêmement mal pris. Je souhaitais qu’elle dédie sa victoire à sa maman qui venait de la quitter. Pour moi c’était un sentiment noble qui a été mal pris mais ça ne veut pas dire qu’il existait une intention maligne derrière. C’est le propre des réseaux sociaux que j’appelle souvent des fléaux sociaux. N’importe quelle petite chose prend des proportions hors de propos. Je suis contre une certaine utilisation de ces réseaux.

 

Vous parlez de votre rencontre avec Jean Rochefort !

C’est quelqu’un pour qui j’avais et pour qui j’ai toujours beaucoup d’estime car de tels artistes sont quelque part toujours parmi nous. C’est quelqu’un que j’aimais beaucoup.

 

Vous déplorez le fait que certains sports ne soient pas mis en valeur aux JO comme le disque !

Pour moi, c’est la discipline olympique par excellence. Sur les anciennes gravures olympiques que voit-on ? Le lancer du disque. Or il passe un peu au second plan et je trouve qu’il existe presque une forme d’injustice. Un sport comme l’athlétisme est tellement riche. Il y a tout, le saut, le lancer, le relais et c’est tout à fait merveilleux pour moi. J’aime en particulier le relais 4 fois 100 m.

Vous dites que le tennis et le football n’ont pas leur place aux JO.

Effectivement.. Ce sont des sports hyper bien organisés et hyper professionnels qui n’ont pas besoin des JO pour exister. En revanche l’athlétisme, la natation, le ski en hiver, le patinage, l’aviron, le canoe kayak , l’haltérophilie, le judo, le karaté, le curling, le bi-athlon bien sûr. Même le golf qui est pourtant un sport que j’adore n’a pas vraiment sa place aux JO.

 

Vous parlez de la lutte anti dopage ou bien souvent c’est juste une seule personne qui paie les pots cassés !

Deux choses me gênent. Non seulement on accuse une seule personne mais aussi un seul sport et je trouve cela extrêmement regrettable et détestable. Quand on commence à parler du dopage, il faut le prouver. Je déteste les accusations sans fondement. Je ne vois pas pourquoi les cyclistes seraient mis au banc et peut-être que d’autres sports comme par exemple le marathon auraient tout autant intérêt à se regarder derrière leur porte devant la glace.

 

Existe-t-il réellement des sports qui échappent à ce fléau ? De plus, ceux qui détiennent les produits pour masquer le dopage sont toujours en avance par rapport à ceux qui luttent contre ?

Il y a dopage et dopage. Il existe le dopage instantané sur la performance et le dopage au long cours qui est évidemment un autre problème. Mais je suis de votre avis. Je n’ai d’ailleurs pas entendu parler dans quelque port que ce soit d’un contrôle anti-dopage un peu fort depuis des années. Donc, oui il semble que les événements vous donnent raison mais tout ce que je tiens à dire et je le redis, je ne supporte pas les accusations sans fondement et si on parle d’un athlète dopé faut le prouver…

 

Les jeux de Tokyo 2021 sans public cela devait être triste !

Pour moi le sport sans public c’est comme le théâtre ou le music-hall sans public. C’est terrible et à la limite il faut même peut-être mieux que l’événement n’ait pas lieu. Le sport sans public c’est une forme d’orphelinat à part.

 

Pour en finir avec le sport, vous affirmez dans votre livre que les événements du passé auxquels on n’a pas assistés font davantage rêver que ceux du présent !

Oui c’est ce que j’essaye de développer dans mon livre : la capacité d’imagination. Celle-ci est évidemment bien plus développée pour des événements auxquels on n’a pas assisté. Quand je parle des JO de 1924, des premiers jeux d’Athènes en 1896 ou ceux de Los Angelès en 1932, j’imagine plus fortement l’événement et je souscris à cette réalité. C’est pour cela que je ne suis pas un grand fan des caméras qui vont dans les vestiaires ou autres. Il faut savoir garder un côté un peu mystérieux. C’est cela qui fait rêver le public et qui me fait rêver.

 

Ce que vous dites pour le sport est d’ailleurs valable pour la vie en général ?

Totalement. C’est la même chose pour un artiste, un réalisateur qui doit donner ce qu’il existe de meilleur dans sa discipline. Mais essayer de faire copain copain avec lui, je ne pense pas que ce soit une bonne chose. Il faut mieux rester sur cette part de rêve. J’en suis intimement persuadé d’autant plus que je n’ai pas toujours pensé ainsi. Ainsi, au début de ma carrière, je voulais être ami avec ces personnalités. Mais on ne peut aller qu’au-devant de déceptions.

 

Pourtant vous avez pas mal fréquenté certains artistes comme Jean Ferrat, Georges Brassens et autres. Vous avez d’ailleurs fait un spectacle sur Jean Ferrat fin 2021 et un sur Goerges Brassens auparavant.

Ferrat et Brassens parmi d’autres ont accompagné ma jeunesse et continuent à accompagner ma vie. En faisant ces deux spectacles, je leur ai rendu hommage. Ils sont un peu oubliés et très peu programmés ce que je trouve injuste et si j’en juge par la fréquentation, c’était une bonne initiative.

 

Jean Ferrat aimait beaucoup Nadal ! Il aimait beaucoup le tennis en général et Nadal en particulier. Quand je l’ai rencontré je voulais lui parler de ses chansons et lui voulait parler tennis. On a pu faire une sorte de 50/50.

 

Il a adopté sa moustache à Cuba.

Oui en 1967 quand il a fait un voyage là-bas pour aller voir ce qui l’intéressait : les latinos, les guerilleros, les barbouzes. Et il n’a jamais plus quitté sa moustache.

 

Il devait beaucoup plaire aux femmes !

Oui mais malheureusement pour elles, il était fidèle !...

 

Il aimait Hugo et Aragon !

Il les adorait. Il considérait Hugo comme le plus grand poète du XIXè siècle et son admiration pour Aragon était encore plus forte. Il a mis en musique un grand nombre de ses poèmes. C’était une amitié poétique, philosophique, politique, une relation exceptionnelle.

 

Pourriez-vous faire un petit portrait de Brassens?

Iconoclaste heureux pour être rapide et très succinct. Il ne s’embarrassait pas des convenances et il était formidablement heureux dans ce qu’il faisait. Il avait la faculté de rendre les gens heureux en écoutant ses chansons.

 

Il a prononcé cette phrase « Si je ne suis pas normal c’est que je n’en ai pas envie. Il y a suffisamment de gens normaux, laissons-les se comprendre entre eux."

Tout est dit. C’est pour cela que je parlais d’iconoclaste, de quelqu’un d’anarchique. C’est un très grand artiste et si vous me demandez de choisir entre lui et Ferrat, je j’en serais bien incapable. Ce sont deux des plus grands auteurs chanteurs compositeurs poètes du XXè siècle. Et Brel ? Aussi.

 

Vous êtes un grand amateur de musique classique ?

En tant qu’interprète je suis plus amateur de chanson française comme ce dont on vient de parler. Mais en tant qu’auditeur je suis davantage tourné vers la musique classique ; je ne pourrais pas m’en passer. J’ai des périodes. Musique romantique, musique ballets russes du XXè siècle. C’est très varié. Je mets le tout dans un verre qui pétille de bonheur.

 

Quand vous êtes un peu mélancolique, puisque c’est votre tendance que préférez-vous écouter ?

Je vais vous faire une petite confidence. Quand une certaine mélancolie m’habite, la musique a tendance à me rendre plus gai mais quand je suis gai la musique a tendance à me rendre un peu plus mélancolique. Si je devais écouter tout le temps un compositeur au moment de ces deux sentiments ce serait Mozart. D’ailleurs c’est intéressant, car il a écrit certaines de ses œuvres les plus gaies lorsqu’il était lui-même très triste et vice versa. Je me reconnais bien.

 

D’ailleurs on dit très souvent que les clowns sont plutôt tristes dans la vie !

Très juste, et ils sont parfois tristes sur scène. Il existe une forme de mélancolie chez les clowns.

 

Quelles sont les causes auxquelles vous êtes particulièrement sensible ?

La protection animale. Je suis parrain d’une très jolie association "Pro anima " qui porte bien son nom. C’est un comité scientifique qui propose des mesures alternatives aux expérimentations monstrueuses que l’on peut faire sur les animaux. Je suis très sensible à ça. Végétarien ? Non, même si je suis obligé de reconnaître que depuis quelques années je mange moins de viande.

 

De manière générale respectez-vous une hygiène de vie ?

Oui je crois ; je fais un petit peu attention ce qui passe forcément par une certaine hygiène de vie. Je ne fume pas, je ne bois pas excessivement.

 

A ce propos quand vous êtes mélancolique boire un verre vous rend-il plus joyeux ?

Non, j’ai plutôt le vin triste dans ces cas là…

 

Vous aimez beaucoup l’écrivain Alphonse Allais. Pour quelle raison ? Son humour !

On me dit souvent « Tu parles plusieurs langues c’est formidable. « Mais pour moi, la plus belle langue qui soit c’est le français. C’est la raison pour laquelle je suis tombé amoureux d’Alphonse Allais. Non seulement pour ses écrits, mais aussi pour une époque à jamais disparue. Je ne veux pas être trop nostalgique mais c’est mon sentiment.

 

Savez-vous ce qu’il a dit sur son lit de mort ? « Je regrette de ne pas avoir pu réconcilier les œufs brouillés. » Qu’est-ce que cette phrase vous inspire ?

Ecoutez, c’est tout simplement merveilleux. Cela m’inspire de l’humour, de la tendresse, de la poésie, une certaine forme de nostalgie aussi. Tout ce que j’aime dans la vie…

Agnès Figueras-Lenattier

mercredi, 19 janvier 2022

Brigitte Simon

tennis,discussion,bâtons rompustennis,discussion,bâtons rompusBrigitte Simon est une ex joueuse de tennis professionnelle entre les années 1970 et 80. Elle a été n°1, 36ème mondiale et a atteint la demi-finale de Roland Garros. Actuellement elle coache des sportifs et donne des conseils sur le plan nutritif... 

 

Tout d’abord pour commencer cette interview, quel cursus scolaire as-tu suivi ?

J’ai passé mon bac en candidat libre.

 

Ce qui implique un certain courage !

Du courage et de la chance. En fait, j’ai arrêté en janvier l’année du bac car le proviseur de mon lycée ne voulait pas me laisser partir 1 mois ½ en Afrique du Sud. Une grève a eu lieu au sein du lycée pour me soutenir et finalement j’ai pu partir. Mais quand je suis revenue, je n’avais plus l’humeur à me retrouver à travailler entre quatre murs et j’ai passé mon bac sans dossier, sans rien.

 

 

As-tu participé aux cours de gymnastique à l’école ?

Quand j’étais à Dijon, j’en ai été dispensée avec un faux certificat médical prétendant que j’étais inapte à la gymnastique pour m’entraîner au tennis à la place.

 

Que penses-tu de la place du sport dans nos écoles et lycées français ?

En primaire par exemple c’est une catastrophe. En France, on n’a pas une culture du sport  très développée ; c’était vrai à notre époque et c’est toujours vrai actuellement.  Je verrais bien comme dans certains pays les études le matin et le sport l’après-midi.

 

 

Quelles étaient les matières que tu aimais à l’école ?
Je n’étais pas du tout maths, physique, chimie. J’aimais bien le français, l’histoire. Et la philosophie, ce qui ne veut pas dire pour autant que j’avais de bonnes notes…

 

Quels philosophes à l’époque t’ont marqué ?

C’était surtout une découverte, et l’on parcourait juste les grands philosophes sans vraiment approfondir. Cette année en terminale a éveillé ma curiosité et après mon goût.  Je suis surtout une autodidacte et par la suite j’ai lu pas mal de livres de philosophes. A l’heure actuelle, j’aime bien Luc Ferry, Frédéric Lenoir dont j’ai lu tous les livres. Michel Onfray j’apprécie aussi, mais je le trouve difficile à lire.

 

Tu aimes beaucoup Jean D’Ormesson !

J’ai lu quelques-uns de ses livres mais pas tout, loin s’en faut. Ce que j’appréciais chez lui c’était sa manière d’aborder les choses lorsqu’il était interviewé ou qu’il intervenait en vidéo. C’était un régal de finesse, d’intelligence, d’analyse et d’appréciation de la vie, et de la nature humaine. En plus, il avait de l’humour. Il avait tout pour lui.

 

Son style était un peu précieux, non ?

C’est vrai, c’était un aristocrate né avec une cuillère dans la bouche. C’est d’ailleurs sa femme qui avait de l’argent.  Mais c’est sa philosophie de vie qui était intéressante. Ce qu’il disait, ce qu’il pensait. Toujours avec légèreté, sans polémique, sans agressivité. Les mots étaient souvent très justes, je l’adorais.

 

 

Tu aimes aussi les polars !

Oui pas uniquement et un peu moins maintenant. Mais avec un bon polar on passe toujours un bon moment. Agatha Christie ? Oui, je l’ai beaucoup lue. J’aime bien aussi Douglas Kennedy, Laurent Gounelle, Mathieu Ricard. Tous ces gens là, ça me parle…

 

 

Tu aimes les citations. En voici une de Diderot: «  On avale à pleine gorgée le mensonge qui nous flatte et l’on boit goutte à goutte la vérité qui nous est amère. «  Es-tu plutôt pour dire la vérité ou éviter de blesser ?

C’est une très belle citation en tout cas. Toute vérité n’est pas bonne à dire mais j’ai beaucoup de mal avec cette phrase. Quand j’étais jeune j’étais vraiment cash et en vieillissant je le suis un peu moins. Mais selon moi le déni n’est pas très bon. Il faut être un peu diplomate mais la vérité a toujours intérêt à sortir et comme le dit Di∂erot à petite goutte pour que ce soit moins violent. Il y a aussi des gens incapables d’entendre la vérité et ce n’est pas la peine de les blesser inutilement. Mais quand  tu atteins un bonne complicité avec quelqu’un, la vérité peut faire progresser. A force de cacher la vérité, on se complait dans un système peu productif et au sein duquel on se renferme…

 

Connais-tu Deepak Chopra ?

Je suis ses méditations auxquelles j’ai vraiment commencé à m’intéresser vers l’âge de 55 ans… Et depuis j’en fais tous les jours plus ou moins longtemps dans mon lit. Ce n’est pas une discipline cartésienne et il existe des jours où c’est plus ou moins facile.

 

Et le yoga ?

J’ai essayé plusieurs fois mais cela ne me correspond pas. Je n’y arrive pas, je m’embête et j’ai définitivement rayé le yoga de mon vocabulaire… J’utilise aussi beaucoup la cohérence cardiaque au niveau de la respiration.

 

Penses-tu que si tu avais découvert toutes ces méthodes lors de ta vie de joueuse cela t’aurait aidé ?

Ah oui car cela te permet de te mettre dans ta bulle. La respiration c’est la base de tout

Et quand on fait du sport, c’est encore plus important pour calmer son stress, ses émotions. En outre, toutes ces techniques sont relativement simples, pas besoin d’avoir fait polytechnique pour y arriver. Cela ne résout pas tout mais pour le tennis, sport individuel, on a besoin de gommer un peu toutes ces choses parasites qui peuvent intervenir même à l’entraînement.  Je fais un peu de coaching mental avec des sportifs et quand je leur parle de la respiration, ils me rient au nez en se disant si elle n’a que ça à nous proposer ça ne va pas aller. Or, ils se rendent compte que la respiration représente la base de tout. Pour faire le vide mental, pour se focaliser, se concentrer. C’est un outil formidable et que l’on peut utiliser n’importe quand.  Christophe André en parle très bien dans ses livres.  Si j’avais eu recours à ces méthodes, j’aurais gagné Roland Garros ( rires… ).

 

 

De manière générale, tu t’intéresses aux médecines douces !

Oui étant dans la prévention santé. Depuis une dizaine d’années, la nutrition fait partie de mes centres d’intérêt. J’ai vu à titre personnel des thérapeutes travaillant dans ce domaine et également au niveau préventif. Comment éviter des maladies ? En se complémentant et en adoptant une bonne hygiène de vie même si la mienne n’est pas parfaite. J’ai également eu recours à la réflexologie…

 

Et l’homéopathie ?
Je n’y crois pas trop. J’en ai pris lors d’une opération. De l’arnica pour ne pas gonfler, mais de manière ponctuelle.

 

L’hypnose ?

J’en ai fait mais ça n’a aucun impact sur moi… En revanche, j’ai fait de l’EMDR qui m’a fait beaucoup de bien. Egalement de L’E.F.T de l’acupuncture par les doigts que tu fais toi-même avec un rituel en formulant une phrase qui te parle. Et qui correspond à ce que tu veux régler toi-même.Ca fonctionne bien pour l’anxiété, le stress. Mais au départ ça parait tellement cul cul qu’on a du mal à y croire. Il faut vraiment pratiquer pour ressentir les bienfaits. Et puis ça dépend des individus, chacun doit trouver ce qui lui convient.

 

Que penses-tu de la vieillesse ?
Vieillir apporte une sagesse non acquise auparavant. Mais c’est un sujet très ambigu pour moi car j’ai perdu ma mère lorsqu’elle avait 55 ans. Et quand tu perds ta mère assez jeune, tu n’as plus de points de repères. Et plus j’avançais en âge, plus je me rapprochais de l’âge de la mort de ma mère. Lorsque j’ai eu 45 ans ça allait mais à 50 ans, j’ai eu un problème et ce fut difficile à assumer. Mais c’était plus par rapport à ma mère que par rapport à mon cas personnel. Ensuite, j’ai eu 55,60 et maintenant je n’y pense plus.  De toute façon, vieillir on n’y échappe pas et l’important c’est d’être en bonne santé pour faire du sport à son rythme, bouger, ne pas être handicapé.

 

 

Quand on est très sportif, voir son corps être de moins en moins performant n’est pas facile à accepter !

Il existe des gens atteints de handicaps très tôt. Bien sûr que cela fait peur car n’importe quel souci peut survenir. C’est vrai que pour nous qui avons fait beaucoup de sport c’est encore plus difficile. J’ai un ami qui a 75 ans qui est en train de mourir. Il a été sportif toute sa vie et c’est à présent une personne très diminuée qui attend la mort dans son lit. Quelle cruauté !...Quant à la peur de vieillir, elle est liée aussi à la peur de mourir. Plus on avance, plus on se rapproche de l’échéance, ce qui ne fait pas plaisir.

 

 

Maintenant que tu as arrêté ta carrière t’estimes-tu accroc au sport ?

Non, car je n’ai pas un tempérament à être une «addict ». En revanche,faire du sport est vital  pour mon équilibre et j’ai besoin d’en faire 3,4 fois par semaine. Si je n’en fais pas, ce n’est pas un drame, mais je ne suis pas vraiment bien dans ma peau. Mais après ma carrière, je ne voulais plus souffrir physiquement, ni avoir des douleurs physiques. Donc c’est vraiment de l’entretien. Je cours un peu, joue au golf, au tennis de temps en temps avec mes enfants.  Le plaisir de bouger, de me dépenser pour garder la forme. Il y a quelques années j’avais l’idée de faire un marathon. J’en ai toujours rêvé et je n’ai jamais concrétisé. Pourtant j’avais le temps de m’entraîner. Mais mentalement, je ne parviens plus à souffrir , je ne peux plus dépasser un certain seuil. C’est mental et comme je n’ai pas envie de travailler mentalement là-dessus, j’ai finalement renoncé. C’est le regret de ma vie.

 

 

Comment te situes-tu par rapport aux animaux ?

J’aime bien les chiens, et j’en ai eu pendant 15 ans. Les chats j’en avais peur, mais comme mon fils m’a ramené ses deux chats, j’ai une meilleure relation avec eux. Je n’aime pas les animaux sauvages, et faire un safari par exemple ne me tente pas du tout. Je n’aurais aucune émotion. Le bien-être animal me parle, mais malgré tout émotionnellement je suis un peu bloquée.

 

Aimes-tu le cinéma ?

Oui, mais pas du tout la science-fiction. J’aime les comédies romantiques, et je pleure facilement. Richard Gere est un comédien que j’aime bien. On a tous été fans de « Pretty Women » . Et puis il a des engagements humanitaires intéressants.

 

 

Quels sont les humoristes qui te font rire ?
La plupart sont morts. Bedos, Devos. J’aime bien Murielle Robin, Anne Roumanoff et Patrick Timsit. Blanche Gardin ? Sans plus…

 

 

T’intéresses-tu à la politique ?

Oui ; mais il n’y a guère de prétendants que j’apprécie. Notre époque est d’une rare indigence à ce niveau là. Pour moi, le droit de vote est quelque chose d’important, mais pour les prochaines présidentielles je ne sais même pas si je vais me déplacer. Je ne sais pas pour qui voter… Que l’on soit de droite, de gauche ou du milieu, on nage en pleine impéritie…Ce n’est pas la politique qui mène le monde, mais les lobbies, la grande finance et les autres ne sont que des pantins. Il existe une vidéo comprenant une parodie sur le sujet avec la chanson de Christophe « Les marionnettes.

 

 

Crois-tu au hasard ?

Pas vraiment. Selon moi, quand on rencontre les gens ou quand il nous arrive quelque chose, ce n’est pas du hasard. Ca devait arriver. A nous de réfléchir et de se demander pourquoi telle chose est arrivée ou pas d’ailleurs. Il existe des signes avec de bons et de mauvais événements. Un peu comme une défaite ou une victoire dans un sport. C’est cela qui nous fait évoluer et nous permet peut-être de changer de direction. Si on ne réfléchit ni au bon ni au mauvais, cela veut dire que l’on ne sait pas où l’on va.

 

 

Le surnaturel est-il un domaine qui t »intéresse ?

Je m’intéresse à la vie après la mort. Est-ce que je crois à la réincarnation ? J’aimerais bien. Et si cela existe, trois vies me tenteraient : joueuse de golf, comédienne ou écrivain…

 

On va finir par un sujet actuel. Es-tu vaccinée ?

Oui.

 

Par conviction ou parce que ça permet d’être libre ?

Surtout pas par conviction…

 

Agnès Figueras-Lenattier

 

 

 

vendredi, 10 décembre 2021

Arnaud Clément

A l’heure où se sont déroulé de grands changements au sein de la fédération de tennis, voici une interview d’Arnaud Clément le candidat le plus probable à la tête du tournoi de Bercy.

 

Quand on examine votre carrière on voit que vous avez fait beaucoup de matches marathon. A quoi est-ce du selon vous ?

C’est un petit peu mon système de jeu. A l’époque, j’avais un physique, une endurance qui faisait partie de mes armes et j’essayais d’emmener mes adversaires dans mon système de jeu le plus longtemps possible pour les fatiguer. C’est sans doute la raison. Cela dit, j’en ai sûrement perdu plus que je n’en ai gagné.

 

Justement, vous dites que vous en avez sans doute perdu plus que gagné?

Quelle était pour vous la défaite la plus dure ?  Ce genre de matches ou le fait de mal jouer ?

Les défaites apres des matches très longs, très accrochés, en passant tout près de la victoire c’est en général plus dur à encaisser. Surtout lors de matches importants. Mais on joue toutes les semaines avec de belles victoires, des défaites qui font un peu mal et une remise en question permanente. On ne s’arrête pas sur un match et lorsqu’on prend du recul et que l’on fait le bilan, il existe des matches éprouvants moralement et au contraire des victoires qui ont apporté une grande joie.

 

D’après ce que l’on peut lire dans la presse, il semblerait que vous étiez assez désagréable avec les ramasseurs de balles !

Non. Je n’étais pas très démonstratif et j’étais assez dur avec l’entourage par moment sur le bord du terrain. Car j’étais très exigent avec moi-même que ce soit à l’entraînement ou en match. Mais pas au point d’être odieux quand même.

 

 

Comment  se traduisait comment cette exigence ?

Un excès d’agressivité contre moi et avec les autres. Avec le recul j’en suis parfaitement conscient. Il  m’arrivait de faire preuve de certains excès avec mon entraîneur, et avec mon entourage très proche. Mais je ne pense pas qu’ils m’en veuillent, car nous sommes toujours très liés.

 

Et Nolween en a-t-elle subi les conséquences ?

Je ne crois pas mais on ne parle pas trop de notre couple…

 

 

Le coup qui vous satisfaisait le plus quand vous le réussissiez ?

J’aime bien mon revers le long de la ligne. Après c’est un sport d’adaptation tactique donc les coups que l’on aime réussir, ce qui fait le plus plaisir c’est le coup qu’il fallait réussir à ce moment là. Le coup juste qui peut changer   même si on a tous des coups que l’on préfère à d’autres.

 

Vous ne preniez pas beaucoup de risques je crois !

Effectivement ce n’était pas ma caractéristique principale même si on essaye d’avoir un maximum de régularité. Mais parfois il faut savoir prendre une certaine dose de risques et je pense que j’étais capable de le faire. Mais je n’étais pas un attaquant à tout va et j’étais quand même dans un système de jeu basé sur la régularité.

 

Vous avez joué en double aussi !

Oui et j’y ai pris beaucoup de plaisir. Comme c’est un sport individuel par excellence cela représentait un moment de partage. J’avais un lien avec mes partenaires, minimum bons copains, vois vraiment proches. Nous passions de bons moments ensemble, et c’était réellement un grand plaisir de gagner des matches, des titres. J’ai eu la chance de le faire avec pas mal de joueurs français, et ce sont de très bons souvenirs. Lors de l’ancien format de Coupe Davis, j’ai beaucoup joué en double en défendant les couleurs de l’équipe de France. Mon classement en simple avait un peu baissé, et j’étais moins performant. Et grâce au double, j’ai pu conserver ma place en équipe de France. C’était génial…

 

Les fautes d’arbitrage c’était pour vous plutôt stimulant ou perturbant !

Je ne pense pas être sorti complètement d’un match à cause d’une erreur d’arbitrage mais cela peut arriver chez certains joueurs.  C’est vrai que parfois il peut y avoir ce sentiment d’injustice qu’il faut digérer très rapidement mais aujourd’hui il y a l’arbitrage électronique qui ne  laisse pas place aux discussions. Je trouve d’ailleurs que c’est un peu trop développé aujourd’hui..

 

Vous pensez que le tennis est assez révélateur du caractère !

Je pense qu’il y a quand même un côté assez révélateur. Mais on peut voir des gens qui sont très calmes, très doux, en dehors du terrain et qui se transforment lors d’un match.. On a l’impression qu’ils deviennent quelqu’un d’autre. Il y a un petit peu de tout. C’est difficile de porter un jugement là-dessus. On se dit il est sur le court exactement comme il est dans la vie. Mais je pense que quand on est très calme et qu’on a un petit peu ce côté folie sur le terrain c’est que quelque part même dans la vie de tous les jours même si ce n’est pas très net, on a je pense forcément une petite folie  en soi aussi.

 

Quel est votre avis sur l’attitude des joueurs ? Que les joueurs se comportent plutôt comme Mac Enroe ou plutôt de manière calme comme Nadal

Nadal reste quand même très démonstratif mais c’est vrai qu’il n’a pas du tout ce côté provocateur comme Mac Enroe pouvait avoir. Pour que ce soit sympa, je pense qu’il faut un peu de tout. C’est bien  justement d’avoir des oppositions. Autant des oppositions de style de jeu qu’au niveau des caractères.  Comme la rivalité entre Mac Enroe et Borg. Mac Enroe qui parlait, remuait un peu dans tous les sens et un Borg qui ne disait pas un mot.

Plutôt que deux joueurs qui ne disent rien ou deux joueurs qui vont dans tous les sens c’est sympa d’avoir cette variété de caractère quand les joueurs s’affrontent…

 

Vous jouiez mieux quand vous meniez ou quand vous étiez mené ?
Il réfléchit. Cela dépendait. C’est vrai qu’il y a des joueurs qui jouent mieux quand ils sont derrière au score, je pense que pour moi c’était assez équilibré. Même si j’avais tendance à mieux jouer quand je menais.

 

Dans la vie c’est pareil, vous aimiez avoir le contrôle des événements !

Forcément comme je pense la majorité des gens. Maîtriser les choses, anticiper, être assez prévoyant. J’aime un peu moins être surpris…

 

Vous êtes très ami avec Sébastien Grosjean. Quels souvenirs gardez vous de vos confrontations car c’est un peu particulier de jouer un ami !

Je n’ai aucun bon souvenir et pourtant on s’est joué de nombreuses fois. Une fois c’était lui, une fois c’était moi. Nos matches étaient rarement bon. En plus, quand on s’entraîne tout le temps ensemble c’est toujours un peu délicat de jouer son meilleur tennis que ce soit de son côté ou du mien.  On sait toujours un peu à l’avance ce que l’autre va faire, ce qui crée une espèce de neutralisation. J’essayais en tout cas de faire quand même abstraction de l’adversaire mais c’était difficile par moment d’oublier que c’était un pote de l’autre côté du filet.

 

Vous avez été finaliste de l’Open d’Australie et lors de cette finale vous avez pensé à ce que vous alliez dire une fois le match fini et ça vous a un peu stressé !

A l’époque et je ne peux pas dire que ça a beaucoup changé mais c’était encore plus vrai autrefois, je parlais sacrément mal anglais et faire un discours devant tant de spectateurs m’avait beaucoup stressé. J’avais préparé un discours la veille, que j’avais mis sur papier et j’avais sorti les deux feuilles A4 au milieu du central. A ma demande, c’est un journaliste de « l’Equipe » qui le matin même de la finale m’avait fait la traduction français anglais. Mais au final tout s’est plutôt bien passé, et ça avait surtout amusé les gens.

 

Stressé mais pas au point de vous gêner dans le déroulement du match ?

Non j’avais déjà à cette époque là un peu d’expérience et suffisamment de contrôle pour ne pas que ça me prenne trop d’énergie.

 

 

Comment s’est passée cette finale ?
Assez rapidement pour mon adversaire André Agassi qui m’avait vraiment surclassé. Il était beaucoup plus fort que moi ce jour là et aucun moment je n’ai eu le sentiment que j’avais les armes pour le battre. Je ne peux pas dire non plus que je suis passé à côté du match. Il m’a dominé dans mon système de jeu du fond du court, c’était trop rapide, trop précis. On aurait dit un rouleau compresseur sur le terrain et il fallait sans doute avoir des armes un peu différentes pour le battre.  Je n’en avais pas ce jour là, je manquais un peu de puissance sûrement et d’un grand coup. Et Agassi jouant à son meilleur niveau, c’était simplement trop fort pour moi. Mais cette quinzaine est sans doute un des plus beaux souvenirs de ma carrière.

 

Vous avez un revers à deux mains. Le revers à une main semble revenir un peu sur le circuit. Est-ce une bonne chose selon vous ?

Il y a quelques revers à une main de très grande qualité et c’est vrai que ceux qui en possèdent un, il est en général assez exceptionnel. Peut-on faire plus de choses ? Disons des choses qui ne se ressemblent.  On peut avoir différents gabarits, différents styles de jeu, différentes techniques et jouer au plus haut niveau.

 

A l’heure actuelle jouez-vous toujours beaucoup ?

Je joue régulièrement avec des copains et je fais par exemple les matches par équipe avec mon club. J’aime bien jouer toujours. C’est vrai qu’il y a des joueurs lorsqu’ils arrêtent leur carrière qui mettent la raquette définitivement dans le placard.

 

Vous faites du sport tous les jours ?
Régulièrement ; mon corps me le demande. Je suis sûrement un peu drogué au sport et je me sens bien quand je fais du sport car j’ai la chance de ne pas avoir trop de bobos. C’est une pratique un peu moins intensive, un peu moins violente avec notamment beaucoup de vélo et des efforts plus doux…

 

Le fait d’en faire moins ne se répercute pas sur votre poids !

Je fais attention de toute manière et en faisant régulièrement du sport, on peut faire un peu plus d’excès. Mais ça va de ce côté-là, je ne m’en sors pas trop mal…

 

En tant que spectateur qu’appréciez-vous dans ce sport ?

Je regarde le tennis depuis que je suis professionnel. Avant quand j’étais jeune, je regardais assez peu donc je ne peux pas porter de jugement par rapport à cette période là. Aujourd’hui on aime bien les joueurs qui s’expriment peut-être un petit peu plus et qui montrent un peu plus de choses. Il y en a sans doute moins qu’à une certaine époque.

 

Y a-t-il un coup que vous aimez voir  plus particulièrement ?

Rien de spécial. Non ce sont des moments de matche clé  de tension qui retiennent davantage notre attention.  On va avoir la curiosité de se demander ce que le joueur va tenter à ce moment là.

 

Il y a sûrement beaucoup de matches que vous auriez imaginé tourner autrement

Oui autant pour les autres que pour moi pendant ma carrière. Heureusement ça va dans les deux sens même si quand on joue un match on est très concentré. Dans l’immédiat il y a des moments où ça tourne mal et des moments où ça tourne bien. Avec des renversements de situations qui peuvent être très rapides. Ce qui est passionnant dans notre sport, c’est que l’on ne sait pas combien de temps va durer un match. Et c’est bien de le regarder jusqu’au bout car il peut toujours y avoir quelque chose qui se passe côté mental, côté gestion du stress. Même pour les meilleurs finir une partie c’est toujours un moment dans un match. C’est un sport très riche et la situation  peut tourner en permanence dans tous les sens même au moment où on s’y attend le moins.

 

Gilles Simon s’est rebellé contre le fait que les arbitres n’avaient plus grand-chose à faire !

Oui et je pense que ce sont les conséquences du COVID. A été développé un arbitrage complètement électronique avec l’absence totale de juges de ligne et des annonces faites par des machines. Je n’aime pas du tout non plus. Je trouve que ça enlève le côté un peu humain à un match de tennis. Cela fait aussi partie du bagage du joueur professionnel de savoir gérer ces moments là quand il pense que s’est produite une injustice ou que l’adversaire a eu de la chance.

 

John Mac Enroe a déclaré que ce serait bien d’enlever l’échauffement et de passer directement au match. Quel est votre avis ?
Ca a été fait assez récemment. De toute manière, quand les joueurs arrivent sur le terrain, ils sont déjà échauffés, et ont déjà chaud. On essaye de gagner un petit peu de temps entre les points pour qu’il y ait un peu moins de temps mort. Pourquoi pas ? Mais de toute façon ça ne changera pas grand-chose.

 

Et le coaching pendant les matches ?

Il y a toujours des conseils qui sont normalement interdits avec des avertissements. Je suis pour que ce système actuel de sanctions reste en place. Il existe un peu les deux courants mais pour moi le tennis est un sport d’adaptation et c’est la qualité du joueur de savoir s’adapter à une tactique, à une position de jeu sans aide extérieure. Cela fait partie des forces d’un joueur de tennis.

 

Regardez-vous le tennis féminin ?

Ca dépend des matches, des périodes. Ces temps derniers le tennis masculin avait pris le dessus avec les confrontations entre Djokovic, Nadal et Federer. A une époque le tennis féminin dominait. Peut-être que l’on y reviendra, que ce sera un peu plus équilibré. Il y a deux ans, j’avais pris beaucoup de plaisir avec la victoire de Swiatek à Roland Garros. Les deux derniers US Open étaient vraiment très intéressants avec deux nouvelles venues en finale.  Il y a beaucoup de très bons matches mais c’est vrai qu’en ce moment il manque un peu ce côté rivalité avec à chaque fois des finales différentes.  Les gros rendez-vous avec les quarts et les demi ont tenu leurs promesses chez les garçons et pas chez les filles.

 

Votre joueuse préférée ?
J’ai une grande admiration et un respect énorme pour Séréna Wiliiams qui est pour moi la plus grande joueuse de l’histoire du tennis féminin. J’ai aussi aimé la période Amélie Mauresmo. Je ne dis pas cela parce que c’est notre championne française mais la variété de son jeu, ses revers coupés, ses montées au filet me donnaient beaucoup de satisfaction.

 

Il ne faut pas oublier Bartoli et Pierce !

Amélie Mauresmo a été n°1 mondiale et c’est notre championne française. Mais c’est vrai que Pierce avec deux grands chlems et Bartoli avec une finale en Grand Chlem et une victoire ont eu des carrières assez fantastiques. J’ai un grand respect pour elles. On dit que depuis quelques années le tennis français ne se porte pas très bien, que l’on n’a pas gagné de grands Chlems depuisNoah. A chaque fois, je fais partie des joueurs qui disent à ceux qui ne parlent que du tennis masculin que l’on a trois grandes championnes et qu’il ne faut pas les oublier. Ce qui est le cas un peu trop souvent.

 

Quelle est votre réaction lorsque je vous parle de ce qu’a dit Pat Cash à propos du tennis féminin : « Le tennis féminin c’est deux sets pourris qui durent une demi-heure » ?

Faut voir le contexte, la période même si ce genre de propos n’est pas acceptable. Je suis d’ailleurs surpris qu’il ait pu tenir de tels propos… Certains jours, il peut arriver que l’on tienne des propos un peu dégradants sur le tennis féminin. Ce n’est pas forcément mon cas même si à certains moments le tennis féminin m’intéresse un peu moins.… Mais j’ai beaucoup de respect pour toutes les athlètes féminines, je parle du tennis mais également dans les autres sports. Il ne faut pas s’arrêter à la simple comparaison physique car sur ce plan là ,les femmes ne pourront jamais rivaliser avec les hommes. Faut simplement regarder avec un œil différent et voir ce qui est beau, et ce qu’il y a d’intéressant dans le jeu des femmes

 

Qu’est-ce que vous pensez du cas Djokovic et de son refus du vaccin ?

Faut voir. Je ne suis pas persuadé qu’il n’ira pas à l’Open d’Australie. Ce serait surprenant.  Après, certains ont des convictions très fortes sur des sujets précis. Ils ne sont pas majoritaires mais sont convaincus qu’ils ont raison.  Si c’est le choix de Djojkovic en tout cas il sera allé jusqu’au bout de sa logique. Mais comme la plupart des gens, je ne partage pas son avis sur le sujet. C’est ainsi et on va bien voir ce qu’il va décider  de faire..

 

Et L’affaire Peng Shuai ?
J’aimerais que l’ATP s’aligne sur la décision de la WTA par solidarité envers cette joueuse. Faut toujours être prudent, car on n’a pas forcément assez de détails mais je fais partie de ceux qui ont relayé sur les réseaux sociaux ce soutien à cette joueuse qui semble en tout cas ne pas pouvoir s’exprimer librement.

 

Qu’est-ce qui s’est passé lorsque Gilles Moretton a été élu et que vous avez  du démissionner de vos fonctions à la fédération ?

Depuis 5 ans maintenant, le Ministère des Sports a demandé aux fédérations de se doter d’un comité d’éthique indépendant. Et quand Gilles Moretton a été élu, j’étais avec lui sur la campagne et je faisais partie de l’équipe. Mes activités professionnelles se passent dans le milieu du tennis et j’ai demandé à ce comité si mes mandats à la fédération étaient compatibles avec mes activités professionnelles. Il a été jugé que ce n’étais pas tout à fait le cas, donc j’ai pris la décision de démissionner mais de garder quand même une activité professionnelle à la fédération. J’aurais aimé prolonger au côté de Gilles mais ça n’a pas été possible. Je continue à exercer ce bénévolat comme vice-président de la ligue provençale Côte d’Azur… Et j’aimerais quand j’aurai un peu plus de temps m’engager davantage.

 

 

Avez-vous déjà coaché un joueur ?

Je n’ai pas beaucoup d’expérience dans le domaine.  Ca m’a toujours attiré mais la vie d’un coach est un peu celle d’un joueur de tennis. Un rythme qui ne fait plus partie de mes priorités.

 

 

 

Vous vous occupez aussi de deux tournois, un tournoi challenger à Aix en Provence et plus récemment à Brest. Quelles sont vos souhaits pour ces deux tournois ?

Ce sont deux tournois qui tournent déjà très bien. Même si nous ne sommes pas sur la création de tournois, le but d’un directeur de tournoi c’est justement d’observer les choses que l’on peut améliorer en permanence pour le public, les joueurs, les partenaires… Qu’est-ce que l’on peut faire de mieux l’année suivante…

Agnès Figueras-Lenattier

22:39 Publié dans Interviews | Lien permanent | Commentaires (0)

mardi, 16 novembre 2021

Isabelle Demongeot

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Isabelle Demongeot est une ancienne joueuse de tennis professionnelle. Elle a été n°1 française mais a subi un véritable traumatisme puisqu’elle a été violée pendant plusieurs années par son entraîneur Régis de Camaret. Lundi 22 novembre va être diffusée sur TF1 une fiction tirée de son histoire et de son livre « service volé «  écrit il y a déjà plusieurs années… C’est l’occasion de s’entretenir avec elle.

Mais avant écoutons Patrice Hagelauer ancien coach de Noah lors de sa victoire à Roland Garros parler d'elle :

" J'ai admiré la joueuse et à aucun moment sur le circuit on la sentait dans une situation aussi dramatique que celle qu'elle a pu vivre. Elle formait une petite équipe à l'époque un peu à part avec Nathalie Tauziat et leur entraîneur Régis de Camaret. Ce dernier essayait de mettre des barrières avec la fédération prétextant que personne ne savait enseigner correctement. C'était probablement une manière pour lui de rester à l'écart sans que personne ne vienne voir un peu ce qui se tramait. On allait les voir de temps en temps car les résultats étaient excellents mais les contacts étaient assez distants. On n'a jamais pu vraiment percer ce qui se passait derrière et lorsqu'on a appris la vérité on était tous effondrés. 

Le jeu d'Isabelle était pur, très complet; elle savait tout faire. C'était à la fois élégant et efficace, avec un sacré tempérament. Quand on la voyait jouer, on se disait " Le tennis c'est facile". 

C'est une personne rare et riche , très intelligente qui a envie et besoin d'enseigner et de transmettre ses connaissances et son expérience. Discuter avec elle a quelque chose d'exceptionnel car elle ne parle pas souvent ni de ce qui lui est arrivée ni de ce qu'elle voudrait ou pourrait faire pour le tennis. La fédération aurait tout intérêt à la prendre en considération.."

Deuxième avis celui de Florence de La Courtie ex n° 1 française et entraîneur reconnu : "C'est un coach extraordinaire. Mes petits fils dès que ça ne va pas vont la voir  alors qu'ils ne jouent pas si mal que ça. L'un est à O et l'autre à 2.6. Ils adorent être entraînés par elle. A chaque fois, elle est très dure sur le terrain mais elle leur donne la pêche  et ils sont vraiment heureux de travailler avec elle. Et tous les entraineurs n'ont pas ces qualités là!...

J'espère que ça va aller pour elle car c'est une fille qui a énormément de qualités et qui a beaucoup souffert. C'est vraiment regrettable qu'à l'époque la Fédération n'ait pas trouvé une solution avant que les problèmes n'éclatent. Car il y a quand même eu 20 filles qui ont témoigné contre Régis de Camaret.  Ce qui est dommage c'est qu' Isabelle soit  davantage connue pour ce qu'elle a vécu que pour son palmarès tennistique..."

 

                                                  Interview

Un film sur le drame que tu as vécu va être diffusé sur TF1 lundi 22 novembre. Que ressens-tu ?

Tout s’est un peu précipité et le film est sorti un peu plus tôt que prévu. Mais je m’y suis préparée et c’est la fin d’un processus après l’écriture de mon livre. J’ai trouvé que c’était intéressant de prendre un petit peu de recul par rapport à toute cette histoire en déléguant à une actrice Julie de Bona qui joue merveilleusement ce rôle. Et j’ai envie de dire que c’est quelque chose qui ne m’appartient plus.

 

Concernant le déroulement du film, as-tu laissé complètement libre cours à l’équipe ou es-tu intervenue quelque peu ?

Cela fait 3 ans que l’on est sur le projet et c’est Jérôme Foulon le producteur qui est venu à moi et qui m’a dit qu’il avait envie de tourner quelque chose. Et je dois dire que l’on a fait un bon travail ensemble. Il a écouté, fait quelques interviews de différentes personnes, est retourné sur les lieux. Pour moi, forcément c’est une forme de reconnaissance avec une chaîne de télé qui propose de montrer ce qui m’est malheureusement arrivée. C’est un projet dans lequel je me suis beaucoup investie. Cela se passe dans mon village, la partie que j’adore qui est le côté de La Ponche avec de très belles images du côté sauvage. On a tourné évidemment quelques scènes dans mon petit club et je précise que c’est une fiction adaptée de mon livre intitulé «  Service volé ».   Je ne suis pas allée tous les jours sur le tournage et n’ai pas assisté à toutes les prises de vue car l’actrice redoutait de devoir affronter mon regard quand elle jouait les scènes. Ce n’était pas simple pour elle. J’ai respecté totalement sa demande mais je ne pouvais pas tenir et il fallait que  je rencontre les acteurs et actrices , tout ce petit monde qui a d’ailleurs été extraordinaire  avec moi. Cela m’a permis de vivre des choses inconnues jusqu’alors et qui font du bien comme mon père qui prend la parole , qui dit être fière de moi à la fois comme une femme qui porte un message et qui dénonce des agissements et également comme joueuse de tennis.  J’ai ressenti de belles émotions et je me dis que c’est arrivé au bon moment et que c’était chouette.

 

Et maintenant que deviens-tu ?

Ma passion pour le tennis m’accompagne toujours. J’ai envie d’exprimer beaucoup de choses sur l’enseignement puisque cela fait des années que je suis dedans. Après mon expérience au centre d’entraînement avec Amélie Mauresmo et plusieurs autres joueurs et la création de mon association «  Tennis en liberté » dans les quartiers sensibles, j’ai souhaité toucher à l’aspect loisir et j’avoue que je m’y adonne  régulièrement à Ramatuelle un très bel endroit. J’ai beaucoup réfléchi à cet aspect d’accueillir un joueur de tennis qui a envie, peu importe son niveau, de ressentir des choses, d’évoluer, d’apprendre. C’est primordial qu’on le respecte de A à Z. Et qu’il puisse repartir avec quelques notions supplémentaires. J’y ai mis toute mon énergie comme si c’était une Amélie Mauresmo ou un joueur ayant envie de devenir pro.  Ayant exercé au sein d’un centre d’entraînement aves des joueurs et joueuses de haut niveau et d’un autre côté ayant goûté au tennis loisir, j’avoue mieux m’y retrouver dans le tennis loisir….

 

Pourquoi ?

Car une forme de reconnaissance s’installe. Déjà il règne beaucoup moins de pression, et il existe un véritable échange. A l’époque des joueurs n’ayant pas les moyens de payer me demandaient de leur faire des prix… C'était très peu financé, or l’entrainement se déroulait jour et nuit. C’est un encadrement total et qui est parfois épuisant. Sans compter que du jour au lendemain le joueur ou la joueuse est capable de nous quitter en deux minutes ayant envie de changer d’encadrement et d’entraîneur. A l’époque, lorsque j’ai monté mon centre d’entraînement, j’avais dans l’idée de faire en sorte que les enseignements soient sur une forme de turn over et que ce ne soit pas toujours le même entraîneur qui entraîne la même joueuse ou le même joueur. Que l’on puisse arriver à échanger ensemble et que chacun apporte sa petite pierre à l’édifice, afin que le joueur se développe totalement. Mon combat est là aussi. Il ne se borne pas à parler uniquement des femmes victimes et isolées. L’entraîneur, l’enseignant doit essayer d’adopter un comportement plus juste et ne pas aller à l’encontre de ce que l’élève souhaite aussi. C’est un vrai échange, partenariat et aujourd’hui c’est essentiel dans l’apprentissage. C’est à plusieurs que l’on pourrait former de nouveaux champions et championnes. Je ne crois plus à l’isolement d’un enseignant ou d’un prof qui pense qu’il a la science infuse et qu’il va réussir..

J’avais un peu d’avance dans les années 99-2000 puisque c’est là qu’Amélie Mauresmo a éclaté au plus haut niveau mondial. Mais les enseignants ou les coaches de ma structure n’ont pas réussi à échanger et à le mettre en pratique. Ainsi un Christophe Fournerie qui était détaché pour s’occuper d’Amélie Mauresmo pendant quelques mois, lorsque je lui ai demandé de s’occuper de joueurs et joueuses de la structure, et que je lui ai annoncé que ce serait Sophie Collardey qui reprendrait, il n’a pas supporté. A présent, l’enseignant ne doit absolument pas devenir indispensable à son joueur à tel point que celui-ci soit totalement emprisonné et sous la coupe de cet entraîneur. Plein d’autres personnes pourraient lui donner de bons conseils.

 

C’est un vrai travail d’équipe que tu proposes ?

Oui, j’y crois vraiment et l’on peut d’ailleurs s’en rendre compte  lorsque l’on observe les joueurs et joueuses de haut niveau. Il existe toute une équipe autour. Nadal, Federer se sont entourés d’anciens joueurs expérimentés et dotés d’une certaine approche. Une victime isolée, c’est très mauvais, un entraineur isolé aussi.  Et c’est là où je trouve que notre fédération a le plus gros travail à effectuer. Il faut arrêter de mettre les clubs ou les coaches en concurrence et qu’un joueur de Saint-tropez puisse aussi aller s’entraîner dans d’autres clubs aux alentours. Et pourquoi pas bénéficier de coaches travaillant sur place. C’est dommage d’avoir un joueur tous les jours en face de soi et de ne pas ouvrir le discours vers d’autres enseignants. Ce n’est pas du tout dans l’air du temps, et il faut changer les mentalités.  Je pousse vraiment dans ce sens là en essayant de créer une dynamique entre clubs, et que l’on soit capable de vivre différentes expériences..

 

 

Tu as eu l’occasion de travailler avec Mauresmo lorsqu’elle était junior. Que penses-tu lui avoir apporté et qu’avez-vous travaillé ensemble ?

Je dirigeais la structure et ne voulais pas partir sur les tournois. J’avoue qu’à cette époque là je n’avais totalement repris la confiance en moi que j’ai acquise à l’heure actuelle pour peut-être la mener au plus haut niveau. En tout cas, j’avais peur d’y aller et j’avais envie d’une pause voyage et de ne plus préparer mon sac. En revanche, j’ai essayé de faire en sorte de lui procurer des entraîneurs disponibles et motivés pour ce challenge. Quand on l’a récupérée, elle était championne du monde juniors et en quelque temps elle s’est retrouvée en finale de l’Open d’Australie. Elle savait que j’étais présente, j’encadrais, je surveillais et j’avais un œil sur l’entraîneur qui s’occupait d’elle. J’étais un peu comme une médiatrice par moment, et elle savait que si ça n’allait pas, elle pouvait me parler. Mais c'était compliqué car on avait une joueuse très talentueuse, qui en même temps était en train de vivre une vie amoureuse avec une de mes meilleures amies.  J’aurais aimé comme elle a su le faire après la guider vers plus de travail et d’assiduité à l’entraînement. Mais finalement c’est peut-être en Australie qu’elle a joué son meilleur tennis car elle était libérée psychologiquement. Effectivement, elle avait déclaré son homosexualité et je crois que ce fut un moment très fort aussi. 

C’’est un fait que j’ai joué surtout la carte avec Amélie de savoir comment elle allait pourvoir vivre avec cette particularité. Et ce n’était pas simple. On a d’ailleurs pu voir tout ce qui s’est passé en Australie. Elle avait un revers fantastique qui tuait littéralement ses adversaires sur place mais c’était dur de la motiver côté travail. On était encore sur son talent, ses acquis et le travail dépendait de sa bonne volonté. Je me suis battue un peu avec cette situation en lui disant que pour atteindre la plus haute marche, il s’agissait de s’investir davantage. Finalement, elle a décidé de quitter la structure et c’est ce qu’elle a fait après avec ses divers coaches. Que ce soit Alexia Dechaume ou Loïc Courteau. Ce fut une belle expérience, je ne regrette pas du tout mais il y avait de gros enjeux difficiles à gérer. C’ était une Amélie Mauresmo encore jeune et presque ado…

 

As-tu des idées vu le drame que tu as subi pour qu’il y ait moins d’agressions sexuelles ?

Mon idée repose surtout sur tout ce qui se rapporte à l’enseignement. Il faut que l’on arrive à faire pratiquer du beau tennis, de beaux gestes. Et l’on doit mettre les bouchées doubles lorsque l’on a affaire à de petites jeunes filles au sein de l’école de tennis et au mini-tennis. Pour moi c’est de là que ça part, c’est le starter. Nos meilleurs coaches doivent être dans cette palette là pour apporter le plus d’éléments possibles . Je dois dire que je me suis un peu embêtée par moment dans le tennis féminin avec un jeu trop stéréotypé et j’avoue être un peu nostalgique. Est-ce la faute des enseignants, des coaches, des joueuses ? On ne sait plus trop aujourd’hui qui est la meilleure au monde, ça change tout le temps et on n’a plus vraiment de repères.  Mon idée c’est de délivrer un peu de fun et de plaisir sur un court et je ne suis pas sûre que toutes ces joueuses soient dans cette dynamique là et ça me dérange. Il me semble que l’on a un gros travail à réaliser à ce niveau là. Au départ, le joueur doit effectuer un certain travail, c’est une évidence. Il doit être un peu besogneux pour acquérir toute une gamme de coups. Ce qui m’a fait plaisir en tout cas c’est qu’on vu revenir des coups comme le shop et l’amortie. Puis on a vu se développer davantage de joueurs dotés d’un revers à une main. On avait entendu à un moment donné certains joueurs qui disaient » Le revers à une main c’est fini, ce n’est plus à la mode, ça ne sert plus à rien, il ne faut plus enseigner que le revers à deux mains." Mais pour moi, le revers à une main reste le coup le plus magique et le plus beau du monde car il se joue totalement relâché. Et permet un jeu vers l’avant, vers la volée, vers le développement d’un jeu plus fin.

J’ai l’impression que tous ceux qui ont appris un jeu besogneux de fond de court, à faire des ronds, des lifts à outrance, aujourd’hui ont un peu décroché. Ils gagnaient peut-être quand ils étaient jeunes, mais plus après.  C’est un peu ce que j’ai subi avec ce monstre d’entraîneur. Il m’a empêchée de développer un tennis vers l’avant, or j’étais faite pour ça. Pour aller à la volée, pour avoir un chop de revers et pas un tennis de contre et de renvoi. Et c’est très important d’arriver à amener le joueur dans des zones où il se sent bien.


Que penses-tu des joueuses françaises d’aujourd’hui ?

C’est un peu compliqué en ce moment. Le Covid a aussi beaucoup terni le circuit. Des filles comme Mladenovic, Garcia sont en train de décliner un petit peu mais la concurrence est rude. Ont-elles fait les bons choix à un moment donné concernant leur entourage ? Caroline aurait pu ne pas avoir toujours comme accompagnateur son père et peut-être s’octroyer des coaches un peu plus renommés. Ou tenter une expérience avec des étrangers. Il n’existe pas que la technique française, il est bien d’aller piocher ailleurs. Actuellement, j’ai un jeune qui joue très bien, j’ai envie de lui dire » Va faire ton expérience en Espagne, va découvrir un peu tous les secteurs de jeux avec des terrains différents."  C’est cela qu’il faut absolument apporter. Nos jeunes joueuses comme Burel et autres sont intéressantes mais elles n’arrivent pas encore véritablement à percer. Pourquoi ? Je ne suis pas assez le tennis pour pouvoir véritablement répondre à cela, mais les derniers résultats de la Coupe Billie Jean King sont assez décevants. Il y a encore du boulot, un travail mental est nécessaire c’est une évidence. On n’a peut-être pas non plus assez la niaque qui consiste à passer des heures à peaufiner où à construire de nouveaux gestes. On n’est pas prêt à cela.

 

As-tu un rôle au sein de la fédération ?

Au nom de l’affaire Sarah Abitbol qui m’avait beaucoup touchée en 2020, j’avais fait un article dans l’Equipe où je disais espérer qu’un jour on tendrait la main à toutes ces victimes. Fin 2020, la fédération est enfin venue vers moi. Je suis prestataire de service et je réfléchis sur la thématique de la protection des mineurs mais pas uniquement. J’avais besoin aussi que l’on me respecte, que l’on me reconnaisse dans mes qualités d’enseignante. Et d’ancienne joueuse évidemment. Je joue encore aujourd’hui, je donne des leçons sur le terrain, frappe la balle et on m’a demandé comment relancer le tennis loisir. J’ai fait toute une étude là-dessus. Ainsi que sur le mur que j’ai demandé à remettre absolument au cœur de nos pratiques. A l’âge de 6,7,8,9 ans un enfant qui joue contre un autre enfant qui ne renvoie pas la balle est habité par une certaine frustration. Or s’il tape contre un mur, la balle revient toujours. J’ai développé toute une réflexion à ce sujet sur les sens et l’ouïe, le son de la balle et sa trajectoire contre un mur. Ce travail parle énormément aux enfants et les résultats sont concluants. La fédération a tout ceci en main aujourd’hui et j’espère que l’on va pouvoir développer  ensemble mes suggestions dans les prochains mois avec la nouvelle direction qui a envie d’évoluer. J’espère pouvoir continuer à leur côté pour faire en sorte d’approfondir et ça me plaît. J’aurais pu à l’époque en 90, arrêter ma carrière tennis et dire «  Il faut que je sorte de tout ça, que j’oublie toute cette période et couper avec le tennis. Et bien non. J’ai fait le choix de toujours y rester et je prends énormément de plaisir. C’est incroyable combien ce tennis m’anime encore en tout cas dans ma tête. C’est une remise en question comme quand j’étais joueuse. Je suis capable chaque soir de faire un bilan des joueurs que j’ai pu avoir en loisir et de me dire comment puis-je faire pour que ce soit encore mieux et faire passer des étapes à mes élèves.

 

C’est beau cette passion du tennis ! Tu joues encore pour toi-même ?

Je n’avais plus envie de faire de compétition, je ne voulais plus être restreinte à mettre la balle dans le cours, plus envie de compter les points. C’est quelque chose qui me permet de me défouler. J’ai pu faire une compétition pour les plus de 40 ans et suis partie en nouvelle Zélande où malheureusement on a subi un tremblement de terre. Mais la compétition pour moi ce n’est plus d’actualité. Récemment j’ai fait de la compétition dans une toute autre activité qui s’appelle le pickabull qui fait fureur aux Etats-Unis avec une balle en plastique. Une activité qui demande beaucoup moins financièrement en tout cas pour les clubs comparé à la mise en place d’un paddle . C’est une activité qui m’a beaucoup plu. J’ai fait les championnats de France et j’ai perdu en finale du double mixte. C’était très chouette et très convivial. Je joue encore très bien et par moment je me challenge.

Je vais raconter une petite expérience que j’ai vécue il n’y a pas longtemps avec un client. C’est un joueur américain en vacances à Saint Tropez qui m’a demandé de taper la balle. Il était dans le challenge, et avait envie de se préparer en vue d’un événement de double. Il m’a proposé de faire un match où il avait les couloirs de double et pas moi. Je ne sais pas si tu imagines mon cerveau qui pendant 40 ans n’allait pas chercher les balles dans le couloir et qui du jour au lendemain devait changer son fusil d’épaule. Il m’a fallu quelques jours pour que je conditionne et c’était un nouveau challenge. Côté enseignement, j’arrive toujours à me projeter sur un challenge personnel et c’était une belle expérience. On a bien rigolé ensemble après et je lui ai que ce qu’il me demandait m’avait obligé à retourner mon cerveau…

 

 

C’est une constante adaptation !

Oui c’est ça. J’ai envie de former des enseignants et leur dire « regardez », « écouter », « véhiculez une image positive. Il faut penser à l’énergie que l’on va déployer lorsque l’on donne un cours, sa voix et l’attention que l’on porte à l’élève. Je trouve qu’avec les enfants, trop d’enseignants s’en foutent. C’est dommage mais je ne veux pas parler de cette réalité. Je souhaite que l’on retourne dans les clubs à la base et il faut que l’on revalorise les coaches et qu’on leur redonne envie d’avoir envie.

 

 

Justement quels sont les erreurs que tu as pu constater chez les enseignants ?
Trop souvent c’est de la garderie avec trop d’enfants sur un court ; ce n’est pas possible. Il y a aussi trop de demandes des parents qui ne comprennent pas pourquoi leur enfant ne joue pas mieux. Il ne joue qu’une fois par semaine, donc… Nous lorsque nous étions enfants quand on jouait une première fois ,on rejouait à côté avec les copains ou contre un mur. Si l’enfant n’est pas demandé par l’enseignant à venir pour un cours, il ne revient pas de lui-même. Il y a toute une éducation à fournir avec un mode de vie qui a changé.  Je vois trop souvent les enseignants sur les portables, peu motivés pour faire progresser  l’enfant quelque soit son niveau. Il y a des enfants talentueux d’autres beaucoup moins ; il y en a qui sont en grande difficulté et ceux là il faut quand même s’en occuper. Donc l’enseignant qui est apathique  et qui ne bouge plus sur un court de tennis, pour moi c’est très néfaste pour notre sport.

 

Et la relation avec les parents. Comment un enseignant doit-il se comporter avec les parents ?

C’est un vaste sujet. Certains enseignants de clubs passent aussi beaucoup de temps à discuter avec les parents en dehors du court. C’est épuisant par moment et on nous demande aussi des résultats très rapides sans vraiment fournir des efforts à côté. J’ai enseigné il y a quelques années au Racing Club Lagardère et je dirigeais l’école de compétition. On demande beaucoup d’efforts aux coaches et je trouve que les générations d’aujourd’hui  ne sont pas prêtes à véritablement s’impliquer davantage. Je dirais que la séance service que j’ai demandée à beaucoup de  jeunes consistant à retravailler tout seul ce coup dans leur club, je  l’ai rarement vue reproduite. On ne peut pas faire de miracle. L’enseignement pour moi c’est de taper un maximum de balles pendant 1 heure. C’est notre objectif. L’objectif de l’école suédoise c’est je crois de taper au moins 200 balles dans l’heure, on en est loin en France. Rien qu’en regardant les sceaux de balles des enseignants où il y a à peine 20 balles dedans c’est significatif. Je ne voiis pas comment on peut s’en sortir pour obtenir plus de résultat. Même si on ne peut pas faire que des champions, si on renforce un peu notre base avec un certain nombre de joueurs qui jouent bien au tennis, qui ont une belle technique, c’est déjà satisfaisant . Un enseignant doit pouvoir amener son joueur au moins en seconde série. Avoir mis le cota d’un enseignant à 15/2 me paraît peu judicieux. Je n’ai rien contre ce niveau là mais je pense que quand on est enseignant, une bonne qualité de balle est nécessaire. Sinon, il ne peut pas donner du plaisir ni en prendre et inciter son joueur à en redemander.

On aurait d’ailleurs bien besoin de femmes et de mixité dans les clubs. Pour moi, une femme à 3/6 a toutes les possibilités de répondre à tous les niveaux de clientèle à entraîner.  Je suis passée comme directrice de l’école de tennis de Villiers Le Bel, à l’époque une activité très prisée, où je n’étais pas salariée à l’année. J’étais en libéral et si le joueur ne revient pas le lendemain, tu ne manges pas.. C’est aussi simple que ça. Les cours que tu donnes, les joueurs que tu approches, il faut leur donner envie de revenir.

 

On voit l’expérience de la sportive de haut niveau qui a travaillé dur !

Voilà oui, et je suis obligée de continuer à travailler dur. Mais mon corps fatigue, et je dois dire qu’à certains moments, je suis contente de pouvoir faire évoluer mon sport par le biais demes réflexions. Avec un peu moins de terrain quand même car parfois je fatigue. On vieillit ! 55 ans. Mais je prends un sacré plaisir à taper dans la balle et par moment c’est un pur bonheur.

 

Tu as une fille ?

Oui, ma petite Cloé sans H. Elle a 7 ans, est mignonne comme tout et c’est le centre de ma vie aujourd’hui. Je suis malheureusement séparée de ma femme et je m’adapte ; elle aussi. Ma fille est en train de me découvrir et ça fait du bien. Par rapport à tout ce que j’ai pu traverser c’est le bonheur de ma vie et quand je suis avec elle, je suis avec elle.

 

Elle joue au tennis ?

Oui mais rarement sur un court car j’ai eu un gros problème de santé à l’oreille, et je n’ai pas pu taper dans une balle pendant deux ans.  Je l’ai fait jouer dans l’appartement, sur une pelouse. Je mettais les filets un peu n’importe où et avec lors du confinement je suis partie à Porquerolles avec elle. Et on a fait des trucs incroyables. Elle a tapé contre un mur à genoux, avec les deux mains, avec raquette à gauche, à droite, avec plusieurs balles, en jonglant, en sautant, en employant des jeux d’adresse. L’enseignement des petits était sans doute le secteur que je n’avais pas abordé, elle m’a poussée à y réfléchir.  Les enfants ont changé, ils ne veulent plus être compétiteurs à tout prix, ils veulent jouer. Elle voulait me montrer comment il fallait jouer et je l’ai laissée faire. Il faut que l’on change notre approche sur cette nouvelle génération qui fait tout plus que tout, qui ne souhaite pas de challenge de compétiteur one to one mais qui veut jouer en équipe. A nous sans doute de redonner sa place au jeu de double, à retrouver le plaisir de jouer en famille, de partager des choses à plusieurs. Il m’arrive de faire des confrontations où ils sont 4 contre 4 . Parfois aussi je me dis "Pourquoi ne fait-on pas que des lobs? Pourquoi n’apprend t-on pas le lob à 6,7 ans. J’ai déjà joué sur deux terrains côte à côte avec un filet plus haut sur l'un des deux pour travailler le lob au-dessus du grillage. J’ai remis le lance-balles au goût du jour qui amène de la gaité. Ce n’est pas le coach, ce n’est pas un lancer ; c’est une improvisation d’un lancer et c’est rigolo.

Pour en revenir à ma fllle, elle  a peut-être envie de devenir prof. Sa maman a un magasin de crocodiles et de chemises lacoste, elle veut aussi tenir ce magasin. On verra bien plus tard. C’est une sportive, elle est sagittaire. Elle a plein d’idées ; elle est merveilleuse….

Agnès Figueras-Lenattier