mardi, 03 novembre 2009
Micmacs à tire-larigot
Nouveau film de Jean-Pierre Jeunet
Les trafiquants d’armes, un sujet sérieux mais que Jean-Pierre Jeunet désormais partisan de faire des histoires positives pour contrer le cynisme de notre époque, a décidé de traiter de manière fantaisiste, légère et grotesque. Et il y a un style c’est incontestable que chacun est libre d’apprécier ou pas. Libre, totalement libre comme ce réalisateur qui veut tout faire à cent pour cent et à qui on ne peut rien imposer. Dans ce film Jean-Pierre Jeunet qui détermine toujours le cadre mais sans l’exécuter, a donné totalement libre cours à son imagination d’ailleurs plutôt dense. Il a réuni des acteurs de différents milieux, scène, télévision, cinéma classique, ce qui donne un mélange détonnant. Ainsi voit-on par exemple graviter ensemble une contorsionniste qui loge dans le bac à légumes, un autre personnage qui actionne un robot faisant des haltères ou se mettant des cuillères sur le visage. Sans parler de la recruteuse de la bande à l’œil rieur et malicieux. Jean-Pierre Jeunet qui n’a pas pu faire travailler en même temps tout ce petit monde les a fait répéter un par un en imaginant le résultat final. Et il s’y est pris astucieusement car il règne une réelle harmonie d’ensemble..
C’est l’histoire d’un homme au chômage un peu paumé et fantasque nommé Bazil (Dany Boon ) à qui il arrive de dormir dehors avec des chaussettes trouées.. Un jour, après avoir reçu une balle dans la tête, il est adopté par une tribu de chiffonniers. Jusqu’au moment où il retrouve les marchands d’armes responsables du malheur de ses proches. Et il va en compagnie de cette tribu imaginer divers subterfuges pour se venger. Dany Boon est comme à son habitude excellent même si c’est surprenant au départ de le voir jouer ce rôle après « Bienvenüe chez les Chtis ». Cela prouve qu’il passe d’un personnage à un autre avec une grande dextérité. On dirait vraiment qu’il a fait toute sa vie, et c’est véritablement un clown ambulant de l’interprétation cinématographique. Jean-Pierre Jeunet qui ne le connaissait pas a eu l’impression en le rencontrant d’avoir affaire à un vieux camarade de lycée. Il ne tarit d’ailleurs pas d’éloges à son sujet. « C’est un acteur inventif qui quelles que soient la prise et la difficulté est toujours performant. Et puis c’est une crème que le succès n’a pas changé. Il est de la même race que Jamel Debouzze , tous les deux possédant une part d’enfance dans la tête et qui s’en sont sortis grâce à cet imaginaire. Mais l’un est plutôt une petite crevette, et l’autre un gros ours en peluche.. .. Jean-Pierre Marielle pour sa part est fidèle à lui-même. Voix, charisme, et look bien à lui. Il n’accepte d’ailleurs pas dixit le réalisateur d’être dirigé, et de faire autre chose que du Marielle.. Dans ces cas là, mieux vaut en prendre un d’autre !. Quant aux autres membres de la tribu que ce soit Yolande Moreau ou ses acolytes, ils forment une petite troupe harmonieuse au sein d’une atmosphère imbibée d’artistique. Leurs costumes complètent bien le tableau.
André Dussolier qui aime contempler les rognures d’ongles de Churchill, la molaire de Marylin, ou l’œil de Mussolini joue avec son regard comploteur et un brin sadique. Celui-ci est d’ailleurs mis en valeur par des gros plans habiles. De même pour le regard de Dany Boon qui crève l’écran.. Jean-Pierre Jeunet adore fabriquer et ça se voit. Changeant de musiciens en fonction des histoires, il voulait au départ pour ce film insérer une musique moderne, mais l’idée s’est révélée infructueuse. Il s’est alors octroyé les services d’un jeune professeur de musique avec qui la collaboration a été épineuse. En effet ce qui était prévu au départ a finalement été modifié. C’est ainsi par exemple que la musique qui accompagne Dany Boon lorsqu’il fait la queue aux restos du cœur ne devait pas être celle-ci. Côté couleur Jean-Pierre Jeunet est resté fidèle à ses goûts à savoir des tonalités jaunes qui pour lui donnent de la chaleur aux acteurs..Mais il a aussi introduit des tons froids pour les scènes où apparaissent des toits dans la nuit.. Ce goût pour le jaune lui a notamment valu lors d’une émission une allusion faisant de lui quelqu’un qui trempe sa caméra dans de l’eau de vaisselle. « A chaque fois j’y ai droit » s’exclame t-il. En France la laideur ne choque jamais, l’esthétisme si »..
Quoi qu’il en soit, c’est bien du Jeunet ce qui en France lui est reproché contrairement à L’Angleterre où le fait d’être fidèle à son image est une qualité. Les fans ne devraient en principe pas être déçus même si la fin un peu trop longue peut engendrer une certaine lassitude. En tout cas que de chemin parcouru depuis Délicatessen, un film qu’il a mis 10 ans à réaliser et dont personne ne voulait entendre parler.. Son prochain film ? Il ne sait pas. A chaque fois, il se dit qu’il faudrait avoir une idée dès que le dernier est produit. Mais il n’en est pas capable. Et puis finalement ce n’est pas plus mal car en fonction des résultats de la dernière réalisation, il peut en imaginer une autre. Ainsi n’aurait-il pas fait « Le long dimanche de fiançailles » sans le succès d’Amélie Poulain ». Quand on lui parle de film muet, il avoue que la perspective d’en réaliser un le séduit. Mais il dit ne pas être le seul à avoir cette envie. Ce dont il est conscient en tout cas c’est que les films doivent de plus en plus être joués pas des acteurs rigolos et bons en promotion. Les pressions qu’il subit sont là pour le prouver..
Agnès Figueras-Lenattier
08:18 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : micmacs, jean-pierre jeunet
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