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vendredi, 12 janvier 2024

Pascal Fauvel

IMG_0679.PNGPascal Fauvel est poète, et a exercé le métier d’infirmier psychiatrique.  Actuellement à  la retraite, il continue à suivre quelques patients individuellement. Gardien de but, dans sa jeunesse,  il s’est blessé à 17 ans et n’a pu reprendre ses études qu’à 25. « Lorsque j’étais en 1ère mécanique générale, j’ai du interrompre ce cursus. J’étais donc très loin de la poésie et de la psychiatrie. Cette blessure  m’a coûté beaucoup de temps…." Pascal Fauvel a édité son premier livre à compte d’auteur, et il a à présent  plusieurs bouquins publiés à son actif. Régulièrement édité dans diverses revues poétiques, on a  notamment comparé son écriture à celle de René Char. 

« Au départ, j’ai été très mal orienté. J’étais bon dans tous les domaines, mais pas très laborieux dans le travail et l’on m’a donc orienté en cycle technique.   Dans les années 70 c’était à la mode et beaucoup de jeunes lycéens intégraient des écoles techniques. Mais comme j’avais un oncle cadre supérieur dans le grand hôpital psychiatrique local et que je connaissais le domaine car beaucoup de gens de ma famille travaillaient dans ce domaine, j’ai été intégré entant qu’auxiliaire des hôpitaux. Un an après, je passais le concours pour être infirmier que j’ai tout de suite réussi. Au départ, je voulais être chirurgien, j’avais lu beaucoup de choses sur le sujet, mais une fois diplômé, j’ai beaucoup aimé ce métier. J’avais trouvé ma voie et aussitôt la poésie s’est imposée en réponse à la douleur psychique. « 

 

 

Avant d’être infirmier psychiatrique écriviez-vous déjà beaucoup?

J’ai commencé vers 16, 17 ans, j’aimais beaucoup. Tous mes amis de mon âge me demandaient de parler car j’avais le verbe facile et la formule qui convenait à tout le monde. J’avais un peu des fonctions de porte-parole même dans mon travail. Pendant les cours, j’écrivais beaucoup, je remplissais des cahiers d’un tas d’émotions; de sensations. Après, j’ai pris l’habitude d’avoir un carnet sur moi. Je me trouvais confronté aux difficultés des schizophrènes, des personnes âgées et des psychotiques et je sentais une expérience humaine qui m’agitait. S’approcher de la souffrance psychique englobe l’extrême dans  les émotions, et a fait pulser quelque chose en moi, une possible réponse.  Ecouter ces personnes, les regarder faire et accomplir des choses me faisait l’effet d’une oeuvre d’art. Des signaux m’étaient envoyés qui me donnaient envie de répondre à la hauteur de la situation. Par des formules qui me venaient dans la tête sur la condition humaine, sur la condition du vivant. Des formules métaphoriques au départ puis de plus en plus serrées, en opposition contrastée comme le ver poétique. Mais  le langage me semblait faible, et les mots trop petits par rapport à l’expérience du vivant. Il me fallait renforcer le langage, agrandir sa puissance afin de répondre dignement. 

 

Quel effet a eu la psychiatrie sur votre écriture? 

Cette spécialité m’a tout de suite donné envie d’écrire et j’ai conduit des ateliers de poésie à l’intérieur des hôpitaux psychiatriques et surtout en extra-hospitalier de 1994 à 2017.  J’ai fait 50 séances qui ont très bien fonctionné notamment auprès de jeunes de 14 à 18 ans anorexiques. Les patients avaient la sensation de pouvoir s’exprimer  sans retenue et j’ai fait deux recueils avec eux. C’était expérimental, à l’époque le médecin chef était psychanalyste et il voulait ouvrir l’hôpital.  C’étaient les premières expériences thérapeutiques auxquelles j’ai participé et ce médecin exigeait mes comptes-rendus à chaque fois. Il les soulignait car j’écrivais au stylo et ils ont contribué à ses recherches. Je rapportais une ou deux pages à chaque fois. Il m’arrivait aussi de manger avec les patients à l’extérieur.  Les effets? Je n’ai pas de recul sur tous. Il y en a un qui devenu artiste est venu me voir. Il m’a laissé sa carte et m’a dit «  Vous m’avez ouvert la voie à autre chose; ça m'a libéré. » Il existe un retentissement, un écho et pour certains ça affaiblit le jugement moral. 

 

 

Pourriez-vous parler plus précisément de ces ateliers poésie!

Le moteur principal était lié à la composition poétique, la façon dont la poésie fonctionne. Elle n’exprime pas un langage conventionnel avec du sens. Donc le mot est utilisé comme un son, une image et comme une unité séparé dénuée de tout sens, les mots étant frottés entre eux et associés d’une manière inhabituelle. Ca crée de l’émotion dans la folie. En effet, un sens précis dans la demande, dans les injonctions, les obligations  de produire des objets ou des résultats implique un sens persécution, interprétatif pour les gens. Et le fait d’utiliser les mêmes mots mais dans un désordre culturel permet d’apaiser beaucoup le langage conventionnel. C’est l’intérêt de la poésie. Dans mes ateliers, les patients atteints de maladies chroniques ont pu réaliser que les mots deviennent de l’imaginaire, des mots où l’on peut trouver sa propre place. Cela diminue  la persécution du patient et c’est très important car c’est là où réside le noeud. Les patients ont des moments plus heureux et réalisent qu’ils ont aussi un savoir en eux. Ils arrivent à écrire et en sont étonnés. Tous les ateliers thérapeutiques ont des avantage et permettent aux patients d’avoir un regard sur eux-mêmes différent.  Ils ne se sentent  plus uniquement comme une personne malade mais comme une personne entière, globale. I.  

 

 

Et le sport?

Grâce au karaté et ensuite avec la psychanalyse, j’ai fait sauter le verrou de l’inhibition, jet j’écris maintenant des poèmes en un quart d’heure. J’ai fait 6 mois du karaté 6 heures par semaine avec travail sur la respiration et ça me libérait vraiment beaucoup pour écrire. Le tennis de table a également été  un bon complément au karaté. C’st très précis, très technique, avec des heures de frottement avec la balle. Je me sentais beaucoup mieux, j’étais moins dans le jugement sur moi, moins dépendant des modèles.  Les lectures m’ont aussi beaucoup enrichi. Un professeur suite à un devoir sur Rhinocéros m’a dit que j’étais plus doué pour la littérature que pour les maths. On m’a dit aussi que j’avais une voix et qu’il fallait la développer. Donc j’ai écrit sans ambition de publication à ce moment là. L’éventualité d’une publication est venue à l’âge de 30,32 ans.

 

 

Au départ était-ce uniquement de la poésie ou d’autres genres littéraires aussi?

Au départ, c'était des formules rapides donc de la poésie. Je cherchais des formules ramassées, des images, des tensions. J’avais débuté un roman que je n’arrivais pas à poursuivre. Puis un roman d’héroic fantaisie «  le marchand de sable ». C’était très très imaginaire . Maurice Nadeau l’éditeur qui a découvert Houellebeck l’avait trouvé interessant mais n’a pas voulu le publier car il trouvait que cela ressemblait trop à un auteur américain que je n’avais d’ailleurs jamais lu. Pour mes poèmes c’est la même chose, on m’a dit que cela s'apparait  trop à René Char que je n’ai pas lu non plus.  Tout cela est très aléatoire. Après, j’ai écrit un petit conte pour enfants lors d’ un concours «  L’enfant arc en ciel » qui a passé la première sélection mais qui n’a pas gagné. Un personnage fils de la pluie et du soleil…

 

 

Et vos textes sur les poètes et la folie?

Ils sont tirés de mon  expérience par rapport à la psychiatrie et de ce que j’ai lu sur la folie. Je faisais des gardes de nuit à l’époque, et je sortais souvent mon cahier.  J’ai écrit un poème «  Le mur des fous » publié et commenté par Jean-Marc Strecker sur France Inter. Il a énoncé 3,4 vers. Ma lettre a été aussi publiée et j’explique qu’être face à une personne fragile,  fait l’effet d’un livre que vous écrivez, car ces gens là ont un langage très libre. Il n’existe  pas de convention, donc devant un schizophrène qui vous parle c’est comme être devant un livre de poésie ou se placer devant une forte abstraction. Comme une sorte de continent rempli d’étrangeté, de singularité très grande qui en même temps distrait. Quand on vit en société contemporaine aujourd’hui, écouter un fou ça bouscule et ça vous pousse un peu dans vos retranchements. La souffrance n’est ni localisée, ni fixée dans l’image ce qui  fait donc appel à l’imaginaire de l’aidant. 

 

 

A l’époque de Socrate, les fous n’étaient pas enfermés. On les laissait vivre dans la rue!…

Tout à fait et c’était beaucoup mieux. J’ai participé au courant que l’on appelle l’anti psychiatrie qui voulait ouvrir les hôpitaux, les chambres et qui avait une autre idée des soins psychiatriques Cela a commencé dans les années 70 et la psychiatrie française était admirée dans le monde entier. Surtout le monde occidental qui trouvait que la France avait une approche très adaptée, très humaine et pas du tout hermétique. Ce fut très bien jusque dans les années 90, 95. Après on a diminué les moyens et l'on a créé des ARS (agences régionales de santé). Je me souviens de conversations avec un psychiatre avec qui je m’entendais très bien qui avait dit qu'on était en train de créer des ARS donc des préfectures surtout dans le domaine du soin. Et que c’était très inquiétant. Il faut savoir que les hôpitaux auparavant avaient la liberté de gérer leur budget annuel alloué sans aucune restriction d’année en année. Quand ils ont fait la tarification à l’acte tout a changé. Les hôpitaux ont été obligés de rendre des comptes aux agences régionales et c’est à partir de ce moment que c’est devenu complexe. Avant, les services publics de la santé n’étaient pas liés à une productivité, à un rendement, à une performance. On ne faisait pas ce travail à comme des commerciaux, comme une entreprise qui a besoin de créer de l’acte pour vivre. Ce n’était pas du tout dans l’esprit des soignants. A partir des années 2000, 2005, l’argent a gagné tous les terrains.

Les choses positives de la psychiatrie actuelle? Il n’y en a pas. Je situe le séisme à partir de 2007 qui est lié à la directrice de l’OMC sur la réglementation de l’espace public. J’ai assisté à Paris à de grandes rencontres  pour lutter contre ce que l’on voyait arriver; le démantèlement progressif de l’aide. Les psychiatres sont partis dans le privé, les lits ont fermé, la déchéance. L’amélioration de la situation du patient  a disparu, avec abus de médicaments, contentions, patients isolés. Plus de clinique, plus de réponse humaine. Les aides sociales diminuent , la folie n’est plus prise en charge avec de plus en plus de passages à l’acte…

 

 

Vous écrivez donc de la poésie, des romans, divers textes. Qu’est-ce que chaque domaine vous apporte?

Une expérience, une recherche, un étonnement aussi. En effet, écrire c’est ne pas savoir ce qui va sortir, enfin pour moi. C’est aller un peu à l’aveugle car je laisse faire cette partie non contrôlée de la jonction entre le conscient et l’inconscient. Je m’appuie sur les connaissances invisibles et non répertoriées et j’écris avec une force cachée. Tout artiste est habité par ce processus. On appelle cela le gai savoir, le savoir libre. Les romans réalisés par des poètes sont très différents de ceux écrits par les romanciers. En général, un romancier n’est pas un poète et son tyravailplus structuré, plus chapitré, plus construit avec une stratégie.  Chez un poète, c’est beaucoup plus libre, plus fantaisiste, avec des changements de direction, des imprévus. Ce n’est pas du tout le même travail.  L’écriture qu'elle qu’elle soit représente un plaisir très particulier, une sorte de navigation sans boussole et c’est très jouissif.  On se laisse bercer par ce qui se passe dans le stylo! D’ailleurs dans mon cahier, je rends hommage aux couleurs des stylos. Le noir, le rouge, le vert, le bleu. Chacun a son langage.

 

 

Vous avez écrit un recueil sur les relations amoureuses, sur la position féminine au sein des relations amoureuses «  la femme d’écume ». Qu’avez-vous voulu montrer?

Ìl faut reprendre le terme d’intentionnalité, la poésie n’en a pas. Je n’ai pas cherché à vouloir montrer quelque chose, j’ai voulu explorer.  J’ai toujours réfléchi aux effets de la muse dans la relation. Au-delà de la relation, surviennent des effets symboliques, Avec la personne qui émane d’elle-même et dont elle ignore aussi beaucoup de choses. Nombre de ces relations ne sont pas maîtrisables, identifiables immédiatement. Elles ne sont pas explicables rationnellement.  C’est ça l’amour : beaucoup d’émotion, de subjectivité.  A partir de cette très grande force qui existe dans l’échange, j’ai voulu placer la femme comme une sorte de prisme entre le monde et moi. Comme si on mettait devant ses yeux une sorte de petit objet kaléidoscopique à la lumière du jour et de soi-même et qu’on le fasse tourner en différentes images. Je me suis appuyé là-dessus, pour écrire des scènes, des tableaux. Ma femme à Venise, ma femme à Florence avec la relation érotique et tout ce que cela comporte.  Que voit-on avec ma femme si l’on monte sur la dernière terrasse du Mont Saint-Michel sans savoir où j’arrive. 

 

 

Vous avez mis un poème de Paul Eluard en introduction!

Oui, je voulais suivre un peu ce qu’il avait écrit dans un de ses poèmes «  Notre année » et effectivement ce texte m’a un petit peu ouvert la voie. Je trouvais que dans l’extrait cité représentait un peu l’enjeu de cette relation. Comme si j’avais trempé mon pinceau dans les verts de Paul Eluard, que j’avais mis un peu d’eau dans le pigment et que j’avais dilué le tout.

 

 

`Vous disiez que la poésie ne cherche pas à montrer quelque chose. Mais certains poètes défendent des causes!

J’ai défendu la parole de la psychose puisque j’ai créé des ateliers d’écriture et j’ai fait deux recueils avec la parole des fous. Et j’ai quand même fait un recueil  pour moi très important qui s’appelle «  La surface de glace », une sorte de critique de l’image contemporaine. Je ne défends pas des causes directement mais je critique quand même le travail de notre société. Mon roman «  L’ autre là » est  un roman d’anticipation qui répond aussi aux séances du monde contemporain. Je vais lire des poèmes dans les Ehpad et je participe à pas mal de choses avec un groupe. J’ai fait des conférences sur les ateliers d’écriture aussi... 

 

 

Vous avez eu l’occasion de rencontrer des gens comme Hubert Haddad, Michel Tournier, Bernard Noël. Que vous ont-ils apporté?

Déja, je les avais lu avant et ce qu’ils faisaient me plaisait. J’aimais beaucoup la poésie de Bernard Noël, je la dévorais et je m’étais dit que je lui écrirais et qu’il me répondrait certainement. Je pensais avoir une connivence avec son écriture. J’ai voulu avoir un peu son avis, et il me l’a effectivement donné. Huber Haddad, je l’avais entendu sur France Culture, j’adorais sa voix et les extraits de ses romans. Je lui ai envoyé mon deuxième roman, j’ai acheté un de ses livres que j’ai beaucoup apprécié. Il a aimé et j’étais plutôt très fier.  En plus, c’est un spécialiste de Julien Gracq que j’adorais. Et pour Tournier, c’est pareil. J’avais lu quasiment toute son oeuvre et dans le même principe de connivence , je lui avais demandé s’il pouvait accepter mon roman. Il n’a pas accepté, mais il m’a écrit une très belle lettre. Celle-ci me disait que ma propre lettre était magnifique et que je devais faire confiance à mon texte  et qui se défendrait tout seul. Même mes amis et collègues étaient épatés que j’ possède une lettre manuscrite de lui, une page… Cet ensemble m’a stimulé et je l’ai pris comme une reconnaissance de ma démarche.  C’est un peu compliqué avec les éditeurs. Hubert Haddad l’auteur phare des éditions  Zulma a donné mon manuscrit  " l'autre là en leur demandant de le publier, ils ont refusé ce qui m’a soufflé d’autant plus que c’est un travail très important pour moi… «  l’autre là » j’ai beaucoup travaillé en laissant chaque chose arriver sans me précipiter avec un petit fil conducteur sous-jacent et j’y ai pris beaucoup de joie. Je voulais faire une sorte de Faust moderne. Ce n’est pas très long mais plein d’intention, c’est l’intensité qui compte. 

 

 

Vous avez pris votre retraite mais vous continuez de manière individuelle!

Côté psychanalyse personnelle, je n’y vais plus que toutes les trois semaines. Avant il m’arrivait d’y aller 2 à 3 fois par semaine. Ma psy est aussi ma contrôleuse. Quand on a un souci avec une personne que l’on accueille en cabinet,  et que l’on est dans une impasse, c’est bien d’en parler à un tiers. Mais je n’ai pas beaucoup de patients atteints de troubles psychiatriques. J’ai de tout, même des jeunes de 15 ans. Je fais entre 15 et 20 consultations par semaine, avant c'était plutôt une cinquantaine. 

Lors d’une psychanalyse, il ne faut pas être absorbé par le problème de l’autre. Etre le plus objectif possible sans être inhumain pour autant. Enlever sa subjectivité, mettre son émotion dans un coin, ne pas se sentir directement concerné Ce sont de grosses exigences par rapport à ce que l’on est soi-même, car l’on se situe par rapport à l’écoute de l’autre ou dans l’accompagnement. Cela n'implique pas que de l’écoute, c’est aussi partager des choses ensemble. Faire des courses, la cuisine. J’ai participé aux expériences de l’anti psychiatrie de manière très poussée. A Caen le médecin chef des psychanalystes avait émis le projet d’ouvrir des appartements thérapeutiques, cela consistait à louer des appartements en banlieue caennaise.  A proposer aux patients hospitalisés à plein temps de faire l’expérience du dehors. Dormir dehors, vivre ensemble. J’avais 22 ans à l’époque, le médecin chef ne voulait pas me prendre car il me trouvait trop jeune mais le garde de santé m’a imposé. J’encaissais très bien , et c’est moi qui suis resté tout le temps pendant 5 ans. Certains collègues ne voulaient pas se risquer dans ce domaine;  ils avaient peur des responsabilités. J’écrivais déjà et le médecin chef trouvait matière à sa réflexion. Je relatais tous les détails et le médecin chef  soulignait toutes mes phrases. Son point de vue sur ma personne avait totalement changé… 

 

Agnès Figueras-Lenattier

 

 

 

 

15:25 Publié dans Interviews | Lien permanent | Commentaires (0)

mardi, 07 novembre 2023

Docteur Alain Meunier

1670162233923491501.jpgLe docteur Alain Meunier est psychiatre et psychanalyste. Il a créée SOS Anor un centre spécialisé dans les troubles du comportement alimentaire et croit dur comme fer à l’efficacité d’un travail collectif pour soigner ces maladies…

 

Avant de créer votre association SOS Anor, étiez-vous déjà spécialisé dans les troubles du comportement alimentaire ?
Je suis venu aux troubles du comportement alimentaire par un intérêt pour le suicide et en particulier pour le suicide des adolescents . Or la pathologie la plus significative de l’adolescence est l’anorexie.

J’ai commencé à prendre des patients en charge et me suis vite rendu compte que c’est une pathologie très dure à soigner et que mes seuls talents de psychiatre et psychanalyste ne suffiraient pas. Comme je suis aussi psychanalyste, j’ai essayé immédiatement de fonctionner avec des outils, c’est-à-dire de définir la pathologie mentale que j’avais devant moi et d’essayer d’en faire quelque chose. Au fur et à mesure j’ai constitué une équipe de soins avec des spécialistes de cette maladie . SOS Anor comprend aujourd’hui une psychomotricienne qui s’occupe de la relation problématique entre la tête et le corps, une diététicienne, des psychologues formées aux TCA. Nous avons mis au point un portait de l’anorexique que l’on appelle « le mental Anor » ou mental de l’anorexique et l’on travaille sur ce schéma et son mode de construction. Les anorexiques s’opposent d’une manière tellement énergique, que l’on n’est pas de trop dans plusieurs spécialités.

 

 

Uniquement l’anorexie ou aussi la boulimie vomisseuse et l’hyperphagie ?

Pour nous, c’est le même problème.  D’ailleurs chronologiquement, selon mon expérience, les anorexiques sur la durée sont toujours passées par une phase d’anorexie restrictive  avant d’en arriver à la boulimie avec vomissement.  Ce sont les classifications américaines qui en font des pathologies séparées. La plupart du temps, il existe un traumatisme et l’on peut considérer l’anorexie comme une réponse à une souffrance de l’adolescence et finalement une adolescence qui s’arrête. Qu’est-ce qui fait qu’une adolescente tout d’un coup arrête de grandir et stoppe son adolescence ? On a dit que c’était un refus de la féminité parce qu’elles arrêtaient de grandir à ce moment là, mais en fait on ne sait pas la raison pour laquelle une adolescente tout d’un coup arrête de grandir, se retrouve dans la souffrance et tout d’un coup répond par une restriction. Mais  effectivement pour l’avoir vécu, le jeune est une façon de se départir de ces souffrances. Une fois que les patientes sont dans cette mécanique, se mettent en place des éléments psychologiques caractérisés par la maîtrise de tout, la nourriture bien sûr mais également dans toute leur vie avec des signes comme le doute, l’incapacité à vivre l’instant, les difficultés avec leur corps etc…

 

Le mental anorexique

 

C’est cela que nous appelons le mental anorexique et qui va déterminer la part du traitement utilisé par le psychothérapeute que ce soit un médecin ou un psychologue. . . C’est de la psychothérapie pure en face à face qui comprend un accompagnement assez complexe. Très souvent cela peut s’apparenter aux thérapies cognitives ou comportementales tout en étant quand même très spécifique. Grâce à cette synergie d’ensemble, si l’on peut empêcher ou retenir la patiente d’être dans la maîtrise avec par ailleurs un diététicien qui va dans le bon sens et une psychomotricienne lui permettant de bien s’entendre avec son corps, c’est très bien.. Cette corrélation des trois paroles doit pouvoir aider la patiente. Reste une catégorie à part, l’hyperphagie et les boulimies pulsionnelles sans vomissement et avec une alimentation incoercible. C’est un peu si j’ose dire l’anorexie à l’américaine, c’est une pathologie qui commence très tôt. Ce sont des gens qui sont passés totalement à côté de leur adolescence, qui n’en ont pas eu, et qui peuvent manger sans limite. Mais il y en a beaucoup moins en France.   Il n’existe pas de souffrance psychologique immédiate, si ce n’est celles dues aux conséquences physiques.

 

 

Au sein de votre centre vous avez de la simulation magnétique !

Aujourd’hui avec un IRM fonctionnel, l’on est capable de voir les perturbations existant dans le cerveau en fonction de certaines pathologies.  Il existe toute une étude européenne sur la géographie du cerveau et l’on peut observer le centre de la dépression, le centre des troubles du comportement alimentaire etc… Avec ces connaissances on travaille sur cette région avec un relatif succès mais on n’est pas précurseur en la matière. Ce sont les Américains et surtout les Canadiens.  On bloque les pensées alimentaires qui sont en fait l’expression psychique des vomissements. Nous avons aussi de l’hypnose et de la réflexologie, tout ce qui relie la tête et le corps est bon à prendre.. J’insiste sur le fait que c’est la synergie de toutes ces compétences qui fonctionne l’idée étant que quelle que soit la compétence de chaque intervenant c’est l’ensemble qui fait que le problème arrive à être géré. Les médicaments ? Même si on ne les exclut pas complètement, on s’en sert non pas avec l’idée qu’ils vont guérir le sens de l’histoire mais simplement comme des moyens symptomatiques.  Pourquoi pas des tranquillisants, un somnifère pour dormir…  et non un antidépresseur en se disant que ce médicament va améliorer la pathologie et les dépressions.

 

 

Existe-t-il beaucoup d’idées fausses sur cette maladie ? 

Très longtemps l’anorexie a été prise pour la conséquence d’une maladie infantile ou le début d’une pathologie adulte. C’est lié au fait que l’on connaît mal cette période de l’adolescence. Françoise Dolto est sans doute morte un peu tôt. L’idée au sein de SOS Anor, c’est que l’anorexie n’est pas un symptôme d’une autre maladie mais un syndrome à part entière avec son début, sa fin, son mode de fonctionnement et qui ne dépend d’aucune autre pathologie. C’est la raison pour laquelle, très souvent l’on rencontre aujourd’hui des traitements comprenant des psychotiques car elles délirent sur leur corps. On peut également l’assimiler puisque c’est une souffrance psychique à une dépression. Donc, on voit non seulement des patients arriver sous anti-dépresseurs mais on voit même de temps en temps des gamines entre 13 et 15 ans soignées par électro-chocs des gamines. Elles peuvent également être prises pour des hystériques, pour des états limites. C’est un véritable caméléon pour toutes les pathologies, or il n’en est rien et ce n’est pas le début d’une pathologie ou le début d’une autre. C’est une pathologie à part entière et une pathologie de l’adolescence au sens strict du terme.  C’est catastrophique, et la réalité c’est que toutes ces thérapies et médicaments ne fonctionnent pas et on le sait.

 

 

 

Comment peut-on se douter d’un trouble du comportement alimentaire ?

Les parents ne veulent pas voir quelque chose que les adolescents ne veulent pas montrer. Ce qui est mis en avant, c’est la fatigue, les examens etc mais pour peu qu’on lise la description d’une anorexique, c’est difficile de ne pas le voir.  Ce ne sont pas les parents qui le voient directement, mais plutôt des gens un peu plus éloignés de la famille qui constatent que l’adolescente n’est jamais là aux repas, qu’elle a toujours une bonne raison, qu’elle élimine certains aliments, qu’elle est d’une maigreur que les parents ne voient pas car ils vivent avec. Une fois le problème détecté la difficulté c’est de trouver un centre spécialisé. Elle peut être hospitalière ou privée peu importe mais il faut vraiment s’adresser dans un endroit où la patiente se sente entendue. C’est certain que le généraliste qui ne serait pas au courant du problème parlerait de forcer la patiente à se nourrir mais on ne force pas quelqu’un à manger, en estimant qu’elle refuse de manger. C’est une pathologie qui s’impose à la patiente mais ce n’est pas une volonté de ne pas manger ou une volonté de maigrir.

 

L'anorexie n'est pas un refus alimentaire

 

Ce n’est pas un refus alimentaire, c’est quelque chose d’intérieur qui lui fait considérer l’alimentation comme pire que la mort qui l’attend et l’empêche de manger au sens littoral du terme. Elle ne voit pas qu’en ne mangeant pas, elle va se retrouver dans un hosto, elle a le sentiment qu’elle va s’empoisonner. Ce qui est très difficile c’est qu’elles ont l’art de transformer les parents soit en êtres qui les rejettent, soit au contraire en infirmiers.  Les parents sont les premières victimes et leur première maladie c’est la culpabilité. Or ils ne sont pas responsables de l’anorexie en tant que telle. Il faut déjà les mettre en face de la réalité en particulier la mère. Au départ, le père a fait semblant de ne pas voir donc il est encore plus culpabilisé.

 

 

Les effets sur le corps à part le fait de maigrir ?
Ces jeunes filles sont étonnamment solides et l’on voit à quel point le corps est plein de ressources. Ainsi, elles peuvent peser 28 kg et courir sans aucun problème. On les voit courir à 6h du matin, faire deux heures de course pour perdre les calories de la veille.. On cite toujours les problèmes physiques, mais en réalité il en existe peu.  Il peut y avoir des problèmes osseux de calcification, mais aujourd’hui on les anticipe bien.  Le vrai danger physique c’est le manque de potassium qu’elles ne prennent pas toujours et qui engendre l’arrêt cardiaque. Dans mon parcours assez long avec cette pathologie, ce sont les seuls incidents que j’ai pu constater. La vie sexuelle ? Elles n’en ont aucune. Elles peuvent avoir une expression sexuelle qui va de la négligence de leur corps qu’elles offrent à qui veut ou au contraire à l’autre extrêmité être dans la totale restriction.  Mais la sexualité en tant que plaisir, elles ne connaissent pas puisqu’elles sont dans la maîtrise de tout y compris de leur désir.

 

 

 

`A quel moment voit-on que ça va mieux ou qu’au contraire ça empire?

`Le mauvais signe en général c’est le poids, et si l’on en tient compte, on ne s’en sort jamais. L’ hospitalisation a lieu lorsqu’il existe des problèmes psychiatriques ou psychologiques avec des signes médicaux à proprement parler. Lorsque la maigreur est trop importante ou quand les vomissements mettent leur vie en danger. Elles appartiennent alors plus à la médecine qu’à la psychologie. Les anorexiques en hôpital ont l’art de reprendre 3 kilos, de boire deux kilos d’eau, pour atteindre la barrière permettant de sortir de l’hôpital.  Le poids est donc important, et il existe un moment où elles peuvent prendre conscience de leur pathologie et qu’il faut faire quelque chose. Quand elles sont dans ce registre là et qu’elles  commencent  à admettre leur maladie, elles sont sur le bon chemin. Une accroche avec un médecin se met alors en place et quelqu’un va l’entraîner vers les soins.  Des équipes constituées existent maintenant dans différents endroits mais peu encore malgré tout. A un certain moment, quand vous mettez une boulimique vomisseuse ou anorexique dans un hôpital, immédiatement elle se met en lutte contre l’hôpital. C’est pour cette raison que l’on en arrive à des traitements qui les isolent, on les attache sur le lit, et il y a une dizaine ou vingtaine d’années, ça frisait la maltraitance. Aujourd’hui, c’est plus atténué mais le lien entre une machine qui l’oblige à faire ce qu’elle ne veut pas et l’hôpital fonctionne mal. Elles sont là, il faut qu’elles mangent donc elles vont manger de toute façon. On est dans la contrainte, dans le contrat de poids. Elles n’ont pas le droit de sortir si elles ne mangent pas et si ça ne suffit pas on leur met des sondes.

 

" L'hôpital des fous"

 

Un très beau livre « L’hôpital des enfants fous »   décrit tout cela très bien. C’est carrément insupportable, on contrarie le symptôme, on les attache pour ne pas qu’elles courent. Mais logiquement, à part pour les adolescents très jeunes qui sont en danger, l’hospitalisation ne doit pas être le premier réflexe. C’est mieux si l’on arrive à trouver une équipe pour s’en occuper en ambulatoire, soit constitué autour d’elle-même. C’est ce que nous faisons  de temps en temps pour les jeunes filles qui sont en Province. Nous cherchons un diététicien qui accepte de les prendre, une psychologue. Mais c’est un peu un problème car paradoxalement, les diététiciens, les psychologues connaissent assez mal le sujet, ce qui n’engage pas pour autant leurs qualités professionnelles. C’est une pathologie mal connue et surtout mal enseignée.

 

 

 

Les anorexiques sont-elles sensibles aux circonstances de la vie ?

Non. Mais en l’occurrence pour elles le travail est un médicament, c’est-à-dire que quand elles travaillent c’est la raison pour laquelle on les jugeintelligentes, elles ont de fortes capacités de concentration sur tout ce qui concerne leurs études ou les occupations qu’elles ont autour. Cette concentration est liée au fait que se concentrer sur ses études est une manière d’échapper aux pensées alimentaires. Elles réussissent dans tout et en plus, elles oublient leur pathologie. Il faut trouver ce qui va les sortir de leur maîtrise, oui cela  peut être l’art. Toute expression personnelle est une bonne chose mais cela ne va pas forcément très loin. Malheureusement le sport n’est pour elle qu’un moyen de perdre les calories de la veille. Il est primordial pour elles parce qu’elles vivent un équilibre où toute prise alimentaire doit être sanctionnée. Elles sont tellement dans leur monde que même le harcèlement qu’elles peuvent subir leur passe un peu au-dessus de la tête. Elles sont totalement isolées dans leur monde. Elles sont sensibles à la présence, elles reçoivent l’affection mais elles ont beaucoup de mal à la manifester.



 

Vous dites vous intéresser au suicide. Est-ce une maladie qui en engendre beaucoup ?

En général non et très peu d’anorexiques meurent de faim mais c’est malgré tout une maladie très suicidogène parce qu’elle fabrique de fausses vies. Elles peuvent avoir des enfants, avoir une situation normale, mais ce sont très souvent des personnes qui vont assez mal. Elles fabriquent de très beaux châteaux mais des châteaux vides. Lorsqu’elles passent de la restriction à la boulimie, elles mangent et ne supportent pas de grossir et c’est là que les idées suicidaires interviennent. Le laps de temps pour guérir ? Cela dépend beaucoup du moteur et de certaines circonstances de la vie. Une jeune fille qui vient de se marier qui avait toujours caché son trouble et qui n’avait pas ses règles est venue nous voir récemment. Des patientes qui ont ce genre de moteur peuvent guérir en quelques mois. Et puis il y a celles qui n’ont pas de but précis, avec une guérison que peut prendre des années...

Chez les garçons est-ce le même principe ?

Ce n’est pas différent au niveau de la pathologie elle-même et au niveau de mental et des conséquences, c’est à peu près la même chose.  En revanche, niveau social c’est très différent. Les hommes anorexiques vous les voyez en train de se prendre en charge dans les salles de sport en séchant leur corps et en faisant de la musculation. L’expression est donc très différente et puis ils sont bien moins nombreux. Est-ce parce que leur attitude implique qu’on les repère moins je ne sais pas mais dans notre centre ils peuvent nous contacter sans révéler leur pathologie au sens littéral du terme, mais on les repère assez facilement repérables. Au départ, la minceur est plutôt valorisante pour la femme alors que l’homme anorexique est très vite jugé comme un homosexuel. L’absence de sécurité chez les femmes et chez les hommes n’est pas perçue de la même manière…

 

 

 

Pour finir quelle est la chose qui vous satisfait le plus dans votre métier ?

Les anorexiques n’ont pas encore totalement leur corps de femme et lorsqu’une métamorphose s’accomplit ; c’est un vrai plaisir. On le voit, on le ressent… J’ai un exemple pas très vieux. Lors d’une émission de télé sur le sujet à laquelle j’ai participé, une jeune fille s’est approchée de moi et m’a embrassé d’une façon particulièrement affectueuse. J’ai fini par me rendre compte que c’était une de mes patientes, je ne l’avais pas reconnue. On guérit de l’anorexie, et il faut surtout oublier les commentaires sur Internet qui ne donnent pas une belle vision de la maladie…

Agnès Figueras-Lenattier


 

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lundi, 25 septembre 2023

Xavier Pierre

***Xavier Pierre-Dédicace-2019.JPGXavier Pierre a d’abord été peintre. Ayant souffert d’un AVC intra-utérin , il est né avec un handicap et a longtemps été hospitalisé dans sa jeunesse. Pour occuper ses journées, il ne cessait de dessiner.  Après avoir fait les Arts Appliqués, il a exposé à Paris. Puis un jour, il est devenu poète suite à une rencontre avec une femme. Actuellement, il est passionné par cet art, et a créé deux salons de poésie l’un à Dinard, l’autre à Lanvollon. Egalement éditeur de poésie, mais ne gagnant pas suffisamment bien sa vie, il  a  longtemps été commercial. Il a créé des réseaux dans ce domaine, a vendu de la demi-coque de bateau et à un moment donné, s’est retrouvé délégué dans la visite médicale, pendant 17,18 ans. Selon ses dires, cette dernière activité lui a beaucoup plu..

 

Petit, vous passiez votre temps à dessiner.

Je suis né peintre. Petit, j’ai eu de très grosses difficultés de santé, un AVC intra utérin. Je suis donc né avec un handicap, impliquant  une scolarité très décalée et des années d’hospitalisation à l’âge notamment de la puberté pour retrouver du muscle.  A partir de là, je passais mon temps à dessiner. J’avais des piqures tous les jours et au départ j’étais piqué par les infirmières. Par la suite c’est ma mère qui a pris le relais après avoir appris à piquer avec des oranges.  Le jour où j’ai compris que mon handicap était plus dans la tête des autres que dans la mienne, j’ai commencé à éclore.  Un jour ma marraine qui était la femme du chef de cabinet de Maurice Herzog, a proposé à mon père de m’envoyer dans une école de dessin à Paris. Mon père a dit non, il voulait que je fasse L’lX. Mais je n’ai fait ni l’X ni le Y ni le Z, je n’étais pas fait pour ça. Je me suis donc dirigé vers les  Arts Appliqués et en sortant je faisais des expos à Paris. Un beau matin, ma fille à l’âge de 4,5 ans me montre un dessin qu’elle avait fait extrêmement surprenant. « C’est quoi » lui dis-je ? « Des oiseaux. » me répond t-elle. C’est vrai que lorsqu’on examinait le dessin on voyait bien les oiseaux.. Des oiseaux d’un enfant de 4 ans certes... C’est alors que l’idée m’est venue d’aller voir ma chef de bureau avec qui j’avais fait les Arts Appliqués et de lui montrer ce dessin qu’elle trouva intéressant tout en étant surprise.  "Est-ce que ça ne serait pas intéressant lui ais-je demandé d’aller capter les dessins d’enfants dans les écoles parisiennes? " Elle approuva ma proposition et on est allé en parler au patron. Après réflexion, l’idée fut refusée notamment pour des raisons financières. Cela ne se faisait pas à l’époque.  Mais on décida de créer un atelier de dessin pour enfants et j’en ai pris la responsabilité.

 

Vous êtes poète. Pourriez-vous commencer par expliquer ce que signifie cet art pour vous ?

La poésie, je l’avais en moi artistiquement parlant, et c’est devenu mon ADN. Je n’ai aucune prétention mais c’est vital. J’en ai besoin, sinon il me manque quelque chose. C’est devenu une façon de communiquer intimement avec l’autre et quand on parle poésie avec quelqu’un, on le ressent différemment. On ressent ce qu’il porte vraiment en lui, que ce soit une femme ou un homme.

 

Comment êtes-vous devenu poète ?

Un jour, j’étais chez moi à Dinan. La porte de la cuisine donnait sur l’entrée arrière de l’immeuble, et je sors ma poubelle. J’entends marcher dans l’escalier, quelqu’un descendait. Je regarde, apparaît alors une jeune femme lumineuse.  Je m’arrête, lui dis bonjour et lui demande comment elle va et si elle habite là. « Je vais probablement résider ici » m’explique t-elle. En voyant cette personne, il s’est passé quelque chose, ça a fait tilt. Et le soir même j’ai commencé à écrire de la poésie sur et pour elle. Dans la semaine qui a suivi, elle a emménagé dans l’appartement et tous les matins je me servais de ce que j’écrivais la nuit. Quand il faisait beau, je posais le texte sur son pare-brise et au printemps j’allais faucher une rose chez la voisine d’en face que je joignais avec le texte. Quand il pleuvait je mettais mes écrits dans sa boîte aux lettres.Voilà comment je suis devenu poète. J’essaye de l’être car c’est très difficile.

 

L'importance d'écrire tous les jours

 

Tout le monde n’est pas Prévert ou Châteaubriand. Je travaille donc beaucoup notamment parce que c’est une passion. J’écris tous les jours, et d’ailleurs tous les gens qui écrivent, pas les grands, mais ceux qui veulent écrire devraient écrire tous les jours. Un mot, une phrase, une ligne. Quand j’écris mes mails, systématiquement c’est de l’écriture. J’essaye d’avoir un style, quel qu’il soit ou un peu d’humour, ou de créer une réaction par rapport à ce que j’écris aujourd’hui. Et quand l’inspiration me vient, j’écris des poèmes.  Quand j’ai commencé à écrire, j’écrivais, j’écrivais mais tout n’était pas excellent. Un jour j’étais sec, et catastrophé et je me suis rendu compte que l’inspiration vient comme ça, s’en va, ce n’est pas programmé. C’est peut-être prétentieux ce que je vais dire mais je ne sais pas ce qu’est la plage blanche. Des carnets de notes j’en ai un peu partout et parfois quand je suis en panne d’inspiration je vais les chercher.

 

Pour vous quand vous lisez un poème pouvez-vous deviner si c’est un homme ou une femme ?

On me dit quelquefois que j’écris comme une femme. Quand je parle des femmes, mon âme de poète se met à leur place. On me dit que j’ai une poésie amoureuse dans ces moments là.  Je me définis comme un poète intimiste mais aussi comme un poète en colère et comme disait Léo Ferré " Ce n’est pas parce que l’on n’a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule."  Et quand j’ouvre ma gueule, j’ouvre ma gueule.

 

Une phrase qui pourrait résumer cette colère ?

 Lorsque j’étais à l’hôpital, il y avait des enfants de tous les pays d’Europe, de toutes les religions, de toutes les cultures. On avait tous un handicap et donc on était tous sur le même plan. Je discutais avec des copains et je leur disais "Vous me cassez les pieds avec votre racisme à la con." J’ai vécu avec des jaunes, des blancs, des verts" et à ce moment là il y avait derrière un chinois, un japonais. Je me suis retourné, ils ont vu ma tête, ils ont compris que je rigolais, ils ont éclaté de rire et on a passé un bon moment.  La phrase  qui me vient c'est « Le racisme n’existe pas ». Il est fabriqué par la méconnaissance de la culture de l’autre. Moi je suis catholique, lui est musulman, forcément sur le plan religieux on ne pense pas pareil. Mais avec des mots et des noms différents, on croit au même Dieu et on nous a appris à respecter notre Dieu. Ce n’est pas parce que la culture de quelqu’un est différente que c’est un imbécile, qu’il sent mauvais… Pour moi, le racisme n’existe pas, c’est une plaie, qui ne se cicatrise que quand on a compris cette réalité. Cela arrange aussi certaines personnes de ne pas comprendre. D’autres ne sont pas non plus capables de saisir ces nuances. …

 

 

Vous avez défendu une cause à travers vos écrits, la maltraitance envers les femmes et les enfants !

Je vais vous dire comment c’est venu. J’ai été élevé dans l’aristocratie, bien élevé et de ce fait j’ai évolué dans des milieux très différents.  J’ai rencontré ma première femme en allant acheter une paire de chaussures à Paris porte de la Vilette dans un magasin appartenant à des amis. Je rencontre un copain venu lui aussi acheter des chaussures. Arrive alors une belle jeune femme qui vient lui dire bonjour. Il me la présente et j’ai complètement flashé. Après le départ de cette femme,  je demande à cet ami s’il la connaît et s’il peut me la présenter un peu mieux. "Non, non parce que tu comprends ses frangins sont des durs et je n’ai pas envie d’avoir des problèmes m'explique t-il. Je dis "allez présente là moi, et je lui ai proposé s’il me la présentait de lui payer ses chaussures. Il a acquiescé et m’a donc mis en contact avec ma future femme. On s’est rencontré, on a parlé, on est allé au cinéma voir « Love story », et à la sortie du film je l’ai demandée en mariage. Elle a dit oui et on s’est marié 3 mois après. Or, quelque temps après, je rentre à la maison, on était chez mes parents, et je la vois en crise. Je ne comprenais pas du tout ce qui se passait. Ma belle-sœur arrive, et me dit "Ah la voilà de nouveau en crise." Je lui demande alors des explications et ce que j’ai pu faire de mal. Elle m’explique que je n’y suis pour rien, et me raconte ce qui se passe. Elle m’a alors avoué que ma femme avait été maltraitée.

 

12 ans d'analyse pour comprendre!....

 

Je me suis remarié deux fois et mes deux autres épouses ont eu le même problème. Une autre fois, je rencontre une femme qui écrivait très bien et je lui propose de la publier. Après une conversation au téléphone avec elle, je ressens quelque chose de profond et elle me  confie qu’elle n’a pas eu une vie toute rose, avec une enfance difficile. Je lui rétorque que je sais. Elle avait également été victime de maltraitance. De l’âge de 8 ans jusqu’ à 16 ans, jusqu’à ce qu’elle claque la porte.  Cela m’a valu 12 ans d’analyse pour comprendre et pendant 20 ans, j’ai soutenu « L’enfance majuscule » et j’ai milité en sa faveur. C’est une association qui s’occupe d’enfants ayant vécu des traumatismes et qui essaye de les redresser. J’ai écrit un livre « Remue-méninges au pays d’Alph Abeth » et dans ce livre on trouve deux textes sur le sujet . En fait, j’ai un tryptique dans ma tête, mais c’est tellement long et difficile à écrire. Ca viendra sûrement en son temps.  

 

 

Certaines personnes disent que l’intelligence artificielle peut faire de la poésie. Qu’en pensez-vous ?

Pour être très honnête ; ça me désole car la poésie incarne l’âme de l’être. Si l’iintelligence artificielle  vous dit " Voilà un poème" ; où  est l’âme du poète, l’ADN, la respiration.  Le souhait, le désir d’exprimer un sentiment plus que banal, c’est cela aussi la poésie par les mots, la musique des mots, par le plaisir et le jeu des mots.

 

 

En France la poésie n’est pas très prisée. Quels sont les pays où la poésie est davantage mise en valeur ?
Les pays arabes, c’est une poésie merveilleuse et bien mise en valeur. Le Maroc, l’Algérie, l’Iran. Des gens comme Tahar Ben Jelloun ou autres…

 

 

 

Parlez-nous du salon de la poésie à Dinard ?

C’est moi qui l’ait créé en 2019 en l’honneur de Renée Solange Dayres qui a reçu le prix Théophile Gautier. Cette récompense a déclenché le lauréatat de Solange à l’Académie française soutenue par François Cheng et Hélène Carrère d’Encausse. Elle devait être élue mais elle est décédée trop tôt.  Je la connaissais bien, j’ai travaillé avec elle, elle a beaucoup soutenu ma maison d’édition de poésie la maison "Couleurs et plumes ». J’ai décidé le jour où son mari lui a rendu hommage à Dinard de négocier avec la Mairie pour mettre une plaque commémorative dans son immeuble. Jean-Louis Vergne qui travaillait à la mairie et parrain du salon m’a dit  "C’est une très bonne idée, on va le faire tout de suite ». Si vous allez au 10 rue Levavasseur vous verrez la plaque qui commémore cette femme, là où elle habitait.  René Solange Dayre avait créé un club de poésie « Les Poésiades » et elle rencontrait des poètes dans différents lieux de Dinard après les avoir d’abord accueillis chez elle. Le 1er salon de la poésie a eu lieu au Manoir du Port Breton car la Mairie avait décidé que le salon se ferait pendant la fête du printemps de Dinard au mois de mai. Mais l’ancien maire est décédé. Des élections ont eu lieu et la nouvelle municipalité n’était pas trop intéressée par la poésie. Lors du 4ème salon, le 10 septembre 2023 ils ont révisé leur opinion. A présent, c’est le casino de Dinard qui nous soutient notamment Bruno Toutain le directeur du casino. Il nous a proposé à Alain Goffinider le mari de Solange et moi-même de nous céder le salon de la mer pour organiser le salon. Normalement le salon se tiendra toujours là jusqu’aux prochains travaux. On a passé des accords avec le casino, et on rentre par la digue et non par l’entrée principale, car une carte d’identité est demandée et pour les parents qui viennent avec leurs enfants, ce n’est pas possible.

 

 

 

Ce salon est organisé avec également l’association « Plumes d’Armor événementiel » dont vous êtes le président

J’ai créé cette association pour pouvoir mette en place des salons particulièrement dans les Côtes d’Armor et en Ille et Vilaine.  Se sont donc organisés le salon du livre de Lanvollon dans les côtes d’Armor en accord avec la mairie et le salon de Dinard. Avant de mourir, Solange a demandé à Roselyne Frogé, secrétaire de son association, de perdurer et de continuer à s’occuper du salon de poésie. Mais Roselyne a mis son grain de sel et a changé de titre au profit de « Grain de sable et poésie" car son idée était de faire des lectures de poésie sur la plage. Dans le salon de la poésie à Dinard, on trouve le florilège des poèmes édités tous les ans par ce club "Grain de sable et poésie" avec inscrit florilège n° tant et  sur le côté Les Poésiades.  Ce sont essentiellement des auteurs de ce club. Ne participent au salon de Dinard que ceux qui ont été édités ou ont édité, y compris  ceux qui éditent à compte d’auteur. Chaque année un invité d’honneur est présent et parfois viennent des invités exceptionnels ayant quelque chose de rare à présenter.  Cette année ce fut Antoine Lepret dont le premier recueil est  illustré par deux jeunes iraniens. L’un était graphiste et l’autre illustrateur. Comme ce sont des iraniens qui ont fui leur pays, j’ai estimé que ça valait le coup de les mettre en valeur… L’invité d’honneur était Mario Urbanet détenteur du prix Senghor en 2015 pour son recueil " Couleur noire", très connu dans le milieu parisien. Il dit des contes dans les écoles, et s’occupe de diriger les enfants vers la poésie. 

 

 

Il y avait aussi une exposition de peinture de la pastelliste Joëlle Bourielle ! C’est chaque année ainsi ?

Oui avec soit une expo de photos, de tableaux et même des dessins mais de haut niveau. Joëlle Bourielle mérite vraiment d’être connue et reconnue.  Pour les expos c’est moi qui décide au final, après en avoir parlé aux gens de l’association. Il paraît que je suis trop sévère et trop strict, mais  si j’expose je veux que la qualité soit de mise.. Des lectures de poèmes en intérieur et extérieur ont également lieu. Mais pour cette 4èmeédition, on ne savait pas que se dérouleraient en même temps  la fête du quartier Saint-Alexandre, un tri- athlon sur la plage et aussi le forum des associations. Sans compter la pluie qui a fait son apparition.  On aurait préféré qu’il y ait un ou deux charters de chinois et japonais…

 

 

 

Pourriez-vous parler de votre maison d’édition

Jusqu’au confinement j’éditais 10 livres par an. Depuis ça a dégringolé mais c’est en train de vouloir redémarrer. Avec l’inflation, le papier a augmenté de 60%. Avant je vendais les livres à 15, 16 euros et , je suis obligé de passer à 20 euros. Il faudrait même passer à 25, 30 euros mais à ce prix là, la poésie ne se vend plus. Tous mes recueils auto-édités ? Oui parce que charité bien ordonnée commence par soi-même. J’ai commencé de cette manière. Mon premier livre s’appelait « Couleurs de vie » et j’ai envoyé mon manuscrit un peu partout. Je n’ai trouvé aucun éditeur et un ami m’a conseillé de lancer ma propre maison d’édition. Il y avait possibilité de le faire lorsque Sarkozy a créé les auto-entrepreneurs et à cette époque aucun ISBN n’était obligatoire tant que l’on ne dépassait pas les 500 exemplaires. Je fais de l’édition participative et actuellement, il m’arrive d’offrir des livres pour que les gens qui veulent éditer aient entre les mains la qualité du livre, du papier, de la mise en page…. Quand j’accepte un livre, je ne l’édite pas à plus de 100 exemplaires.  Plus de 100 exemplaires c’est possible de les vendre mais avec une réédition. Le tarif ? Tout dépend du livre, de la couverture et du reste, mais le prix varie entre 900 et 1200 euros. Ensuite c’est à l’auteur de s’occuper de la promotion et de la vente. J’ai des auteurs qui en 3,4 mois ont vendu leurs 100 exemplaires. Une dame de 80 ans a vendu 300 exemplaires en l’espace de 6 mois. Elle était motivée et avait envie de se faire connaître.

 

 

 

Comment voyez-vous l’avenir de la poésie ?

Il existe une recrudescence de la poésie consécutivement à tout ce qui se passe dans le monde actuellement avec la modification des sociétés aussi bien en France qu’ailleurs. Les gens ne sont pas responsables de l’inflation, en ont marre de la violence, de la drogue. Le manque d’humanité de l’autre fait peur. Le monde ne va pas bien et dans ce cas là, la poésie va mieux.

 

Plus que la littérature ?

Non, mais les gens ont besoin de redécouvrir la poésie parce qu’elle leur fait du bien. Quand vous lisez un texte de Prévert, vous pensez à autre chose. Des images surviennent ainsi que la musique du monde. Prévert était poète, mais il était aussi musicien du mot et rêveur des mots….

 

Agnès Figueras-Lenattier

 

Poème de Xavier Pierre en rapport avec la maltraitance d'enfants :

Magiciens de l'infamie!...

Ne touchez pas à nos enfants trop sages !

Brocanteurs d'illusions, trafiquants d'innocence ;

 Faiseurs de mauvais tours de passes en passes,

  Que Dieu vous inflige la peine maximum.

 

 

Pastel de Joëlle Bourielle qui a exposé au salon de poésie 2024 à Dinard

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19:20 Publié dans Interviews | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 28 août 2023

Rodolphe Marics

livres,photos maritimes,bretagnelivres,photos maritimes,bretagneVers l’âge de 7 ans déjà passionné par le modélisme, , ce pilote photographe a commencé à construire de petites maquettes. Cela lui permettait de se plonger dans ses rêves et de s’imaginer qu’il pilotait des avions. Quelques années plus tard à 15 ans l’âge minimal pour débuter dans le vol libre, il a entrepris une semaine de stage de delta plane au Menez Hom, sur le sommet breton à côté de Douarnenez. Souhaitant par la suite devenir pilote, il n’a pu accéder à ce rêve, à cause d’une myopie à un œil. C’est alors, peut-être par revanche explique t-il qu’il a décidé de devenir photographe. Très passionné par ce métier, il en a même oublié le pilotage pendant un moment. Puis, en 2005, ce désir de jeunesse a resurgi et il s’est de nouveau investi dans la pratique du vol.  

Deux ouvrages récents de photos marines magnifiques sur la Bretagne sont aussi à mettre à son actif : . Le 1er d'ailleurs épuisé « Bretagne verticale »  paru en 2021 qui a obtenu le Prix du beau livre maritime à Concarneau.  Le deuxième en 2023 « Bretagne à ciel ouvert » avec un lancement au Festival des étonnants voyageurs. « Maintenant qu’il a goûté à la joie de publier des livres, il compte bien ne pas en rester là et a d’autres projets dans ce domaine…. « Le livre est pour moi un objet qui me convient, un support idéal et abordable pour diffuser. J’ai réalisé pas mal d’expos depuis une dizaine d’années mais pour rentabiliser, il faut des tarifs commercialement jouables. ». Journaliste à un moment donné de sa vie, le livre lui permet aussi le retour à l’écriture, et de jouer sur l’association avec la photo… «

 

Vous avez commencé vos premiers vols en delta plane. Pourquoi cet engin là ?

C’était assez accessible niveau budget, mes parents n’ayant pas forcément les ressources financières suffisantes pour que je puisse voler sur des aéroplanes ou autres. Et puis, à l’époque, cela faisait partie de cette tendance lilbériste, celle de la pratique du vol libre. Quelques années plus tard, j’ai repris le parapente en retournant au Menez Hom, mes premières amours. J’ai acquis une autonomie, et j’ai petit à petit commencé à photographier le bord de côte. Par la suite, je me suis rendu compte que cette activité était un peu limitée, et j’ai passé mon brevet de pilote paramoteur dans la catégorie ULM la plus légère, parapente et motorisée.  J’ai alors photographié toute la Bretagne et voyagé un peu partout dans le monde.  J’ai fait partie d’une association « Les chants photographiques » pas très loin de la Baie du Mont Saint-Michel  et  me suis occupé de la partie aérienne. Ce fut pour moi le début des expositions itinérantes. Et depuis 2012, j’organise régulièrement des expos dans ce domaine d’observation du littoral.  Je suis très attaché à ce qui se passe en Bretagne que j’occupe une partie de l’année.

 

Et en dehors de la Bretagne qu’avez-vous photographié ?

J’ai beaucoup voyagé au sud du Maroc à plusieurs reprises, au Bénin, en Afrique du Sud, en Inde (Rajasthan) et proposais des sujets à différents magazines, ce qui permettait de financer mes pérégrinations.  Une formation ? C’est en partie un travail d’autodidacte. A Paris, entre l’âge de 20 à 30 ans, j’ai vu le plus d’expositions possibles pour me familiariser avec la culture photographique et j’ai été aussi assistant photographe dans un studio de nature morte. On photographiait les produits de luxe, la joaillerie, les bijoux de la place Vendôme, les parfums. C’était intéressant d’un point de vue technique, mais ça ne correspondait pas tellement à mon souhait qui était plutôt de réaliser des reportages. J’ai poursuivi en intégrant l’agence Gamma, et en parallèle j’essayais de constituer un book qui allait me permettre de me présenter en tant que photographe indépendant. A Grenoble, j’ai revu des gens qui volaient, ai repris pied dans le milieu et de retour en Bretagne j’ai décidé de me consacrer davantage à la partie aérienne.

 

Vous souvenez-vous de vos premiers pas dans cette partie aérienne ?

Oui c’était vers Erquy, un beau site la plage de Saint-Pabu avec un matériel un peu encombrant. J’avais trouvé que les premiers clichés étaient intéressants et porteurs mais je ne savais pas exactement comment j’allais procéder par la suite. Je travaillais à ce moment là sur du négatif, et il fallait que je développe tout ce travail qui demandait plus de temps que maintenant.  C’était le tout début avec de gros appareils un peu lourds. Je prenais une dizaine de vues, me reposais,  repartais. C’était très artisanal, très expérimental, puis est arrivé le numérique dans les années 2000. J’ai donc appris petit à petit toutes les possibilités de cette nouvelle technique.

 

Le numérique offre davantage de possibilités ?

Oui surtout au niveau autonomie. On peut réaliser pas mal de prises de vues avec des possibilités de retouches derrière, intervenir sur des clichés pour mieux les équilibrer. C’est plus souple. Actuellement je ne fais pratiquement plus que du numérique, même si j’utilise encore un peu de noir et blanc classique. Ne serait-ce qu’avec un petit robot des années 40 qui possède encore ce côté artisanal englobant cette belle richesse de graines. J’aime bien encore de temps en temps avoir recours à ces techniques anciennes.

 

Vous avez eu un accident à la colonne vertébrale lors d’un vol en parapente !

Oui, je me suis laissé surprendre par l’environnement. J’ai chuté d’à peu près 7 mètres avec double fracture de la colonne et immobilisation pendant 4 mois. Cela m’a permis un temps de réflexion, j’ai analysé comment je pouvais poursuivre ; ce n’était pas évident. Je me suis vraiment concentré sur l’aspect photographique, cela représentait un prolongement. Voler c’est bien c’est un loisir, un jeu un petit dangereux en l’occurrence, et à partir de ce moment là, je me suis dit qu’il fallait donner un sens à tout cela. Une fois remis d’aplomb, j’ai recommencé à voler. Le 1er vol en parapente était un peu fébrile mais je n’ai pas eu d’appréhension, la passion du vol étant la plus forte.  Au bout d’un moment, j’ai encore trouvé mon rayon d’action un peu limité. J’ai  recommencé mon rêve de pilote avec des possibilités géographiques plus étendues. Je me suis dirigé vers le vol ULM et en 2019, j’ai pris mes premiers cours de pilotage à Dinard.  Ce fut assez rapide avec une partie théorique et une partie pratique. J’avais déjà le théorique pour le paramoteur.

 

L'achat d'un petit avion

 

Possédant de nouvelles ailes, j’ai acheté un petit avion. J’avais enfin mon engin qui me permettait de me balader en toute liberté. Depuis, j’ai revendu ce premier appareil pour utiliser un motoplaneur qui donne un rayon encore plus large. Il m’est possible maintenant d’envisager de traverser la France, d’aller à l’étranger. C’est l’avantage de pouvoir planer si on le souhaite, de voler très lentement, 90Kmh, tout étant relatif. Pour les prises de vues souvent je me déplace en cercle, ou je rejoins un lieu de prises de vue. Je vais mettre 45 mn pour aller sur la côté sud, ce qui élargit le rayon d’action. Le silence, puis la possibilité de voler ; d’observer. C’est la plate-forme iidéale pour la photographie.

 

Lors de la remise en forme après votre accident, vous avez eu recours au QI Qong, Tai-chi. Cela a du vous aider !

Oui à tout niveau. Je pratiquais les arts martiaux quand j’étais ado et cet accident m’a complètement abattu. J’ai eu la chance de rencontrer un enseignant de QI Qong à Rennes ce qui m’a donné la possibilité de travailler sur ma santé. De 2005 à 20009, j’ai pratiqué et j’ai commencé une formation pour enseigner. Cette expérience m’a permis de récupérer plus vite de cet accident. . Mouvements lents, concentration, visualisation ont fait partie de ma convalescence. Je pense d’ailleurs que c’est quelque chose qui va me suivre toute ma vie.

 

Et pour la photo cela vous aide t-il aussi?
Oui aussi et je fais également de la méditation. Cet exercice permet un recul intérieur, d’observer avec un regard neuf, de trouver certainement un peu plus de calme. Le vol me permet également de m’éloigner du monde, avec un oeil différent de la plupart des pilotes qui voit des choses magnifiques. Je dois habituer mon regard avec un angle peut-être plus précis avec une interprétation interne. Mes photos laissent apparaître une lumière qui va donner une émotion, un graphisme. Les paysages vont faire appel à l’imaginaire. En vol, il existe énormément de tâches à réaliser : le pilotage mais dans ce domaine je suis entraîné ; c’est un peu comme faire des gammes au piano, la radio à gérer, l’aspect photographique. L’ensemble fait que la succession de ces actions se déroule très rapidement ce qui évite de trop réfléchir. Tout ce que j’ai réalisé, ce sont des prises de vues assez spontanées. Après, je fais le tri, avec une association photographique à l’ordinateur.


« La musique me porte » dites-vous !...

J’écoute de la musique en volant avec un casque pour  entendre à la fois la radio et écouter en même de la musique en bruit de fond. J’aime bien voler en musique, parfois je me sens comme dans une danse, ça s’accorde bien avec la photo. Une atmosphère riche qui fait swinguer mon cerveau parmi tous ces éléments. Il faut être vigilent en vol et au fur et à mesure que l’on pratique, on va lâcher une part d’attention, sans jamais lâcher totalement, et se concentrer sur une action qui peut être tout simplement le pilotage ou seulement la radio. C’est captivant, toute cette ambiance globale qui s’associe au vol.

 

La différence entre la prise de vue d’ensemble et le détail ?

J’évolue dans un espace qui me donne la possibilité de me déplacer dans toutes ses dimensions, d’avoir une vision large sur le paysage et en même temps de descendre à basse altitude, et d’utiliser un objectif servant à cadrer les détails dans ce paysage. Je peux jouer avec les nuages, prendre des vues de Saint-Malo. De cette manière, on voit la cité au milieu d’un petit creux de bleu. Le Mont St Michel apparaît au milieu d’un ensemble de stratus ; et des éléments humains peuvent aussi ressortir.  Des vues sur les cours d’eau, des formations d’algues.  Par exemple,en photographiant une maison, je me suis aperçu qu’une personne se trouvait à l’intérieur, je ne m’en étais pas rendu compte en faisant la photo. On peut ainsi avoir des détails assez précis. Tout dépend du sujet, j’adapte. Je descends rarement en dessous des 150m, avec une altitude moyenne de 300m, et plusieurs objectifs. D’abord une vue assez globale et en même temps du détail avec un petit télé objectif.

 

L’harmonie des couleurs doit être intéressante à peaufiner !

Oui, et tout est présent en fait, tout est dans l’harmonie. Il suffit d’ouvrir puis de capter selon certaines heures du jour. Les belles lumières le matin ou les lumières du couchant. Dans la journée la côte d’émeraude et ses magnifiques nuances. Des ombres peuvent surgir avec les nuages, tout cela forme un ensemble de teintes, un kaléidoscope qui sont par essence à la base harmonieux. Après par le biais du cadrage, le choix des lumières, on peut créer des séries dans les bleus, les verts. Avec la terre parfois un peu ocre, des sortes de plantes oranger, des verts du printemps. Les algues vertes notamment ont une couleur quasiment phosphorescente à l’état naturel, une couleur fluo en plein soleil avec cette teinte complémentaire de bleu à proximité ce qui donne une belle harmonie . Cela  peut être des nuances de gris. Selon l’heure on a des bleus gris, des bleus vert. Ce sont vraiment des palettes qui s’offrent à nos yeux. Il faut savoir dans ces propositions rechercher une harmonie ou un chant visuel.

 

Quel est le moment de la journée que vous préférez ?

 On a le droit à ½ heure avant le lever du soleil et à une ½ après mais l’hiver on peut avoir des éclairages de nuit qui commencent à se manifester. Un bleu de nuit avec de petites lumières jaunes sur les parties habitées. Ces extrêmes limites du jour sont intéressantes. .Se servir du soleil rasant pour mettre en évidence des ombres. Un relief de paysages, un peu comme une peau, la peau de la terre qui va apparaître avec des douceurs, les pensées de la roche, le sable lisse. Une lumière zénithale quand le soleil est au maximum à la verticale que l’on doit mettre en évidence. On a vraiment de pleines couleurs avec la réflexion des sables sous l’eau, et des contrastes intéressants. Le soir des lumières assez chaleureuses avec des nuages.  On voit comme un village dans une sorte de vapeur et selon l’ordre du jour, le traitement des paysages peut être très varié.  C’est ça l’intérêt, on découvre sans cesse. Sur ce lieu de côte d’émeraude que j’explore depuis 10 ans, j’ai toujours autant de plaisir à redécouvrir de petits détails mis en évidence par une lumière bien particulière.

 

Par rapport à vos débuts, en quoi avez-vous progressé ?
Auparavant, j’utilisais des parapentes avec soumission à certaines règles de l’air. Quand on pilote un avion, on doit se conformer à toute une circulation aérienne. Il existe tout un ensemble de paramètres plus techniques et plus précis dont l’entrée dans des CTR, des zones comme à Dinard. Tout un contrôle est mis en place englobant l’aspect radio, les échanges de paroles... Au fur et à mesure, on acquiert avec tous ces vols et ces pratiques des zones contrôlées, cette liberté de photographier dans des régions plus restreintes et de se poser un peu partout. Au cours de ces dix dernières années, il ya donc eu cette progression dans le pilotage avec un sentiment de liberté d’évoluer à ma guise. Cette possibilité de compresser le temps me semble extraordinaire. Ne pas à avoir à subir la route, le stress des embouteillages, un patron.. Les seules règles sont celles des variations de la météo qui vont ou non donner la possibilité de voler. Tempête, trop de vent, pluie. Il faut s’assurer qu’au départ et à l’arrivée, tout sera clair. C’est vraiment une observation qui s’affine avec le temps, avec un espace aérien dans sa globalité, une interprétation même si ça reste relativement approximatif.  Un fois qu’on a le brevet, on est pilote mais on n’a pas encore toute cette capacité d’évoluer, de faire de longues navigations. J’ai maintenant le sentiment d’être plus affûté.

 

" On me dit souvent que mes photos ressemblent à des peintures"

 

Pour l’aspect photographique, c’est un peu la même chose. Au départ, je n’étais pas photographe aérien mais plutôt de paysages au sol. J’ai commencé par du reportage en noir et blanc, du reportage humaniste en rencontrant les gens, ce que je fais encore de temps en temps. Cette pratique aérienne de plus en plus élaborée, m’a ouvert tout un champ sur la photographie paysagère et une expression assez personnelle, plus la photo aérienne. On me dit souvent que mes photos ressemblent à des peintures et certains se posent des questions. Est-ce une aquarelle ? Cela trouble un peu la lecture, et j’en joue un peu.  Mon approche du paysage est plus fine ; l’écriture vient s’ajouter pour donner tout un ensemble : aventure, liberté, ouverture vers l’imaginaire, narration en quelque sorte de petites histoires, des anecdotes, plusieurs pistes pour les lecteurs avec une part de rêve.  Voler la nuit ?  il faut un équipement spécial adapté, c’est plus coûteux, et dans l’obscurité, on voit moins de choses. .Je n’ai pas encore approfondi la question, mais je pense que ça viendra.

 

Vous aviez des modèles avant de commencer ?
J’ai recherché tous les photographes qui ont travaillé sur l’aérien. C’est un genre qui date de l’époque de Nadar avec son ballon. Il avait déposé un brevet, un peu les prémices. Le plus connu est Yann Arthus Bertrand qui a été diffusé très largement, mais avant lui d’autres spécialistes notamment un qui m’a beaucoup inspiré Georges Steinmetz, un américain ayant travaillé pour le National Géographic, le reportage d’observation avec de très belles choses. Alex Maclean un autre américain qui a travaillé sur la construction et qui a largement contribué au développement de la photo aérienne m’a bien inspiré également.. Chez les photographes classiques, j’aime bien l’approche de Raymond Depardon, Eugène Smith, Robert Franck un suisse qui a sorti un livre novateur à l’époque » Les Américains », Cartier Bresson toujours indémodable.

 

Vous avez sorti deux livres « Bretagne vertical, et Bretagne à ciel ouvert ». Pouvez-vous en parler ?
Le premier m’a été proposé par La « Nouvelle Bleue », maison d’édition créée par deux personnes dont Xavier Dubois avec qui j’ai notamment travaillé sur le festival de Mor Braz, « escale photo » dans le Morbihan. C’est un projet que j’avais depuis plusieurs années, comprenant à peu près toutes les photos que j’avais réalisées en une dizaine d’années avec une sélection bien précise. Le second provient d’une rencontre locale avec l’éditeur Christian Fraud de La Cité des Livres ». En voyant le premier, il a été emballé et a émis le souhait de faire ce deuxième livre.  Pour la constitution du second, il m’a proposé de faire l’introduction et j’ai repris la plume de mes débuts de journaliste. A l’époque, j’écrivais régulièrement des textes sur mes photos quand je travaillais pour des magazines. Il s’agissait donc de reprendre un peu ce côté autobiographique, puis de le lier avec la façon d’appréhender les photos .

 

Le deuxième ouvrage et son aspect plus littéraire

 

 Dans ce deuxième ouvrage, j’ouvre un petit peu mon cœur avec cet aspect intimiste. Il constitue une large part d’imaginaire au travers du vol et des photos qui vont trouver une interprétation chez chacun des lecteurs de tous les âges. L’autre jour j’ai eu une petite fille de 7 ans qui s’est arrêtée d’un seul coup devant le stand à Saint-Briac et qui m’a posé de nombreuses questions. Mais ça peut aussi bien être des personnes très âgées, de tout lien social qui vont retrouver une petite part d’enfance, de rêve, d’imaginaire. Pour moi, c’est aussi un aspect de liberté, une occasion de voyager, une façon de raconter et d’observer l’espace littoral, de découvrir une nature sous un angle peu utilisé, de contempler la construction humaine et d’examiner comment tout est installé. La fille de l’éditeur Anne-Cécile Fraud qui travaille aux côtés de son père  été très séduite par l’aspect abstrait de certaines photos pouvant permettre d’éditer un livre de photographies d’art. Pour le genre de lecteurs de La cité des livres, au contraire, il fallait des lieux que l’on puisse reconnaître ; un savant mélange. J’ai proposé un lot avec pas mal de pistes qu’ils ont organisé à leurs façons, avec une belle suggestion de chapitres thématiques. Notamment des citations, choisies par l’éditeur et juste le titre des photos. Il a recherché des auteurs classiques aidé par des libraires qui ont un lien avec la Bretagne ou qui sont bretons eux-mêmes. Une autre approche que le précédent avec un aspect plus littéraire.  

 

Comptez-vous réaliser un livre sur vos photos concernant les pays étrangers ?

C’est mon prochain projet et j’en ai d’autres ensuite. J’ai toujours de petits carnets de notes où je peux puiser des éléments que j’ai pu relever, des souvenirs associés aux clichés. En dehors de la Bretagne, je travaille beaucoup en ce moment sur la côte Atlantique, les îles notamment avec le grand boom de l’été, je suis parti sur l’île de Groix. Je n’ai pas pu m’y poser, je me suis posé à Quimper, j’ai pris le bateau pour m’y rendre., je suis ensuite allé sur l’île Dieu et l’année dernière je suis allé à Ouessant.

 

Voici pour finir deux citations d’u grand photographe Elliott Erwitt dont les photos sont exposées en ce moment au Musée Maillol. Que vous inspirent-elles ?

Première citation : « Mes plus belles photos sont celles que je n’ai pas prises »

Je connaissais cette citation. Effectivement, il m’arrivait parfois de ne pas avoir mon appareil même si c’est assez rare. Parfois aussi, j’utilisais des films donc avant le numérique et cela m’arrivait d’avoir un problème de chargement, ou d’être à la fin de la pellicule. Il existe donc des photos que j’aurais aimé réaliser et que je n’ai pas pu faire. Il peut rester juste des représentations mentales et des observations très fugaces et cette inspiration m’inspire grandement . Cela me fait d’ailleurs penser aux moments rares aussi où l’on sort son appareil et le sujet est passé.  Est-ce vraiment une frustration ? Non, cela reste une image mentale que l’on ne peut transmettre par la photo…

 

Deuxième citation « Je pense que la chose la plus importante que l’on puisse faire, c’est de susciter l’émotion, de faire rire ou pleurer ou les deux."

C’est tout à fait vrai. Personnellement, je trouve plus difficile de faire rire que de faire pleurer. J’aime partager, représenter la beauté du monde et la transmettre; Mes photos sont faites pour  émouvoir ou faire appel à l’imaginaire quelle que soit la personne. Aussi bien adultes, enfants, pauvres ou riches. Mon but est de procurer un petit peu de bonheur à chacun, et de faire rêver…

 

Agnès Figueras-Lenattier

 

samedi, 13 mai 2023

Ghali Hadefi

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Eclectique, doué dans plusieurs domaines Ghali Hadefi est guitariste, contrebassiste et compose différents styles de musique ( jazz manouche, rap, rock… ). Il possède aussi un salon de tatouage, a décoré plusieurs restaurants.  Sportif, il a joué au basket à un très bon niveau entre 15 et 20 ans, et a une passion dans laquelle il s’est beaucoup investi ensuite : la pétanque. Même si actuellement, il pratique un peu moins intensément cette activité, il en parle toujours avec enthousiasme.

 

Comment avez-vous débuté dans la musique ?

Mon père n’a jamais été un grand musicien mais il sait faire un peu de piano et de guitare et il a eu une carrière de chanteur. De ce fait,  une guitare traînait toujours à la maison, et petit, j’ai posé les doigts dessus tout en suivant un cursus classique. Je me suis vite affranchi de cette formation, ayant beaucoup recours au rap, adolescent. Puis, je suis revenu à la guitare par le biais de la musique de Django Reinhardt quand j’avais environ 20 ans.  La musique a toujours fait partie de mon univers, mais avec l’éclectisme qui me caractérise, j’aime varier. Un jour, je fais du rap, le lendemain du jazz ou du rock. Faire toujours la même chose m’est impossible, et j’ai sorti à peu près une trentaine d’albums.

 

Vous jouez aussi de la contrebasse. A quel moment avez-vous commencé à vous en servir ? ?

J’allais souvent le lundi aux Jam Cessions du Palais Bar et de nombreux guitaristes s’y trouvaient. J’avais un copain qui possédait deux contrebasses et je lui ai demandé s’il pouvait m’en prêter une afin d’utiliser un autre instrument que la guitare. C’est ainsi que j’ai commencé et trois mois après encore tout débutant dans la contrebasse, je jouais au Duc des Lombards avec David Reinhardt et David Ossa.

 

Vous dites être très éclectique. En fonction de quels critères choisissez-vous de vous adonner à telle ou telle musique ?

Tout dépend des circonstances de la vie. Je ne sais toujours pas si c’est une qualité ou un défaut mais quand j’écoute une musique qui me plaît à la radio ou sur internet, j’ai envie de jouer dans le même esprit. Je dessine beaucoup, je fais des tatouages également et lors de ces deux activités,  il m’arrive souvent d’avoir envie de m‘inspirer d’un morceau en particulier que je viens d’entendre et la plupart du temps je le fais. Pour 2024, j’ai un projet de chanson très acoustique, un peu influence Mathieu Bogart et j’ai aussi un projet rap. J’ai fait le buzz il y a quelque temps avec un clip intitulé « TIre la boule » autour de la pétanque et quelques personnes m’attendent au tournant dans l’univers du rap.  Ce sont mes premières amours et j’ai envie de m’y consacrer. Mon fils a 16 ans, et je me rappelle les années où j’ai vraiment découvert la musique avec ce style là, en me passionnant pour un artiste, et ses disques. .  De manière générale, je n’ai pas beaucoup de règles quant à mes créations, tout dépend si l’on parle de rock, de jazz manouche ou autre. J’accompagne  aussi beaucoup de chanteuses. Je parlais de Mathieu Bogart, mais je pourrais aussi citer Dick Annegarn, Alain Souchon, avec une petite touche de Philippe Catherine. C’est un peu le genre de musique que j’apprécie et je mixte tout cet ensemble  à ma sauce. J’ai la cinquantaine qui approche et l’un de mes projets, c’est de sortir un CD en tant qu’auteur, compositeur, instrumentiste et interprète . Je me vois bien jouer différentes guitares, contrebasse,  faire un peu de clavier et créer un disque à moi. J’en ai fait beaucoup pour les autres, et ce serait mon petit cadeau personnel de faire un album de ce genre pour mes 50 ans.

 

Vous jouez sous différentes formes, seul, en duo, trio etc... Que préférez-vous ?

Ayant expérimenté toutes les formules, je peux dire que jouer seul c’est plus ponctuel. Avec une guitare, on peut jouer seul ou dans une formule classique ou flamenco ou kicking. Ce sont des styles de guitare qui s’y prêtent mais généralement le jazz manouche implique la présence de deux guitares. Le batteur, le poumon du groupe doit accompagner et ensuite se trouve le soliste devant. Sur une vraie base traditionnelle de jazz manouche c’est quand même à partir du duo que tout se met en place et par la suite  vous choisissez la contrebasse, l’ accordéon, le violon suivant soit les budgets de concerts, soit vos propres envies, ou vos projets. Cela peut engendrer parfois  un trop grand nombre de musiciens mais en général,  les formules les plus répandues comportent 3, à 4 musiciens. .  Pour ma part, j’aime le duo car c’est une formule facile à vendre et puis musicalement, je trouve qu’il se passe plein de choses lors d’ un dialogue.  A partir du moment où l’on est trois ou quatre dans un orchestre, il existe toujours un moment où l’on peut se cacher harmoniquement, rythmiquement si l'on n’est pas sûr, si l'on ne connaît pas trop le morceau. Alors que lors d’un duo on ne peut pas tricher et aucune erreur ni hésitation n’est possible. On se livre en entier. Quand on joue seul on est assez libre au niveau du tempo, de l’harmonie et si l’on flotte un peu, ce n’est pas très grave. Mais le duo demande une vraie rigueur. Le tempo doit être stable et les musiciens très solides si l’on veut que le dialogue s’installe vraiment. C’est une formule que j’affectionne tout particulièrement.

 

Comment s’effectue votre travail entre la guitare et la contrebasse  ?
 Il faut savoir rester à sa place en fonction de l’instrument que l’on joue et du poste que l’on occupe. Par exemple pour la guitare rythmique en jazz manouche, c’est une place où il faut être assez humble pour tenir le tempo, tenir la grille d’abord. Et être fiable  dans ce sens là afin de dérouler le tapis aux solistes qui eux vont jouer devant pour davantage briller. Et justement, les jours où je suis en soliste, je prends cette place. Ce n’est pas pour parler d’égo mais devant, c’est davantage le soliste que l’on écoute. Un peu comme quand vous écoutez une chanteuse et que vous ne vous préoccupez pas trop de qui joue derrière. C’est un peu pareil pour la contrebasse.  Quand on accompagne dans un style très jazz manouche, la contrebasse est le poumon du groupe. Il existe toujours cet aspect rigueur et solidité qu’on demande à un bassiste, tout en sachant que l’on n’est pas là pour briller mais pour mettre en valeur les solistes. Or il arrive parfois que de jeunes contrebassistes oublient ce rôle un peu fondamental. Quand vous écoutez Django Reinhardt vous vous penchez  très rarement sur la contrebasse, or elle est bien présente.  S’il elle n’est pas là, il n’y a plus de swing derrière Django. Et quand vous écoutez Django vous écoutez Django. Tout dépend des postes que l’on occupe et dans quel esprit.

 

Avant un concert avez-vous un rituel ?

Je bois 7,8 bières. Non, je plaisante

 


Mais cela pourrait être vrai !

Oui, dans les blagues il règne toujours un petit fond de vérité et le milieu du jazz manouche est un univers où l’on picole pas mal. Django est mort à 53 ans, on sait à peu près de quoi. Les grands cadors, un peu les héritiers ont un penchant pour la bouteille. C’est un peu ce qui symbolise le milieu et jouer est synonyme de fête. Dans un mariage vous allez être accueilli avec du champagne, dans un restaurant vous buvez du vin avec une petite bière à la pause. C’est une musique qui se vend facilement car elle se déroule toujours dans un contexte assez festif. Les semaines ou vous jouez chaque soir signifient sept occasions de boire un coup et  malheureusement  pas mal de musiciens tombent dans le piège. C’est un cercle un peu vicieux et jouer sobre semble un peu bizarre.  J’ai un ami qui  a accompagné pendant pas mal de temps  Tchavolo Schmitt un grand monsieur de la guitare jazz manouche. Il paraît qu’il a  beaucoup  recours à l’alcool et que s’il n’a pas bu 10 bières avant un concert,  il ne peut pas jouer. Mais s’il en boit 20, il ne pourra plus jouer…

 

Vous donnez des cours aussi ?
J’ai eu ma période, mais je le fais actuellement de manière occasionnelle. Déjà je n’en ai pas besoin pour vivre et même si j’ai un côté assez pédagogue, je ne cours pas après les élèves. Mais on m’appelle souvent de manière ponctuelle et c’est avec plaisir que je le fais. Aussi bien guitare que contre basse. Je fais une petite parenthèse sur la Selmer 607 school  une école de jazz manouche en ligne comprenant  un niveau assez élevé  que j’ai montée avec mon ami Clément Reboul. Pas  mal d’adhérents en font partie mais pas spécialement des débutants. Pour moi la musique est un langage et j’aime bien décanter certains aspects. . C’est ce mécanisme là que j’essaye de faire comprendre aux élèves. Et non pas juste montrer la position d’accord ce qui se fait dans dans la plupart des cours. C’est cela le jazz, avoir assez de connaissances en orthographe, grammaire et autres pour rencontrer quelqu’un et constituer un duo. Une fois acquis ce travail de fond, chacun apporte ensuite sa forme, sa couleur…

Passons maintenant à une autre de vos passions la pétanque ? Comment en êtes-vous venu à cette activité ?

Je suis obligé de parler de mon grand-père. J’ai des souvenirs de vacances où l’on jouait aux boules en bas de chez lui. On rencontrait les petits vieux du quartier et  je me suis retrouvé à jouer mais vraiment en dilettante. A vrai dire, je ne sais plus vraiment comment est revenue la flamme. J’’ai toujours fait des parties en vacances, lors de réunions de famille ou autres événements et j’ai été mordu sur le tard. Comme je ne fais pas les choses à moitié, un peu comme pour les tatouages, je m’y suis mis à fond. J’ai fait des rencontres, et plein de petites occasions ont fait boule de neige. J’ai maintenant ma petite notoriété dans le milieu alors qu’au départ je ne cherchais absolument pas cette reconnaissance. Entre 2010 et 2017, j’ai vraiment beaucoup joué avec une passion dévorante. Maintenant, j’en ai fait un peu le tour, j’adore toujours mais je regarde les résultats avec un peu moins d’intensité.

 

 

Quelle est la stratégie ?

Déjà c’est de gagner la partie. Pas de coups bas, de toute façon seuls deux gestes tirer ou pointer font partie du jeu, et suivant les niveaux de chacun c’est cela  qui est intéressant à haut niveau ; Quand on observe les cadors, ils ont tous un bon niveau que ce soit au point ou au tir. On apprend vraiment car ils se craignent.entre eux.  Un joueur lambda qui pointe à côté du cochonnet, va être content. Mais chez les élites si vous vous satisfaisez de cette situation, vous avez de grandes chances de vous faire prendre à carreau : le joueur en face va tirer et sa boule va être aussi proche du cochonnet qu’était la vôtre. C’est cette stratégie là qui change entre un joueur lambda et un joueur de haut niveau.  D’une manière générale ayant un passé de sportif, je me suis toujours inspiré des grands, je ne regardais pas le niveau de ceux avec qui je jouais. Pareil quand j’ai commencé la musique, j’ai écouté  les grands guitaristes pour m’inspirer de ce qui constitue la crème de la crème. J’ai fait du basket à un très bon niveau entre 15 et 20 ans, j’étais fan de NBA , le niveau français n’était pas terrible, et j’avais carrément occulté. Je ne regardais que Michael Jordan, Magic Thomson. Et comme j’ai une capacité à apprendre rapidement, je progresse assez vite et je passe un cap plus vite que les joueurs du dimanche qui vont juste lancer les boules, et de la ferraille pour « passer le temps ».

 

Voyez-vous un rapprochement entre la pétanque et la musique ?

Il existe un dénominateur commun qui s’appelle manouche. Quasiment tous les manouches jouent à la pétanque. Adrien Moignard un guitariste est l'un des musiciens avec lequel j’ai le plus partagé de moments de pétanque. Il a en plus cette passion manouche la pêche. Pour les Manouche, il faut toujours avoir la triplette dans le coffre avec une gôle (canne à pêche) . On ne sait pas où l’on se gare, et comment va se dérouler la soirée. On boit un coup, on joue de la guitare à un moment donné,  et si cela débouche sur une partie de pétanque, on a les boules dans le coffre, et si au contraire cela  part sur une partie de pêche, on a la gôle et l’on va pêcher.  Je n’ai que deux passions sur trois la musique et la pétanque. Jouer à la pétanque avec tous ces musiciens dans le jazz manouche avant ou après un concert a été très fédérateur pour moi et des liens amicaux se sont tissés qui après se sont ressentis même sur scène.

 

De quelle manière ?
Il règne une complicité et il existe un jargon de la pétanque que l’on applique à la musique. Cela nous fait rigoler, et ce sont comme des blagues privées car c’est un jargon qui appliqué à la musique est amusant.  Je me souviens avoir dit bravo à Noé Reihnardt  une fois fini son solo ou une autre fois  lui avoir  glissé « Allez mon poto « fais plaisir ».  Quand on est sur scène, le public ne comprend pas vraiment ce que l’on dit mais lors d’une blague, les visages s’illuminent. Ils assistent à l’éclosion d’une complicité assez communicative.

 

Pour vous qu’est-ce qu’un tournoi de pétanque bien réussi ?

Ii ne faut jamais perdre de vue que c’est un sport loisir et il est important de s’amuser. Actuellement,  j’ai un peu arrêté la compétition car parfois vous jouez avec quelqu’un de bon niveau mais avec qui humainement, le courant ne se passe pas très bien. Et au final, vous ne passez pas une journée très sympa même si vous faites un bon résultat. Je préfère maintenant privilégier la convivialité avec un bon niveau. Et puis j’ai atteint un niveau qui implique que jouer avec des débutants ou des gens qui ne connaissent pas trop les codes de la pétanque ; ça m’ennuie vraiment. Il existe des codes qui quand on les connaît sont logiques, mais un débutant ne va pas les comprendre. C’est un peu agaçant quand vous jouez avec de vrais novices même si j’ai aussi cette propension à les former. Les belles parties que je fais maintenant c’est quand je vais à Samois sur Seine le lieu légende de la pétanque. C’est là où Django a vécu à la fin de sa vie et c’est là où se déroule l’un des plus beaux festivals manouche…


Vous deviez sûrement avoir à peu près  les mêmes partenaires en musique et en pétanque ?
Oui à la Belle époque, la plupart de mes partenaires de pétanque étaient des amis musiciens avec lesquels on avait le groupe Selmer 607. On a réalisé ensemble trois albums dont le 1er en 2008, 2009 encensé par la critique et qui fut un vrai succès d’estime chez les afficionados du jazz manouche. J’avais rassemblé les meilleurs solistes parisiens, l’élite du jazz manouche. 5 solistes pour jouer sur un instrument mythique. Cela ne s’était jamais fait et ne s’est toujours pas reproduit. Je n’avais pas trop mesuré ce que ça allait donner. Le deuxième album est arrivé assez rapidement, et c’est ainsi que l’on s’est retrouvés à faire beaucoup de concerts dans le monde entier en passant par plein de dates en France. Et partout où l’on allait on avait la guitare sur le dos et la sacocche de boules dans les mains. Avant et après le concert, on jouait  et les organisateurs devaient se demander qui était cette bande de fous avec leur pétanque.

 

Contrairement à beaucoup de sports, il existe des compétitions mixtes !
Oui, j’ai beaucoup de copines qui jouent aux boules. Sinon, en dehors de la relation pétanque musique, j’ai joué dans des clubs plus sérieux, et j’étais partenaire avec des femmes. J’ai joué à la Poterne des Peupliers, j’ai aussi été licencié dans un petit club dans le 15ème, au Jardin du Luxembourg avec des gens venant du sénat. J’adore la mixité sociale.  Il existe des femmes très aguerries sur les gestes techniques qui peuvent être associées aux hommes, et une fois que la technique est maîtrisée ; ça fonctionne bien . Evidemment quand vous devez lancer une boule de 700 grammes  et qu’il faut la tirer à 15 mètres à cause d’un déplacement du cochonnet,  c’est plus facile pour un homme qui aura davantage d’envergure et de force. C’est sur la longueur de jeu la seule différence quiu  peut se ressentir.

 

Il y a trois formules, le tête à tête, la doublette et la triplette. Que préférez-vous ?
Comme je suis adroit naturellement, j’ai vite occupé le poste de tireur donc celui qui dégomme la boule adverse. Tirer demande plus d’adresse mais finalement avec un peu d’expérience on réalise que ce n’est pas ce geste  qui fait gagner les parties mais le point. Le meilleur pointeur va de toute façon au bout d’un moment essouffler le meilleur tireur. J’ai commencé à me mettre au point mais par la suite quand on joue en tête à tête on est amené à faire les deux. Après avoir pointé, il faut tirer pour défendre son propre point. Il faut maîtriser ces deux gestes fondamentaux et quand on a passé un certain cap technique, on peut jouer à n’importe quel poste que ce soit en doublette ou en triplette. Cette dernière combinaison est la plus belle des pétanques  avec un pointeur attitré, un tireur attitré et un milieu qui sait faire les deux. Selon la physionomie de la mele, il faudra tirer ou pointer et c’est là où il ne faut pas se tromper.

 

Il y a des différences dans les boules (diamètre, dureté)!

Pour mon clip « Tire la boule » j’ai été sponsorisé par « Au But » le fournisseur principal des boules de pétanque. Je joue avec du 73 » de diamètre et 690 grammes pour le poids. J’ai de grandes mains et sur le papier je devrais jouer avec du 75,76. On joue vraiment sur des millimètres et ça ne change pas foncièrement le jeu.  Plus la boule est tendre, plus ce sera facile à pointer. S’il y a des cailloux, elle va rouler sur des terrains un peu glissants, alors que pour le tir cela va plutôt favoriser les carreaux. Des choses qui me  gênent ? Le vent, certains terrains ? Non et c’est la raison pour laquelle  on aime la pétanque un peu extrême. Le joueur lambda va vouloir jouer sur un terrain tout plat alors que passé un certain cap, on aime bien quand il y a une pente, quand ça descend, qu’il y a des trous, de gros cailloux. On lance vraiment la boule là où on l'a décidé pour éviter tous les obstacles. Je me souviens d’une partie avec Rocky Gresset le guitariste manouche de Thomas Dutronc. On était à Dinard en thalasso. On a fait un tête à tête le soir et je l’ai ’emmené dans un terrain incroyable et je l’ai battu. Il m’a rétorqué   « Tu es fort car tu as quand même battu un gitan sur un terrain de gitan. « … Ils sont ainsi Les Manouche, ils jouent vraiment à la pétanque pour chercher la difficulté et élever le niveau de jeu…

 

 

Bon ou mauvais joueur ?
J’ai toujours été impliqué et si je joue bien et que je perds pas de problèmes. Je peux m’énerver contre moi les jours où je joue mal. La pétanque a au moins cet avantage que tout le monde peut battre tout le monde.  Si je suis très affûté, très entraîné je peux jouer et battre un champion du monde si lui sort d’une grippe et qu’il a pris une cuite la veille.   Si lui est diminué et moi au top c’est possible. Dans les grands concours, de grosses équipes se font d'ailleurs sortir dès les premiers tours par des amateurs. Ils sont passés à côté et les adversaires ont fait une partie de rêve. C’est ça que j’aime, jouer avec les vrais codes, utiliser la stratégie avec des connaisseurs. Sinon, on fait un peu n’importe quoi. Pour moi si quelqu’un tire à la pétanque, et qu’en face l’adversaire bouge, ce n’est pas bon.  C’est le genre de partie que maintenant j’évite. Il faut de la concentration, pas de bruit, et il ne faut pas brouiller son champ visuel; Evidemment un joueur du dimanche ne respecte pas ces conditions là. A un moment donné, je notais combien de boules je tapais, selon les distances. Je faisais un peu mes statistiques et c’est vraiment un sport loisir qui change tous les jours. Ce côté-là  aussi est intéressant. Un jour vous allez taper 9 boules sur 10 et le lendemain péniblement 2 ou 3. Il existe ce petit fonctionnement en dent de scie qui fait que le plus dur c’est d’être régulier et c’est ça qui constitue la différence de niveau entre les joueurs. On dit souvent mieux vaut taper 3 boules sur 4 plutôt que de faire 1 ou 2 carreaux de temps en temps.

 

A quoi est-ce du ?

C’est le mystère de la pétanque. Parfois, en ayant bu un coup la veille, vous jouez mieux ou alors au contraire si vous buvez c’est une catastrophe. La seule chose que j’ai vraiment observée c’est qu’il faut s’impliquer entièrement. Si vous avez un rendez-vous après ou que vous êtes stressé par quelque chose, vous n’êtes pas vraiment dans la partie. Il ne faut pas avoir d’obligation. Le plus beau suspense ? Quand le score est de 12/12 à la dernière mene, le premier à 13 ayant gagné. Il y a des parties où j’étais mené zéro à 12 , j’ai remonté et gagné… Tous les scénarios on les connaît, une fois aguerris. Un dicton provençal affirme que si l’on mène 7/0 on ne gagne jamais.  C’est très bizarre, l’adversaire va remonter, vous allez moins bien jouer et très souvent on perd la partie.

 

Quels sont vos bons souvenirs de parties à l’étranger ?

Je me souviens de parties en Martinique. Il y avait de très bons joueurs locaux et comme par hasard lors d’un concours j'ai revu des manouches qui se trouvaient là et l’on a fait de belles parties. J’ai joué en Equateur, je m’étais même fait arrêter à l’aéroport car ils avaient scanné le matériel, croyant que c’était des bombes. Avec les copains, on a joué aussi au Brésil.  Au Maghreb il y a toujours eu pas mal de pétanque, au Maroc ils ont une très bonne équipe, et les vrais nations qui rivalisent avec la France sont la Thaïlande et Madagascar. Tous les thaïlandais qui sont dans l’équipe de pétanque sont des militaires. C’est la reine revenu d’un voyage en France qui l’a rapporté dans son pays. Elle a adoré ce jeu et  l’a imposé  à l’armée. Quand on observe ces militaires, ils font tous quasiment les mêmes gestes et sont assez rigides. On ressent déjà une espèce de rigueur derrière. En tout cas, cela porte ses fruits car ils sont tous très adroits et utilisent bien la bonne stratégie. A Madagascar ils sont un peu plus fous fous . Ils misent beaucoup leurs tirs, sont très adroits mais par contre font de temps à autre quelques fautes de stratégie. Ils devraient pointer et comme ils ne le font pas, ils n'obtiennent pas encore de gros résultats.

 

 

Vous faites aussi des tatouages !

Oui, j’ai un salon de tatouage à Paris. Après le bac, je suis entré en architecture et je dis souvent que je me suis orienté dans cette voie car je dessinais bien. Mais en fait, c’est là que j’ai réalisé que je ne voulais pas dessiner des maisons. Avec le confinement et mes enfants qui ont grandi, je me suis davantage investi dans le dessin et je n’arrête pas. J’ai décoré trois restaurants à Paris et ai d’autres projets de ce côté-là. Jje mène un peu de front les trois carrières musique, peinture et tatouage. La cinquantaine arrivant, il va falloir que je fasse des choix. Peut-être un peu moins de concerts avec éventuellement la peinture ou le tatouage prenant le dessus. Ou autre chose…

 

Vous aimez vous lancer des défis !

Oui c’est pour ça que je m’appelle Galhi Hadefi….

Agnès Figueras-Lenattier

13:45 Publié dans Interviews | Lien permanent | Commentaires (0)

lundi, 10 avril 2023

Victoria Rummler

VickiRummlerparDavidAbecassis.jpg

Victoria Rummler est pianiste, guitariste de jazz, chanteuse, compositrice d’origine américaine. Elle a grandi avec les standards de jazz, des années 30,40 comme Gerschwin, Cole Porter… Mais tout ce qui est jazz plus poussé  ou jazz instrumental, elle l’a découvert essentiellement en arrivant en France il y a 20 ans. Elle aime réécouter des musiques qui lui rappellent son enfance comme  les années 7O,80 et en même temps découvrir ce qui se fait maintenant. LA musique classique fait également partie de ce qu’elle écoute.  «  Cela me fait  du bien d’entendre du Bach, ça me motive pour faire des choses que je n’ai pas envie de faire. Et puis tout ce qui est folk, rock, rapp si c’est bien fait  peut me plaire.  Il faut que je sente que c’est authentique, bien conçu, bien produit."

 

 

 

 

Vous jouez de la guitare et du piano. Par quel instrument avez-vous commencé ?

J’ai débuté par le piano à 6 ans en prenant des cours aux Etats-Unis. Et j’ai commencé à chanter assez tôt car mon père qui adorait chanter en harmonie, en polyphonie m’a montré comment chanter une 2ème voix  lorsque nous roulions en voiture.  J’ai chanté dans des chorales d’enfants et d’adolescents. On a fait des tournées au Mexique, en Amérique centrale avec l’église. Ensuite, à l'Université j'ai dirigé un groupe a capella. Ce style de chant sans instruments et avec des nuances m'a tout de suite emballée. Puis, j'ai pris des cours de chant, j’ai fait de la comédie musicale et j’ai continué tout en m’adonnant à la pratique du piano.

 

 

Quand avez-vous commencé la guitare ?
Seulement il y a une dizaine d’années pour pouvoir m’accompagner lorsqu’aucun piano n’était disponible sur place. Auparavant, j’ai fait beaucoup de piano classique en travaillant le chant. Je trouvais les notes du piano très sonores, ce qui m’aidait beaucoup pour trouver la justesse et la précision.  La guitare donne un autre son, une autre ambiance. C’est plus fluide, et cela se mélange un peu avec la voix. Il règne un côté plus amical.  Ces cinq dernières années, j’ai commencé à mélanger ce que je faisais instrumentalement avec ma voix. Après m’être fait accompagner par des gens plutôt spécialisés dans le piano jazz, j’ai utilisé la guitare jazz. C’est un univers qui exige des compétences particulières et où il faut prendre le temps d’approfondir. Je me suis centrée sur mes compositions, ma musique, et je m’accompagnais comme je le sentais intérieurement. Avec un peu moins de jazz et un mélange réunissant tous les sons de mon expérience personnelle.

 

Vous aviez des modèles comme Betty Carter, Shirley Home. Pourquoi ?

Shirley Home est une pianiste chanteuse qui a le don de faire passer un maximum d’émotions avec le minimum de notes. Je trouve qu’il existe une magnifique expressivité dans ce qu’elle fait. Betty Carter c’est un peu l’opposé car elle prend des risques, improvise énormément avec la voix . Elle a non seulement une présence assez fascinante, mais aussi une manière très particulière de diriger son groupe musicalement avec une puissance qui m’a marquée.

 

 

 

Lorsque vous vous faisiez accompagner, vous avez sorti trois albums !

Oui, et le premier est épuisé. Le deuxième « Am I am » s’assimile quelque peu à du jazz pop. C’est un ami guitariste qui a fait les arrangements et qui  a fait appel à des solistes assez connus dans le milieu du jazz. Les instruments sont le piano, une basse, une batterie et une guitare. Je ne joue pas d’instruments, et chante beaucoup. Quelques chansons sont de moi. Le troisième «Take two » est un hommage au cinéma. Quand on pense à des musiques de films, on pense souvent à l’orchestration , aux cordes et j’ai décidé de prendre le contre-pied de cette méthode avec des duos voix plus guitares. Sont présents des airs de cinéma très connus comme « La panthère rose », «  La chanson d’Hélène », «  Les choses de la vie », plus deux de mes chansons.

 

 

Le 4ème est totalement différent dans la manière dont il a été conçu !

Oui, c’est le fruit d’une résidence artistique dans la nature sauvage du Michigan où je suis née. On m’a proposée de passer 15 jours dans une cabane au milieu de la forêt sans eau courante, ni électricité, ni réseau. Me retrouvant face à moi-même avec ma guitare, j’ai du pendant ce laps de temps me faire inspirer par la nature pour écrire des chansons, faire de la randonnée et réfléchir à plein de choses. J’ai écrit une dizaine de chansons que j’ai étoffées pendant un an. J’ai enregistré la guitare seule, les voix, les chansons et suis rentrée en studio car j’avais écrit quelques arrangements pour le piano . L’ensemble me représente vraiment. Le titre « Leaps and bound »  veut dire en français avancer à pas de gant et c’est vraiment la vérité  car j’ai réellement  eu la sensation de me trouver moi-même artistiquement. Tout en jouant, j’avais cette sensation depuis des années de vouloir utiliser mes mains pour la musique. C’était vraiment un gros projet pour moi.

 

Cela n’a pas du être facile tous les jours !

Effectivement, et c’est la raison pour laquelle ce projet a été très important pour moi. J’avais fait du camping petite avec les scouts, mais ce n’est pas du tout la même chose. Vivre en ville pendant plus de 50 ans puis se retrouver dans un milieu sans personne pour m’aider si au cours d’une randonnée je me tordais la cheville, m’a poussée à être plus autonome, à trouver des solutions. A tenter des choses, à faire du feu tous les soirs. De petits défis quotidiens.  Quand je raconte cette histoire lors de mes spectacles et que je parle de la première nuit où j’étais complètement dans le noir absolu, j’entendais le public frissonner et avouer qu’il n’aurait jamais pu tenter une telle expérience.  Je marchais tous les jours plus ou moins longtemps selon le temps qu’il faisait et je chantais souvent lors des randonnées. J’utilisais aussi beaucoup ma voix dans la cabane et quand j’avais peur, chanter m’aidait. Quelquefois je chantonnais quelque chose qui m’inspirait, je l’enregistrais et je développais après. J’ai bien profité et une fois, j’ai même pris la voiture pour aller voir de magnifiques cascade…

 

Et puis vous aviez l’habitude de faire du sport !

Oui, depuis longtemps. Quand j’ai l’occasion, je fais de la randonnée mais en région parisienne je n’ai pas trop l’occasion. De manière générale, ma philosophie consiste à  prendre plutôt l’escalier que l’ascenseur et chez moi j’ai 4 étages à monter. Sinon, je cours deux fois par semaine, j’adore me dépenser de cette manière. , C’est toujours bien de faire tout ce qui est à base de cardio et d’être consciente du souffle, de l’air qui sort, qui rentre. J’aime bien la sensation d’être essoufflée, d’avoir cette liberté d’aller où je veux. Je cours toujours seule, j’apprécie vraiment ce moment avec moi-même et en plein air.  J’aime être dans la nature, regarder autour de moi, et sentir mes muscles bouger. Sinon, j’ai toujours fait aussi de l’aérobic, de la danse, du yoga, de la natation. C’est intéressant d’essayer différents sports car les effets ne sont pas les mêmes. J’ai fait un petit peu de boxe aussi. On travaille vraiment la confiance. C’est un sport qui défoule bien et qui développe les réflexes.. Mais c’est la même chose, je le fais toute seule avec une sorte de punching ball. Quant au yoga discipline beaucoup plus calme, et comportant des mouvements plus lents, j’aime aussi.  Je fais quelques postures  quand je me lève et  vais dans un centre une fois par semaine. Si je suis en vadrouille et que je ne peux y aller, j’en fais toute seule. Je suis surtout attirée par les sports individuels même si j’ai fait un peu de football et de rugby à l’Université pour découvrir. Tout ce qui est sport en groupe, gym n’a jamais été ma tasse de thé.  Je n’ai aucun but de compétition, si ce n’est avec moi-même. Je ne suis pas dans cette énergie là.

 

Faire du sport vous aide- t-il pour  votre métier ?
Oui, énormément. Si je ne fais pas de sport ne serait-ce qu’une semaine ; j’ai plus de mal à me concentrer. Et puis quand j’écris, j’essaye de trouver de belles paroles sans toujours y parvenir. Je pars courir et le déclic survient. Les paroles viennent, c’est très étonnant et c’est tout de suite plus facile d’arriver à un bon résultat  . Cela permet de prendre du recul et de focaliser les choses.

Trouvez-vous un point commun entre la concentration sportive et la concentration musicale ?

Oui, on est un peu dans l’idée d’aller au bout, de se pousser à aller plus loin. Prendre des risques dans les improvisations ; oui je pense que ça se rejoint. Avant un concert, courir fait vraiment du bien. Cela permet d’être centrée et puis aussi parce que dans certains projets, je bouge également. Pour les chorégraphies, c’est important être en forme physique.  Parfois je suis en talon et il faut un bon équilibre, ce en quoi le yoga est utile.

 

A ce propos comment aimez-vous vous habiller pour un concert ?

Ca dépend vraiment du projet. Pour les projets folk c’est plutôt jean avec une blouse sympa.  Pour Voice Messengers, où les chorégraphies sont présentes, c’est plus glamour avec un costume et des paillettes.  J’ai un bonnet rouge et des talons. Pour les soirées jazz, dans des endroits très classes, je mets plutôt une robe pour paraître encore plus élégante. Quand j’étais jeune je mettais rarement des couleurs, maintenant j’aime bien en mettre un peu.

 

 

Avez-vous des moments privilégiés pour créer ?

Il faut vraiment que je protège ces moments là. J’ai souvent de petits bouts de phrases qui me viennent, je les note et ensuite il me faut trouver le temps pour les développer. Je dois jongler avec tout ce que je fais. Je ne prends pas toujours le temps d’écrire, c’est vraiment par moment. C’est pour cela que cette résidence artistique était vraiment formidable. Quand je peux me concentrer uniquement sur ma création, cela change tout. J’essaye quand même tous les matins de me plonger un peu dans cette énergie créatrice. Je joue du piano, je travaille sur mes arrangements. Ces moments  avec le silence, le cerveau reposé en  profitant des idées qui jaillissent sont importants…

 

La nuit vous inspire t-elle ?
Le matin m’inspire plus que la nuit. Mais il peut arriver que la nuit me surprenne. Surtout après un concert où je vis de drôles de situations avec des étincelles qui  peuvent se produire. Dans mes chansons, j’essaye de créer une authenticité, de dire vraiment ce que je ressens. C’est un peu lyrique et pour le dernier album, c’était vraiment lié à la nature. Mes inspirations par rapport à l’eau, l’air , le feu et aux éléments de la nature.  Parfois c’est nostalgique, parfois certains passages sont drôles. Je fais des jeux de mots, j’aime beaucoup cet exercice. Dans mon univers musical,  il règne vraiment ce contraste entre ce qui est  réflexion parfois un peu triste sur mon passé et puis au contraire le côté «  Allez on s’amuse ».

 

 

 

Avez-vous des endroits favoris pour vos concerts ?
J’aime bien découvrir. Tout dépend des opportunités. Avec ce projet solo, j’ai fait des concerts en appartement, et c’est vrai qu’il existe a un côté passionnant. Les gens sont tout près et on peut vraiment recréer l’ambiance de la cabane.  Lorsque je raconte, les gens ont vraiment l’impression d’être avec moi . Il règne quelque chose d’intime. Comme ce que j’ai fait au théâtre de l’Essaiön. C’était très intense, car tout le monde avait l’impression d’être près de moi. J’aime bien ces ambiances plutôt que d’être en plein air où beaucoup de personnes circulent. Dans les festivals par exemple, c’est un peu plus dur d’établir cette connexion. Ce qui m'importe le plus lors d’un concert ? La relation avec le public ? Oui, je peux dire cela. Je ne fais pas de la musique pour moi, mais pour les gens qui écoutent. Ce qui ne veut pas dire que je fais des chansons uniquement pour plaire, mais je suis là pour être vraiment moi-même et essayer de transmettre mon expérience aux autres. On a tous vécu de bonnes et mauvaises choses…

 

 

 

Des publics que vous préférez à d’autres ?

J’aimerais avoir davantage d’expérience pour pouvoir le dire. Je travaille actuellement en vue  d'une tournée américaine pour parler de mon aventure dans la forêt et finalement, je n’ai pas tellement tournée aux Etats-Unis depuis que je suis basée en France. Le public français est assez merveilleux mais tout  dépend des lieux, des conditions. Si le son n’est pas bon, la réaction du public est moins réceptive. J’ai joué en Russie en 1999 et les gens étaient fous. Je ne savais pas que les Russes adoraient à ce point la culture française. Ils étaient debout à chaque fois à la fin du concert. A Taïwan, le public a adoré aussi. C’est très beau ce genre de surprise…J’ai joué en Chine où tout s’est très bien passé aussi. Il existe des publics peut-être un peu plus réservés comme en Hollande, en Autriche.

 

Des rituels avant un concert ?

J’aime prendre le temps de me préparer, faire un petit peu de yoga et bien échauffer ma voix . Cela varie en fonction des projets mais pour certains, je suis beaucoup dans les aïgus et  suis bien consciente des exigences physiques de certains répertoires . J’ai plein de vocalises dont je me sers.. Avant un concert, je ne mange pas beaucoup car une nourriture trop abondante peut bloquer les cordes. De petites astuces de chanteurs qui aident aussi. Pour protéger la voix c ’est bien de bien dormir, de ne pas trop parler fort ça car je trouve que ça fatigue la voix. Et puis bien s’échauffer, bien respirer pour bien soutenir les sons, ne pas avoir la gorge tendue. Bien manger, moins boire d’alcool, fait du bien à la voix.  Eviter de s’enrhumer car dès que l’on commence à avoir les bronches prises, le nez bouché, c’est compliqué pour faire résonner, pour respirer. Si on fume, cela a des effets sur la voix. Je pense par exemple à Sarah Vaughan qui fume beaucoup. Elle n’a plus cette voix légère qu’elle avait au début.

 

 

Vous êtes aussi chef de chœur ?
C’est quelque chose que je fais depuis longtemps. Déjà lors de ma dernière année à L’Université, je dirigeais un chœur et j’ai chanté dans plusieurs chœurs. J’ai deux chœurs chorale amateur de bon niveau en jazz, je fais des arrangements, j’enregistre des fichiers audio plus le travail à la maison. C’est agréable à faire. Les gens qui font partie d’une chorale ont une joie de vivre et sont souvent heureux d’être là. Ils s’engagent et sont là pour toutes les séance et travaillent chacun leur partie assidument.  Et puis l’harmonie, la polyphonie c’est vraiment une autre manière d‘être ensemble, on se fait plaisir à développer cette technique. Plein de gens après avouent après une séance que ça leur fait beaucoup de bien.

 

en quoi consiste votre travail en tant que professeur au Havre ?

Une fois j’ai fait un concert dans cette ville et il y a deux ans on m’a appelée pour créer une classe de jazz vocal et je la développe en y allant une fois par semaine.  J’ai des élèves qui font vraiment le cursus complet. Je donne des cours individuels ; et tout dépend si l’élève a besoin de travailler ce qui est technique, la prononciation notamment en anglais, la détente de la gorge, le placement ou le souffle, la respiration. J’ai aussi deux ateliers avec deux groupes, un groupe découverte de jazz vocal et un groupe plus avancé. Ce sont des groupes de 5 à 10 chanteurs. Je les fais chanter en polyphonie, je leur fais travailler le rythme, un petit peu de percussions corporelles, je leur fais prendre conscience du rythme, je développe le langage du jazz, le scat c’est-à-dire l’improvisation vocale en jazz, une manière d’imiter un instrument. Il n’y a pas de paroles, on improvise avec des syllabes qui rythment une mélodie. C’est tout un langage à développer. Les arrangements vocaux ? Cela prend beaucoup de temps et des amis chefs de choeur peuvent aussi en proposer. Il faut vraiment les adapter au niveau des élèves, car il en existe de plus ou moins difficiles. J’aime travailler avec des harmonies assez riches. On trouve un peu de gospel, des chansons françaises qui vont plutôt vers le jazz Nougaro.


Vous participez aux Grandes Gueules !

Oui cela fait plus de 15 ans maintenant. On appelle ce groupe l’électro a capella car on n’utilise pas d’instruments.  Par contre, tout ce qui est électronique est vraiment poussé. On enregistre un motif rythmique reproduit par l’ordinateur pendant tout le morceau, puis on imite beaucoup les instruments, les sons de guitare. On fait des percussions vocales, c’est vraiment très riche.  On a produit des spectacles originaux du leader du groupe Bruno Le Cossois mais on a également rendu  des hommages à Bobby Lapointe , Baudelaire. Actuellement on tourne avec un hommage à Henri Salavador, . On l’a présenté plusieurs fois au Festival d’Avignon, et peut-être cette année encore. On est 4 chanteurs sur ce spectacle.

 

Vous faites également partie des Voice Messengers ?

C’est vraiment passionnant et j’ai beaucoup de chance de faire partie de ces 2 groupes qui sont vraiment à l’opposé l’un de l’autre. Voice Messengers est un Big Band très prestigieux basé à Paris. Il y a 6 voix et l’on est accompagné par piano, basse, batterie. On est vraiment dans la tradition du jazz vocal à la française. Avec les Grandes Gueules on fait différentes choses mais pas en même temps. Au contraire avec Voice Messengers on est vraiment ensemble, on a cette masse sonore qui se cultive et c’est vraiment très précis. C’est presque comme de la musique classique parce que c’est un Big Band vocal. On attaque les phrases ensemble, on lâche les notes ensemble.  C’est passionnant à cultiver, avec un certain nombre de chorégraphies. un autre aspect à découvrir et à développer.

 

Un prochain album ?

J’en ai plein la tête et il faudrait que je vois comment m’y prendre. J’ai commencé à écrire en français, un gros défi pour moi même si je suis en France depuis longtemps. J’ai toujours trouvé cette langue intimidante. Elle est  plus difficile que l’anglais et je me demande si je vais y arriver.  J’ai aussi le projet d’un album accompagné par un Big Band avec une dizaine de musiciens. Et puis des amis enseignants me conseillent de faire un album pour les enfants. Ils me disent que ce 4ème album plaît beaucoup à la jeunesse. Dans quelques chansons j’ai un côté enfantin, et les enfants sont touchés par cette connexion avec la nature...

Agnès Figueras-Lenattier

 

 

 

 

 

 

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dimanche, 26 mars 2023

Sylvie Monpoint dermatologue

 

Sylvie MONPOINT portrait.jpgSylvie Monpoint est dermatologue, auteur et conférencière. Elle est également présidente d’une association humanitaire destinée à la scolarisation d’enfants pauvres au Cambodge. Dans ses deux livres «  La peau dévoilée » et «  La peau de sagesse », elle traite d’un sujet peu connu, la spiritualité de la peau…

 

 

Vous dites qu’actuellement en tant que dermatologue vous n’avez plus le temps de rentrer dans la psyché humaine !

Oui autrefois la démographie était plus favorable et les médecins étaient plus nombreux. Si on voulait faire de la médecine holistique, c’était plus facile même si cette approche plus globale de la médecine était moins en vogue que maintenant. Si vous voulez accueillir les patients dans un délai raisonnable, vous avez 10 mn, un quart d’heure devant vous pour réduire les problèmes de cancérologie, de psoriasis… Vous devez vous entourer d’autres personnes, comme des psychologues pour que le patient ne se retrouve dans une approche purement technique.  Cela dit, même si je m’intéresse au psychisme humain, ce domaine dans la dermatologie a été longuement étudié et l’on sait que la peau n’est que le reflet du dedans. Et que lorsque l’on est habité par une souffrance psychologique, ou une maladie intérieure comme les maladies de foie ou de rein, , des signes apparaissent sur la peau. Celle-ci  nous donne donc des éléments sur le plan organique et psychique.  Mais mes recherches sont  autres et reposent sur la dimension spirituelle de la peau.

 

 

Vous avez d’ailleurs écrit à ce propos deux livres le premier « La peau dévoilée » et le deuxième « La peau de sagesse ».

Oui j’ai voulu montrer comment l’homme a utilisé sa peau pour fournir d’autres dimensions, comme sa dimension spirituelle, sa quête de sens. Qu’est-ce que la vie, qu’est-ce la mort. Et je me suis penchée sur tous les moyens auxquels l’homme a eu recours dans ce but. Et il y en a plusieurs notamment la peau qui sert de messagère. Avec sa peau, l’individu va inscrire des messages à l’attention des Dieux qui vivent autour de lui. Comme les tatouages, les peintures corporelles, la circoncision … La deuxième fonction de la peau se traduit en utilisant la peau comme un autel de rites pour s’attirer la bienveillance des Dieux avec tous les rites de purification. Un troisième élément très intéressant repose sur la dimension symbolique de la peau. Dans les contes, les mythes, elle vient là comme un symbole d’interface d’un milieu extérieur et intérieur. Aussi va t-elle permettre la communication plus intime de l’individu avec ses questionnements essentiels.  Cette dimension symbolique va lui permettre de construire un chemin de sagesse par le biais de  sa peau qui est là comme une coque apparente qui l’isole du monde et qui va lui donner les moyens de se transformer et d’aller vers sa quête intérieure.

 

 

Par exemple dans les mythes, il existe un lien profond entre peau et naissance ou peau et renaissance !

Déjà à la naissance, dans la manière anatomique et organique, le toucher est le premier organe à se développer. Dès la 7ème semaine de vie, il est présent sans que l’embryon ne voit ni  n’entende. La peau est essentielle dans la construction de l’individu. En plus, elle est liée au cerveau et tous deux sont les deux seuls organes qui dérivent de l’ectoderme. Donc, ce qu’il y a de plus externe et de plus interne découle du même feuillet embryonnaire. Et cette place essentielle de la peau dans la construction de l’individu se retrouve également au niveau symbolique. Cette naissance et renaissance par le biais de la peau a été décrite dans beaucoup de traditions notamment en Egypte ou l’on avait coutume de mettre le mort dans une espèce de peau animale afin qu’il accède à une vie nouvelle.  Cela se pratique également dans les initiations tribales ou lorsqu’un enfant passe de l’âge d’enfant à l’adolescence. On va le séparer de sa mère, le dénuder, et le coucher sur une peau animale.

 

 

Vous parlez du toucher très important dans la vie intra-utérine. Comment le stimuler ? Par des caresses du ventre ?

Déjà par la sensation. Chaque mouvement de la mère fait naître une sensation tactile chez l’enfant. On peut aussi effectivement développer ce côté-là en faisant des caresses, en interpellant l’enfant quelque part par le toucher.  Cela va être déterminant pour que l’enfant intègre l’idée qu’il existe un dedans et un dehors, ce qui va être primordial pour sa propre détermination et sa relation aux autres et au monde.

 

 

Comme peau et cerveau sont liés, le fait de stimuler le toucher va-t-il aider à un meilleur développement du cerveau ?

Disons qu’il existe des sensations connexions immédiates entre la peau et le cerveau. C’est d’ailleurs peut-être pour cette raison que Paul Valéry disait que la peau est ce qu’il y a de plus profond en l’homme ».  Toutes les sensations favorables vont produire une sensation de bien-être avec des sécrétions neuro médiatrices dans le cerveau très favorables au développement de l’enfant. Les sensations spirituelles les plus éclairées sont exprimées par le sens du toucher. Par exemple, on dît être touché par la grâce », touché par l’amour ». C’est un sens que l’on ne met pas assez en avant, on n’ose pas, et pourtant c’est par là que s’exprime  le côté le plus subtil des sensations humaines.

 

Dans les mythes on parle de peau retournée !

Oui, on est dans quelque chose de très symbolique. Par exemple, dans les contes la peau du personnage traduit non pas un état physique mais un état intérieur. Ainsi lorsque l’histoire commence avec un vieillard atteint de nombreuses maladies de peau, il va y avoir à un moment donné, un processus où sa peau va lui être retirée ou retournée pour qu’elle devienne une peau pure, merveilleuse, blanche, sans aucune aspérité. Et qui témoigne de la pureté intérieure de l’âme. On retombe dans cette notion de mort du vieil homme qui va aboutir à une renaissance et à un nouvel état. Et le mythe des arracheurs de peau ? Oui cela rejoint un peu la peau retournée. Mais c’est plus compliqué car dans ce mythe là, car dans l’action d’arracher, se trouve une notion de renouvellement, de flux intérieur. On trouve un certain nombre de rites et de mythes dans lesquels le personnage va raviver son état de spiritualité au sein de son état intérieur, par une peau retirée. Si cette peau est perdue, alors l’être humain ne pourra plus être dans cet état divin, deviendra mortel et mourra.  C’est vraiment un symbole de vie, de mort, de renaissance très utilisée.


Vous dites que le tatouage est une pratique très ancienne !

Oui, il a évolué dans son histoire, et n’a plus le sens qu’il avait autrefois. Pour les premiers hommes, c’était véritablement un message à faire passer aux dieux. Les hommes vivaient entourés dans un monde très hostile de la nature, entourés d’esprits eux-mêmes partout, dans le vent, les feuillages…. On retrouve cela dans le chamanisme. Rien n’était séparé.  Les forces spirituelles sont partout y compris sur la peau de l’homme. C’est pour ça que les chasseurs la récupéraient, elle était chargée  des forces de l’animal. 

Les hommes mettaient sur leur tombe des messages qui bien sûr avaient des significations destinées à se repérer  dans le groupe humain. Des significations sociétales. C’était pour parler aux ancêtres, aux esprits de la nature et les attirer dans le bon sens. Les premiers tatouages sont purement spirituels. Particulièrement ces dix dernières années, le tatouage a considérablement évolué. Il y a 35 ans, il était rejeté socialement, et  y avoir recours témoignait d’un caractère un peu rebelle avec une appartenance à un groupe, une opposition. Aujourd’hui il est au contraire très bien accueilli. Je suis allée au salon du tatouage à Montpellier, et j’ai vu des mamans amener leurs enfants et se faire tatouer en famille.  Le tatouage est maintenant devenu un carnet de notes psychologique, on inscrit sur sa peau des éléments de sa vie, sa rencontre avec quelqu’un, la maladie d’un membre de sa famille, des événements psychologiques nous ayant marqué.  Ce n’est plus que très rarement un tatouage spirituel du moins dans nos régions occidentales. On retrouve encore des tatouages assez spirituels dans les pays d’Asie.

 

La scarification ?
C’est exactement la même chose mais avec une forme beaucoup plus puissante. Elle va faire couler le sang  et va laisser un message véritablement indélébile et qui en plus est souffrant. Cela  témoignait également du courage de celui qui acceptait cette pratique et ça entérinait son alliance aux dieux encore plus forte que le tatouage, lui-même plus fort que les peintures corporelles. La scarification entraîne des choses plus profondes avec une véritable remise en question  de son image. Ca relève souvent d’une souffrance psychologique avec prise en charge par des psychiatres. Il existe bien souvent d’autres manifestations notamment anxio dépressives, et rebelles à l’intégration en société.

 

 

Il y a des couleurs de peau en fonction des dieux !

Oui, une autre façon dont l’homme a fait vivre sa spiritualité au travers de la peau c’est en représentant les dieux avec des peaux de différentes couleurs, selon l’aspect du Dieu que l’homme va faire vivre. Si on représente Osiris avec une peau verte, c’est pour montrer l’aspect fécondation de création du monde. Si on représente un Dieu avec une peau rouge, on va penser plutôt à la force d’amour, à la puissance du Dieu. Si on le représente avec une peau blanche, on va parler de lumière.  En Inde, vous avez des dieux de toutes les couleurs, des Bodhisattva avec peaux blanches, rouges, bleues. Même des représentations de vierges, notamment des vierges à la peau blanche, car  le blanc est un symbole de lumière et de pureté.

 

 

Les maladies de peau découlaient de l’action des Dieux !

Tout à fait. Dans les interprétations de la génétique, ont eu lieu des approches scientifiques chez les Grecs, et aussi des approches religieuses notamment dans nos contrées. Jusqu’au Moyen Age, on a interprété la maladie comme étant un message des dieux. Dans ces temps très anciens c’était les dieux qui jouaient un peu avec les humains ; puis un peu plus tard, ce fut considéré comme une mise à l’épreuve de l’homme. Je pense notamment au texte de Job dans la genèse où il va avoir une maladie de peau pour tester sa foi en Dieu. Puis, ce sera carrément une punition, suite à un mauvais comportement, si les maladies souvent contagieuses apparaissent sur la peau et constituent une menace pour les autres..

 

Ce sont d’ailleurs les rois, les prêtres, les moines qui soignaient ces maladies de peau !

Oui parce qu’ils étaient considérés comme des médiateurs entre le ciel et la terre et  porteurs de l’influx divin. De même que les dieux procuraient la maladie c’était ces médiateurs qui pouvaient les soigner. Ils pouvaient par le toucher faire le lien entre le patient et la divinité et donc quelque part conduire à la guérison de l’individu. Ce qui est incroyable c’est que le toucher guérisseur a duré très tard jusqu’au XIXè siècle.  Mais même si le phénomène  a disparu, même si les religions ont perdu de leur importance,, les gens jettent encore des pièces de monnaie dans les fontaines ou boivent certaines eaux, touchent l’arbre sacré. Il existe encore des croyances, des besoins chez l’humain de s’accrocher à quelque chose, pour mettre son espérance quelque part.  Ces gestes témoignent de notre soif de réponses à des questions dont la science moderne ne se préoccupe pas.

 

Et la circoncision ?

Qui est toujours pratiquée et dont il est intéressant d’observer l’approche symbolique. La peau est un voile qu’il va falloir transformer, retourner pour pouvoir accéder à notre intériorité, à notre flamme intérieure et de la même façon, elle représente l’alliance  du peuple juif à son dieu. Ill existe cette dimension symbolique du voile qu’on pourrait approfondir de manière très puissante avec Annick de Soustelle. Quelque chose à retirer pour accéder à la meilleure part de nous-même.  La circoncision est positive, c’est la manière dont on la fait vivre qui peut être extrêmement délétère. Chez les femmes en revanche, c’est seulement pour empêcher les femmes de jouir et cela n’a rien de symbolique.

 

Il y a aussi les ablutions, la purification par l’eau !

 C’est une chose dont on peut faire l’expérience très simplement. Quand on sort du bain ou de chez le coiffeur, on a le sentiment d’être pur, sain. La peau sur laquelle l’eau va passer va décharger à l’intérieur un certain message de bien-être. Il y a la dimension symbolique, c’est-à-dire que si vous voulez vous présenter à votre Dieu, d’abord vous devez vous présenter propre et ensuite pur. Quand vous lavez la peau à l’extérieur par toutes les techniques de purification de l’eau, vous vous mettez dans l’état d’esprit d’essayer de purifier votre être. On retrouve la dimension symbolique de la crucifixion ?

 

La différence par rapport aux huiles ?
C’est un peu différent parce qu’on ne va pas vous faire prendre un bain d’huile. On va juste poser une couche d’huile sur votre peau. L’huile est beaucoup moins fluide que l’eau. L’eau va passer alors que l’huile va marquer son empreinte sur la peau. L’huile que l’on va déposer sur la peau est une huile chargée, donc sacrée. Et qui donc comme la main du prêtre porte l’influx divin. C’est donc cet influx qui va s’imprégner en glissant sur votre peau pour imprégner son message au-dedans.

 

Le vêtement ?

C’est une deuxième peau quelque part et on va le faire vivre un peu de la même manière que la peau. Soit on va inscrire sur le vêtement notre message spirituel, en utilisant par exemple des habits blancs, des habits religieux pour monter le caractère sacré du personnage qui est un médiateur entre le ciel et la terre. Vous avez des manifestations de dévoilement qui sont une manifestation à haute portée spirituelle. Je pense à Saint-François d’Assise un riche bourgeois fils d’un marchand d’étoffe qui lorsqu’il s’opposa à son père et qu’il décida de partir dans une voie religieuse se dénuda en place publique. Le fait de se dénuder signifiait qu’il voulait épouser la pauvreté telle que l’avait prônée le christ.  Donc le vêtement peut tantôt par sa présence, tantôt par son absence témoigner de la spiritualité d’un individu. Le vêtement porté par exemple par le médiateur entre le ciel et la terre  a une couleur qui fait sens, qui n’est d’ailleurs pas la même dans tous les pays. Les bonzes vont être habillés en couleur de lumière ;  chez nous ça va être plutôt le blanc ou le noir. Ce que je veux dire c’est qu’il existe une dimension symbolique du vêtement pour dire une religion.

 

Mais vous dites aussi que l’habit n’a pas tellement d’importance quand on s’adresse directement aux Dieux !

L’habit est une affaire d’hommes et non une affaire divine. C’est une essence et ce qui s’en rapproche le plus c’est le cœur, la peau.  Le vêtement est trop humain, il est potentiellement porteur du désir de l’humain de se rapprocher de son dieu. Les dieux sont représentés soit par une forme anthropomorphique, soit par un symbole. Pas par un habit.



Les grains de beauté étaient une possibilité de faire de la divination ?

Oui, déjà les grains de beauté étaient chargés de sens. Dès qu’il y avait anomalie ce n’était pas par hasard, ça voulait dire quelque chose. Actuellement, on l’attribue à des raisons génétiques, concrètes, médicales  mais pour les traditions anciennes le grain de beauté était chargé de sens sur l’individu. Pendant de nombreuses années on l'a utilisé comme on se servait des étoiles dans le ciel pour faire de la divination. Sauf que pour les étoiles c’était pour dire le destin des peuples alors que les grains de beauté c’était pour dire la propre destinée de l’individu. Je pense qu’à l’heure actuelle c’est en voie d’extinction. Toutes les anomalies de la peau servaient à interpréter. Si vous aviez un angiome, une tache rouge au Moyen Age en période d’inquisition et qu’en plus vous étiez une femme vous étiez forcément une sorcière. C’est vraiment la peau, l’interface entre l’homme et les dieux. Ce qui était déposé sur la peau, c’était un message divin positif ou négatif pour dire quelque chose à cette personne.. Tout cela se lit dans le développement de l’histoire de l’humanité avec une évolution de la pensée humaine…

 

 

Et les lamas ?
Ce qui est extraordinaire c’est qu’ils arrivent effectivement à dépasser le système anatomique et physiologique normal. Ce n’est pas par simple volonté, en se disant l’eau est froide, je vais m’y plonger et me mettre dans la tête qu’elle n’est pas froide. C’est bien plus puissant et ils arrivent à modifier leur paramètre intérieur. Ainsi quand ils se mettent à coucher dans la neige ou à se plonger dans une eau glacée ; ce n’est pas leur cerveau qui dépasse l’épreuve.  Mais la maîtrise de leur corps qui implique que la température intérieure ne baisse pas comme elle devrait par rapport à l’expérience qu’ils vivent. C’est très puissant et cela demande une ascèse et un entraînement de très longue haleine….

 

A l’heure actuelle, le regard sur la peau a totalement changé !

Oui ceci à partir du moment où la peau ne sert plus à communiquer avec le divin, ou avec la profondeur de l’individu. Actuellement, la peau est destinée à son propre regard et à celui d’autrui.  Elle doit être à l’image que les gens veulent donner d’eux-mêmes. Donc une peau parfaite suivant les critères de notre époque qui ne doit surtout pas montrer ce dont  on a le plus peur le vieillissement, donc la ride et l’annonce de la mort. Celle-ci fait très peur, elle est partout cachée et doit disparaître de la peau. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui, ce qui est incroyable, nous avons des jeunes femmes de 25 ans qui font des traitements anti-rides.  Je le dis dans mon livre, la peau est devenue une idole car elle n’est plus là pour se diriger vers quelque chose mais pour dissimuler. Elle est devenue un écran…

 

 

Toutes ces crèmes ont-elles une véritable influence sur la peau?

Non, non. La seule crème vraiment efficace c’est l’écran total. Et si vous supprimez le soleil, vous aurez à 60 ans une peau en bien meilleure santé. Le Botox ? Je ne suis pas très branchée esthétique car pour moi le visage d’expression que nous avons est un peu notre carnet de route. Il vaut mieux ajuster son visage avec le sens qu’il livre aux autres plutôt que de vouloir masquer ce qu’il raconte. Je dis souvent à mes patients ayez plutôt recours aux livres de philosophie. Ceci étant, si une personne ne s’accepte pas avec une ride au nez et que tous les matins devant son miroir c’est un drame de se voir ainsi, bien évidemment il faut agir et le botox est une technique comme une autre. En l’accompagnant et en lui disant que cela ne règlera pas ses problèmes personnels et l’avertir qu’il faudra en refaire. Qu’elle peut le faire pour l’instant le temps de faire un travail en parallèle. Elle doit arriver à accepter ce que cette ride lui dit et pourquoi elle le refuse. Si elle arrive à faire ce travail, cela lui rendra sûrement plus service que de dépenser je ne sais combien d’euros…

 

Le Covid a t-il eu une influence sur la peau ?
Oui, une influence majeure sur la peau puisqu’il nous a empêché pendant des mois de nous toucher. Et cela a été très conséquent. Car à partir du moment où les gens ne se sont plus serré la main, ni embrassé, ni n’ont  plus aller voir leurs aînés, ils se sont renfermés sur eux-mêmes. Et il a été difficile même après pendant un ou deux ans de les faire revenir  dans des réunions. A l’heure actuelle, les patients ne vous serrent plus la main, une espèce de distance  s’est faite entre les êtres. Il y a eu bien sûr quelques troubles, quelques éruptions cutanées mais c’est assez anecdotique. Mais surtout, il nous a privés du toucher et a développé une certaine agressivité. Il a été déterminant par rapport à la peau. Des peaux qui se rapprochent, c’est très important pour créer des relations...

Agnes Figueras-Lenattier

 

 

 

 

 

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dimanche, 19 février 2023

Stephane Portet

photo_stephane_portet.jpegStephane Portet

Stephane Portet dirige le Sunset Sunside un des plus grands clubs de jazz parisien. Il nous explique longuement le fonctionnement du lieu et sa conception de la programmation.. Dernière innovation qui plaît beaucoup, les concerts à la bougie écolos sans sonorisation ni électricité. Pour l'instant, ils ont lieu une fois par mois. A la rentrée, ce sera sûrement une fois par semaine...

 

Vous êtes actuellement le directeur du " Sunset Sunside ». A l’origine, l’endroit appartenait à votre père.

Oui c’est étonnant d’avoir un papa qui avait un lien aussi emblématique avec des événements aussi forts qui s’y déroulent. Mais à l’époque, je n’étais pas très captivé par la musique que l’on entendait.  J’écoutais beaucoup de musique, j’étais disc jockey à mes heures perdues mais à l’époque le jazz n’était pas ma tasse de thé. C’était plutôt l’ambiance qui m’intéressait, et j’étais très captivé par la nuit. J’allais souvent dans les boîtes de nuit parisiennes et j’aimais cette vie nocturne. C’était dans les années 80, une époque séduisante avec des gens qui savaient faire la fête et qui même s’ils se couchaient tard travaillaient bien le lendemain.  Au départ, je ne me destinais à cette profession. J’ai fait des études commerciales et je vendais des machines à Laver. Or, un jour alors que le lieu était un peu en perdition mon père m’a demandé d’abandonner mon travail et de lui venir en aide. Je connaissais bien l’endroit puisque je le fréquentais régulièrement en tant qu’amateur et fils de patron, et le jour où j’ai mis le pied ici, je suis tombé dans la marmite et je ne l’ai plus quitté. Mais quand j’ai repris les rennes de l’établissement, je n’étais pas suffisamment cultiivé dans le domaine du jazz mais j’ai eu la chance de côtoyer des musiciens qui ont aimé ma démarche et qui m’ont formé à cette musique.

 

Qu’avez-vous changé, qu’avez-vous gardé par rapport à ce que faisait votre père ?

Mon père n’était pas non plus un grand initié de jazz, il adorait cet endroit mais ce n’était pas sa structure musicale. Il n’a jamais vraiment fréquenté le monde de la musique. Ce qui l’intéressait un peu comme moi c’était l’atmosphère. Des programmateurs se sont occupés du lieu et quand je suis arrivé j’ai eu affaire à tout un collectif de musiciens . Les frères Belmondo, Aldo Romano, Michel Graillier, Henri Texier. Ils ont aimé la générosité dont j’ai fait preuve pour ce lieu , m’ont conseillé dans la programmation et je leur faisais vraiment confiance. Tous ceux qui venaient régulièrement ont repris leur lieu sous leurs ailes et m’ont été d’une aide précieuse…Mon père a vu que je me débrouillais bien et m’a laissé entièrement carte blanche à la fois pour réorganiser le lieu et pour faire la programmation.  Au fur et à mesure, j’ai formaté le lieu dans une énergie et un modèle économique qui a permis de réaliser plein de choses autour du concert et  de nouvelles thématiques.

 

Une deuxième salle : Le Sunside

 

 

J’ai même pris la décision de transformer la salle de restaurant en deuxième salle de concert. C’est ainsi qu’est né le Sunside. J’ai été inspiré par un lieu " La knitting Factory" à New York constitué de deux salles dont la programmation était assez hybride et assez expérimentale. Et je me suis dit pourquoi ne pas tenter l’expérience… mais au départ on m’a pris pour un fou furieux et on m’a dit que ça ne marcherait jamais, que la salle du haut  allait entendre ce qui se passe en bas et vice versa. Ma décision s’est faite au grand dam des musiciens car ils aimaient beaucoup le restaurant où plein d’artistes venaient dîner ici. D’ailleurs, la salle en forme de couloir n’est pas faite pour recevoir de la musique. Ce sont de vieux immeubles qui datent du Moyen Age où le son pourrait passer mais aucun bruit ne se fait entendre. Et c’est cela que j’aime bien, l’endroit s’est structurée en fonction des circonstances et il n’existe aucun problème d’acoustique. J’ai juste eu un problème au début avec en bas Niels Landgren un tromboniste suédois et son groupe heavy mental. En haut, il y avait un solo de Steve Leslie totalement acoustique. Steve n’entendait pas la musique d’en bas mais les instruments tremblaient... Nous avons la chance d'avoir d'extrêmement bons sonorisateurs. On investit beaucoup dans le matériel et les musiciens viennent avant tout pour le plaisir. Il est donc important qu'ils puissent bénéficier de bonnes batteries, de bons micros et d'un bon piano. Le public aussi doit pouvoir entendre un bon son... 

Le Sunset a pour vocation de défendre la musique amplifiée et les musiques cousines du jazz , le blues, le funk, le groove, la fusion. Quant au Sunside, c’est le temple du jazz acoustique, et de tout le jazz contemporain nexttream moderne.

 

 

Avez-vous un instrument préféré ?

Je n’ai pas eu l’éducation musicale qu’il aurait fallu et je n’ai jamais joué d’un instrument. Je reçois actuellement les meilleurs musiciens du monde et j’ai l’habitude de dire que je joue des oreilles. Chacun son utilité et je n’ai pas vraiment de regrets par rapport à cette réalité. Mais par contre, je ne suis pas l’exemple de mes parents , et je donne à mes enfants une importante éducation musicale et leur apprends à jouer d’un instrument. J’aime tous les instruments mais peut-être suis-je quand même un peu plus inspiré par le piano. . Mais cela ne joue en rien dans ma programmation.

 

Qu’est-ce qui guide votre choix ?

Plusieurs critères rentrent en jeu. Le premier objectif, c’est la découverte de talents. On est là pour s’occuper des talents émergeants et pour les amener à un certain niveau afin qu’ils deviennent des musiciens confirmés et reconnus. Cette recherche constitue à peu près 50% de notre programmation mais malheureusement tous ceux que l’on invite ne performent pas tous par la suite. Ce qui n’enlève rien à leurs capacités car il existe de très bons musiciens qui passent à côté de leur carrière.  Le deuxième critère c’est de continuer à faire de la programmation avec les musiciens que l’on a développés. Dans le jazz, il règne une certaine fidélité avec des musiciens respectueux du travail fourni pendant des années. Ils reviennent jouer même s’ils ont acquis une notoriété très importante. Pour moi, le plus emblématique et celui qui venait le plus régulièrement c’est Didier Lockwood qui a démarré chez nous et qui passait des semaines et des semaines ici. Il avait compris que c’était important de venir dans des clubs de jazz.  Nous représentons la première pierre de l’édifice et si nous n’existions pas, le reste ne suivrait pas. Didier Lockwwod avait aussi saisi l’importance de la proximité et du fait que de nombreuses personnes viennent car ils peuvent toucher les musiciens et échanger de près avec eux.  Je ne parle pas que du Sunset mais de tous les clubs de jazz en France et dans le monde. Cette possibilité n’est pas forcément présente au sein des festivals ce qui ne veut pas dire que les concerts sont moins bien. Mais le public aime être à 30 cm de l’artiste et l’entendre respirer…

 

Comment faites-vous pour sélectionner les jeunes talents ?

Je demande simplement un lien pour écoute et généralement on nous envoie un lien you tube avec un petit dossier de présentation. Ainsi pouvons-nous voir ce qu’ils ont fait précédemment, où ils en sont et nous pouvons ensuite décider de la suite à donner.

Votre devise c'est " Le club de tous les jazz à toutes les époques"!

Oui, le jazz est comme une jolie et vieille maîtresse qui a couché avec beaucoup d'autres musiques. C'est cette caractéristique qui contribue à l'avenir de cette musique, et les musiciens présents chez nous ne viennent pas forcément de l'univers du jazz. Certains viennent du classique, d'autres incorporent le folklore dans leur façon de traiter le jazz, ou viennent de la pop, de l'électro... Le jazz maintrip, be-bop c'est terminé. Cela existe encore mais ça va évoluer car les artistes ont compris que l'on pouvait intégrer au jazz d'autres types de musique. C'est pour cette raison que je dis " le club de tous les jazz"... 

 

Quels sont les rendez-vous réguliers ?

Le rendez-vous dont je suis le plus fier c'est le goûter du dimanche après-midi pour les enfants. Cela fait 16 ans que ça existe, et l'on est en train de créer une nouvelle clientèle pour demain.  Ce sont des gamins de 3,4 ans et c'est sans doute pour la plupart leur première expérience musicale. C'est vraiment un honneur de pouvoir initier les jeunes enfants au sein d'une atmosphère de jazz, et il me semble que ça n'existe pas ailleurs ou très peu. En tout cas, ce concept cartonne et c'est 100% de remplissage. C'est une thématique différente chaque dimanche avec soit Walt Disney, soit Davie Bowie, Henri Salvador, Gainsbourg, Charlie Parker, Elsa Fitzgerald... J'ai plusieurs équipes  et lors de cet événement, elles essayent de créer une interaction avec ces enfants. En effet, ce n'est pas toujours facile de parvenir à ce que les enfants se concentrent pendant 3/4 d'heure. On y arrive soit par le chant, soit par les applaudissements, soit en utilisant les mains des enfants qui se servent de l'instrument. Chaque concert est un peu différent mais voir les enfants hypnotisés devant le pianiste Pierre-Yves Plat qui fait une thématique sur les comptines et sur Noël c'est merveilleux... Ces gamins qui sont présents vont peut-être devenir de futurs musiciens. D'ailleurs, j'ai des clients qui sont venus il y a 15 ans et qui m'ont affirmé que c'est grâce à ces concerts qu'ils se sont lancés dans la musique. Et pour moi la boucle est bouclée, on a fait ce qu'il fallait faire...C'est ma plus grande fierté et il faut faire naître des signaux positifs pour demain. En tant qu'entreprise privée, on a des devoirs et des responsabilités... 

Le dimanche soir, ont lieu les conférences thématiques de Lionel Eskenazi  plutôt destinés aux anciens qui viennent pour la première fois ou qui ne connaissent pas forcément l'histoire du jazz. . Ce n'est pas un hommage purement musical, il existe aussi une explication de texte. Avec Lionel, l'on prépare d'ailleurs une nouvelle thématique avec Madeleine et Salomon, un duo piano voix sur des légendes du jazz mais plus actuelles et plus décalées. A partir de juin 2023 une fois tous les trimestres le samedi à 19H. 

 

 

Une cession entrée libre 

 

 

On a aussi régulièrement le dimanche et le lundi la jazz cession qui représente des temps forts dans notre programmation et qui sont généralement pleins à craquer car en accès libre. Un hommage rendu à une légende et ça permet de faire venir une clientèle qui n'a pas forcément les moyens de se payer un concert à 20, 30 euros. C'est important car le jazz a plutôt une image de cherté et faire venir des étudiants ou autres joue un grand rôle. Notre but est de faire venir tout type de clientèle et de captiver le public de demain en donnant un destin à cette musique. Celle-ci est basée sur l'improvisation et n'existe pas dans les autres univers musicaux. 

 

 

En 2022, c'était les 40 ans du club. Comment les avez-vous fêtés?

On a fait venir des gens qui depuis 40 ans ont contribué à la notoriété du lieu avec une date en point d'orgue au Châtelet le 28 janvier 2022. Un événement qui restera gravé dans ma mémoire personnelle liée aux concerts.  D'abord parce que j'ai fait l'animation toute la soirée. Etre sur la scène du Châtelet n'a rien à voir avec le Sunside. Ce n'est ni la même énergie, ni la même présentation. C'est toujours très plaisant de pouvoir fêter des anniversaires ou autres et de montrer au public que l'on est maintenant un lieu qui possède sa marque de fabrique depuis un bon moment. J'ai envie de dire vivement les 50 ans... J'espère que j'y arriverai et ensuite je passerai la main.

 

Vous avez aussi créé une nuit soul le samedi soir !

J'ai calculé et l'on fait à peu près 800 concerts par an et je pense que l'on est l'endroit le plus prolifique en France côté nombre de concerts. Les clubs de jazz en France ont toujours une activité de nuit, et beaucoup d'endroits dans le monde deviennent des endroits " Dance Floor". A un moment donné, on enlève les chaises et les gens dansent. Ici, ce n'est pas du tout la vocation parce que l'on veut rester strictement musical. Mais on s'est dit que c'était dommage de ne pas avoir une nouvelle aventure musicale et l'on a lancé la nuit soul avec le slogan suivant : " Les concerts qui font danser vos oreilles". On met en place des standards de musique funk, soul, grosse, jusqu'à 4h du matin. Ce sont là aussi des concerts en accès libre pour un public encore jeune de noctambules ou d'insomniaques.

 

Vous avez aussi les concerts hors les murs"

Ce sont des concerts qui ont eu lieu avant le COVID et que l'on renouveler dans le futur. Pour l'instant, on a mis un peu la pédale douce car c'était un peu compliqué à organiser. Le but est de continuer à suivre des gens qui ne pouvaient plus jouer chez nous car ils avaient des propositions un peu plus importantes. Les carrières évoluent et à un moment donné il faut savoir passer à une autre étape. Et c'est ainsi qu'on a accompagné de nombreux musiciens dans des lieux comme le Trianon, le New Morning, la Cigale, le Café de la danse, Roland Garros. Pour nous, c'était bien. On prenait un petit brain d'air, avec une oxygène différente et une manière de voir les choses autrement. On attend juste que l'activité se stabilise nouveau pour pouvoir recommencer l'aventure..

Et les trophées du Sunside?

Oui, ça fait aussi partie de l'ADN du lieu . C'est le trophée que l'on organise chaque année au mois de septembre. Ca nous a permis de détecter de nombreux musiciens et il faut savoir que le premier qui l'a remporté c'était Yaron Herman. Donc, on est dans le vrai. Django Reinhardt l'a aussi gagné. Nous n'avons pas l'ambition d'être un tremplin reconnu mondialement mais ça sert aux musiciens qui y participent. Cela déclenche souvent des débuts de carrière. 

 

Reste enfin " Pianissimo"!

C'est le festival le plus important que l'on fait depuis maintenant des décennies au mois de juillet et août lorsque les gens sont décontractés. On a ici un très bon piano et c'est pour moi l'instrument le plus important dans un lieu comme le nôtre. Il est bien accordé et cela permet aux musiciens d'avoir la banane lorsqu'ils jouent dessus. On fait aussi chaque année un festival vocal intitulé " Sunset vocal cession". Au mois de juin, on met la voix en avant...

 

Comment vous situez-vous par rapport aux deux autres clubs de cette rue des Lombards «  Le duc des Lombards » et «  le baiser salé » ?

Cette rue est tellement exceptionnelle que c’est compliqué de se différencier les uns des autres et l’on a à peu près tous la même programmation. Mais le "Duc des Lombards" a un budget supérieur à nous et reçoit des musiciens encore plus prestigieux. Ils ont également une radio derrière, et c’est un acquis supplémentaire à proposer aux musiciens. Ensuite, c’est une question de réactivité mais les musiciens sont attachés aux trois endroits. Ce à quoi je tiens personnellement c’est à l’affectif. Je ne dis pas que les musiciens deviennent des potes, mais on essaye de donner beaucoup d’humanité et beaucoup y sont sensibles . Nous n’avons pas envie d’être un lieu lambda, stéréotypé pour touristes mais j’imagine que tout le monde fait la même chose.  Pour moi la rue des Lombards est une rue tellement essentielle pour le jazz en France et dans le monde que si l’un des trois clubs disparaissait, je pense que cela nuirait aux deux autres. C’est une rue unique au monde et même les Américains nous envie d’avoir une telle rue. Il faut la garder intacte…

Agnès Figueras-Lenattier

 

 

 

 

01:25 Publié dans Interviews | Lien permanent | Commentaires (0)

mercredi, 18 janvier 2023

Ping 4 Alzheimer

D’après des informations sur Internet, le docteur Daniel Amen membre éminent de l’Américan Board of psychiatry and neurology, affirme que tennis de table est le meilleur sport pour le cerveau. Il active diverses parties du cerveau simultanément, et il est maintenant recommandé comme méthode pour lutter contre la maladie d’Alzheimer et aider au traitement de la démence.

Voici la liste de ce qu’apporte le ping-pong selon ce médecin :

-Il augmente la concentration et la vigilance

-Il stimule la fonction cérébraleIMG_6113.JPG

-Il développe des compétences de pensées tactiques

-Il développe la coordination main/œil. La vitesse, la rotation et le placement de la balle sont des éléments cruciaux au tennis de table. Sa pratique nous amène à gérer rapidement ces trois facteurs.

-Il constitue une activité physique aérobie

-Il permet une interaction sociale et récréactive.

Selon un autre médecin, le Docteur Wendy Suzuki, professeur de neurosciences à l’Université de psychologie de New York, le ping-pong améliore les fonctions motrices, les capacités à élaborer la stratégie, et les fonctions de la mémoire à long terme.

Trois grands domaines sont touchés : le contrôle de la motricité fine et la coordination œil-main qui sollicite et développe le cortex primaire et le cervelet, les zones responsables des bras et des mouvements de la main… 

 

 

Stimulé par ces affirmations et ayant été touché de près par la maladie d’Alzheimer, son grand-père en ayant été atteint, Renato Walkowiak professeur de ping-pong depuis 25 ans a créé avec une psychologue et un kiné une association intitulée Ping 4 Alzheimer destinée à faire faire du ping-pong aux malades d’Alzheimer. Voici son témoignage :

 

Pourriez-vous expliquer comment est né Ping Four Alzheimer ?

Mon grand-père a eu la maladie d’Alzheimer lorsque j’avais 15,16 ans et j’ai pu constater les dégâts que cela provoquait chez une famille. Puis en 2015, j’ai vu passer une étude au Japon sur les bienfaits du ping-pong sur le cerveau. Les chercheurs avaient fait de l’imagerie mentale et découvert que 5 zones du cerveau étaient stimulées pendant la pratique du ping-pong et dans le sport en général. Ce constat a ensuite été confirmé par le King’s Collège à Londres qui a également effectué une phase d’imagerie mentale sur un groupe de personnes qui allaient jouer au ping-pong. Ils se sont rendu compte que l’hippocampe grossissait, une région du cerveau qui rétrécit en cas de maladie d’Alzheimer. Le ping-pong a aussi été mis en avant par quelques neurologues américains comme les docteur Amen et Suzuki comme le sport stimulant le plus le système cognitif. Il existe une densité de stimulation intéressante et la partie visio-spatiale est aussi grandement développée en terme de coordination, motricité et sur le plan de la proprioception par rapport à l’activité que l’on pratique. Suite à ces informations, j’en ai parlé à un kiné du club et à une psychologue pratiquant le ping-pong en compétition et en 2018, nous avons mis en place cette association d’abord au club de Levallois où je travaille. Le plus grand club de ping-pong d’Europe. Le kiné a beaucoup travaillé sur ce qu’il fallait mettre en avant ou pas. On a essayé de se polariser sur des exercices simples pour mettre les patients en confiance avec avant une partie dédiée à l’équilibre. Un des objectifs étant si possible de ralentir la maladie et de prolonger l’autonomie. La première chute pour une personne âgée est un peu traumatisante et pour un Alzheimer cela peut lui faire perdre énormément en confiance. Et lui ôter toute envie de bouger de chez lui.  On a décidé de travailler sur la partie sportive en insistant sur le côté ludique du ping-pong. Avec la psychologue, on a beaucoup travaillé sur la maladie en elle-même et elle m’a expliqué comment aborder le groupe et travailler sur tous les moments où l’on n’est pas dans l’activité elle-même : L’accueil, les pauses, les interactions sociales, les sujets de discussion, et comment stimuler un peu le malade. Nous avons aussi parlé de tous les ancrages de mémorisation que ce soit lors d’exercices ou lors de situations moins précises. On répète toujours les mêmes choses de façon similaire avec les mêmes mots pour essayer de vraiment stimuler la mémoire des malades.

 

Pourriez-vous préciser !

Par exemple lors d’un jeu d’équilibre que l’on réalise, on touche le pied du malade toujours de manière semblable pour voir si cela permet qu’il se reconnecte. Un malade Alzheimer va avoir des phases où il est là et d’autres où il est hors circuit. Il suffit d’un petit coup de pouce et hop il revient avec nous et va se rappeler où il est… C’est rassurant pour lui car dans un premier temps il sait qu’il est en train de partir… On essaye toujours d’être bienveillants et de donner confiance… La dernière chose très importante dans ce programme au niveau de l’encadrant c’est le sourire. C’est la seule chose qui montre à l’autre qu’il est en train de bien faire.  Dire oui ou non ce n’est pas la même chose en Inde, en Chine ou en France alors que le sourire quelles que soient les cultures, les générations veut dire la même chose pour tout le monde. Un malade alzheimer se demande constamment s’il va bien et le fait de sourire le tranquillise. Le cœur du projet, c’est l’activité avec en plus tous ces petits détails qui font que cela fonctionne et créé un bien-être chez les patients. Dernièrement, j’ai un patient qui venait pour la première fois. Première approche, on s’est dit que cela n’allait pas être facile et finalement il a réussi à renvoyer quelques balles. Après, il s’est reposé, a bu un coup, on a discuté et en partant il m’a dit « Merci, je suis aux anges »… C’est hyper gratifiant. Mais j’ai beau en parler à mille médecins, mille neurologues, tous me disent qu’il faut prouver l’efficacité. Or quand j’entends ce genre de propos, je me dis « Il faut foncer. « 

On essaye de sensibiliser les aidants pour qu’ils nous donnent un petit coup de pouce, ce n’est pas juste entre malades. Des retraités valides jouent depuis des années au même créneau horaire et l’on essaye de les mélanger avec les malades les plus autonomes afin de jouer la carte de l’inclusion au maximum. On fait aussi en sorte que les aidants se sentent bien. Un aidant va souvent commencer à jouer un petit peu avec son aidé et très rapidement on mélange et on remercie l’aidant. Ensuite, l’aidant qui nous a aidé pour la logistique de base, va avoir quelques minutes pour jouer avec quelqu’un qui sait bien jouer, se défouler, et prendre plaisir à bouger. Certains aidants continuent à venir au club même après que l’aidé n’ait plus les capacités de venir et ait été placé en Ehpad ou dans un foyer de vie.

 

 

 

Comment se passe une séance ?

Les malades arrivent, s’assoient, posent leurs affaires souvent au même endroit sous l’œil des aidants. Une fois qu’ils sont là, on discute un petit peu, on analyse quelles sont les nouvelles de la semaine, on fait de petites blagues sur des thématiques qui plaisent aux malades. Par exemple, un de nos malades adore partir au ski et l’on parle souvent de ce sport par le biais d’une actualité ou autre. Un autre c’est la musique. J’ai été voir un concert l’autre jour, je lui ai raconté. On essaye de créer une petite atmosphère. L’échauffement se fait en jouant au ping-pong. Dans un premier temps on met les malades en confiance, et ils vont commencer à jouer avec quelqu’un qu’ils connaissent bien-. Cela dure entre 10 et 15mn ; puis on fait des rotations. Dans la version officielle tout le monde joue avec tout le monde, mais en réalité, cela se déroule autrement. Il y a des malades qui ne peuvent pas jouer avec d’autres malades, qui n’aiment pas certaines personnes et qui ont leurs têtes. On essaye en tout cas qu’il y ait le plus d’interactions possibles. Un aidant qui va jouer avec un malade sait quel est l’exercice qu’il doit lui faire faire mais il ne va pas lui dire. Le malade va d’abord être plongé dans un état second de concentration avec un échange régulier et petit à petit on va complexifier la situation pour accentuer la stimulation cognitive tout en gardant les encouragements. Dès que l’on voit un malade qui se repose on le laisse tranquille pendant 5 mn. S’il veut rejouer on le fait rejouer et si on voit qu’il n’est pas trop chaud rapidement on le fait participer aux jeux d’équilibre en fonction de son autonomie. L’idée c’est de les faire tous passer sans que ce soit imposé…  Aucune friction ne doit être présente, il faut que ce soit très fluide. Certains après les jeux d’équilibre sont un peu fatigués et l’on fait aussi un peu de renforcement musculaire.  On veille également à ce que les malades boivent suffisamment. A la fin on, boit un jus d’orange avec quelques amandes, on discute un peu et ça se termine ainsi.  Cela fait partie des situations importantes pour que le groupe des non malades puisse s’approcher d’un malade et arrivent à une discussion même celle-ci n’est pas très cohérente. Un malade alzheimer est quelqu’un qui a l’air totalement normal ce qui n’est en général pas la vision qu’a le grand public.  On explique à ceux qui émettent quelques réserves pour trop se mélanger que les malades les plus autonomes vont souvent jouer avec de vrais joueurs.

 

 

En quoi consistent les jeux d’équilibre ?

Le premier exercice le plus simple même à un stade très avancé consiste simplement à être en équilibre sur un pied. Cela se fait en tournant un petit peu la tête ou en fermant les yeux. On est toujours à côté en cas de perte d’équilibre. Ensuite en équilibre sur un pied et avec la pointe de pied il faut toucher quelque chose devant et quelque chose derrière. Ce qui  renforce tout l’équilibre avant arrière et certains muscles au niveau des jambes que l’on n’a pas sur une situation statique. On le fait avec eux.  Quand on le fait une minute sans s’arrêter musculairement on sent que l’on a travaillé. Puis pour l’équilibre droite gauche marcher le long d’une ligne à petits pas avec une progression plus ou moins importante selon le stade de la maladie. Pour le dernier exercice eil faut en étant bien droit s’asseoir, se lever, s’asseoir, se lever, s’asseoir. On leur conseille souvent de le faire en levant un peu les mains. C’est le mouvement le plus complet pour tout ce qui est gainage et bas du corps.  Une étude a été réalisée à l’Insep prouvant la corrélation entre la puissance des quadriceps et le maintien de l’équilibre de la personne.  Garder des jambes un petit peu plus musclées ne peut qu’aider à se rétablir si on a une petite perte d’équilibre. Ces exercices sont réalisés toutes les semaines. Seul l’équilibre avant arrière n’est pas destiné à tous les malades.

 

 

Au niveau physique quels sont les progrès ?

Comme les personnes en bonne santé, les malades arrivent à jouer de plus en plus longtemps au fur et à mesure des séances. Une vraie progression s’effectue au niveau vasculaire et physique.  Mais c’est un sport fatigant car on est debout, on piétine, ; on va de droite à gauche, on ramasse les balles avec à chaque fois une flexion supplémentaire. Sans s’en apercevoir on est tout le temps en mouvement.  La proprioception de la personne évolue aussi.  Par exemple, pour Laurent notre plus jeune malade, le premier confinement a été une catastrophe. Il a beaucoup perdu en terme de capacités physiques, et intellectuelles. Quand il est revenu au début, il se cognait contre la table et parfois il saignait. Mais malgré la maladie qui avait beaucoup avancé ; on s’est rendu compte qu’au bout de trois semaines, il arrivait à jouer ces balles très basses en ne se cognant plus contre la table.  Il sentait mieux ce qu’il devait faire et il a conservé cette aisance.  Pour la partie motricité, coordination, tout le monde progresse. On a un malade qui a une visibilité réduite, et une neurologue lui avait déconseillé de venir, sa femme aussi, mais lui voulait venir. Il est venu une fois, il a adoré mais pendant deux mois, une balle sur deux au lieu de la taper tout de suite il reculait, la laissait rebondir par terre, la tapait ensuite comme au tennis. La balle rebondissait sur la table, par terre. Il reculait, la tapait et arrivait à la renvoyer sur la table. On maintenait un échange de cette façon et petit à petit on le rapprochait un peu de la table. En deux mois, il est parvenu à jouer tout le temps à la table, comme quelqu’un qui apprend à jouer et qui fait des progrès. Il n’a plus aucun problème de coordination par rapport au ping-pong.

Le but c’est l’activité physique. Donc que la balle rebondisse quatre fois ou 10 fois peu importe du moment qu’il y a cet échange de balles.

 

 

 

Les bénéfices annexes auxquels vous ne vous attendiez pas ?

On n’avait pas anticipé le fait que les aidants allaient autant apprécier venir, discuter entre eux, jouer et participer à une vie de groupe.  Autre chose non prévue : la partie intergénérationnelle. Ainsi pendant les vacances les petits enfants des malades peuvent venir jouer avec eux et un foyer de vie dans le 77 veut lancer l’activité. Ils se rendent compte qu’un alzheimer a de moins en moins de discussion avec ses petits enfants ou enfants et le ping-pong reste un moyen de se reconnecter et de partager un petit moment ensemble. Un malade d’Alzheimer est plutôt bien physiquement, il faut en profiter et le stimuler. C’est très plaisant de voir ce partage entre un père et sa fille. La maladie de notre plus jeune malade  a avancé très vite et actuellement il a du mal. Mais dans un premier temps il jouait avec sa fille. Alors qu’à la maison il ne parle quasiment plus. La partie apathique que l’on voit dans le cadre privé disparaît complètement quand il se plonge dans cette activité. Cela lui provoque  ainsi qu’à sa famille un réel bien-être.  On a des malades qui aiment bien inviter de temps en temps leur frère, leur sœur à venir jouer un petit peu avec eux. Ils sont fiers de montrer qu’ils y parviennent, qu’ils font partie d’un club. Il règne une grosse émulation. L’on s’est rendu compte que le ping-pong avait un effet hypnotique. Le fait de sentir le rythme de la balle met certains malades en état de flow, un état second englobant un état de concentration optimale. Un peu comme une auto hypnose… En cas de gros problèmes moteurs on arrive quand même à maintenir un petit peu des échanges et quand des problèmes intellectuels surviennent, la partie fonctionnelle qui renvoie  la balle se réactive.  Etienne par exemple qui à la maison n’arrive quasiment plus à faire d’activités et abandonne au bout de 5 minutes joue au ping-pong 1 heure et demi sans s’arrêter. On a mis en place des exercices destinés à développer cette concentration en essayant de prolonger cet état second. Etienne pour rester concentré a besoin de mouvement, d’action de rythme apporté par des échanges continus. Pour ce faire, on a une bassine pleine de balles à côté de nous et l’on envoie des balles sans arrêt. L’important au ping-pong c’est de suivre la raquette de l’adversaire pour savoir si elle va à droite, à gauche, si elle va être rapide, haute, si on va faire une feinte. Autre exemple : Marie-Pierre qui  a d’énormes problèmes de concentration. L’on a trouvé une astuce pour qu’elle reste longtemps à la table, et qu’elle joue. On lui met Carmen sur un téléphone posé sur la table de ping-pong. Elle est là, elle chante, joue pendant 1h et balance le bras comme un chef d’orchestre, sourit, regarde un peu partout. La musique la remet dans cet état de flow. Chaque malade a des besoins un peu différents. Certains ont besoin d’un repaire visuel.. Mais on ne cherche pas à mettre en avant les repères de chacun car on ne veut pas non plus stigmatiser telle ou telle personne.

 

 

 

Est-ce du ping-pong  en simple, ou en double ?

Souvent en simple, et quelquefois en double. On ne compte jamais les points, ce n’est pas de la compétition. Le but c’est de jouer un maximum. En terme de matériel, on a beaucoup de balles, pleins de paniers remplis. Les entraîneurs, les bénévoles ramassent souvent les balles, et il n’y a pratiquement aucun temps mort, le but étant de garder beaucoup de dynamisme.  Tout le matériel est fourni et les bouteilles d’eau aussi si besoin. On fait attention aux raquettes et on dit à tous les clubs qui mettent en place le programme de se servir de raquettes plutôt résistantes. La raquette peut tomber par terre, cogner un peu la table. Il faut une raquette qui n’accroche pas trop, qui n’ait pas trop d’adhérence. On respecte beaucoup le geste naturel de chacun. Les effets doivent être peu existants car la personne dotée du même niveau ne va pas pouvoir renvoyer la balle à chaque fois. On prend donc des raquettes qui ne mettent pas beaucoup d’effets. Les balles sont exactement les mêmes que pour un groupe normal afin que les non malades puissent se mélanger au maximum.

Ils vont être à peu près au même niveau et s’amuser ensemble. On va créer des situations leur permettant de progresser en groupe. Cette première phase est la plus facile à appréhender. La pathologie peut être plus axée soit sur la mémoire , soit au contraire sur la partie coordination, motricité et l’on utilise des exercices ou des situations spécifiques. Pour certains c’est difficile de renvoyer la balle à chaque fois au-dessus du filet. A ce moment là, on l’enlève en gardant les échanges et le même concept. Les malades très avancés et plus âgés vont jouer sans filet et assis. Les plus jeunes même avancés peuvent se tenir un peu debout devant la table. On va les mettre en confiance avec une situation très simple, la balle va juste rouler et on va changer un petit peu les trajectoires. Il ne faut jamais que ce soit présenté comme une contrainte et les malades doivent agir en fonction de leur humeur du jour. On a un créneau en début d’après-midi et un le matin. En période normale, 16 malades ont 30 tables à leur disposition dans une salle de 900 m2. Le plus âgé a 87 ans, mais il n’est pas très avancé dans la maladie.

 

 

Qu’est-ce qui est le plus difficile côté enseignement ?

De voir que la maladie avance quand même.  Mais tout montre que s’ils étaient moins actifs ils auraient avancé plus vite dans la maladie. Mais c’est difficile de faire une évaluation  car l’on ne connaît que la réalité actuelle. On s’occupe du même patient depuis plus de trois ans et chaque famille stimule différemment son malade. On en a deux ou trois qui en trois ans sont très stables mais qui après les vacances d’été prennent un petit coup quand même.  Ils ont perdu soit en motricité soit en tenue de corps.  On ne sait pas si c’est le manque de ping-pong ou le fait de ne pas être stimulé comme habituellement au quotidien.  Lors du premier confinement, tous ont perdu un peu en autonomie.  Ou en tout cas ont avancé dans la maladie. Le plus gros problème pour nous ce n’est pas la mémoire, c’est la concentration. Avoir un malade qui va se mettre à déambuler, que l’on a du mal à garder avec nous.  C’est pour cette raison qu’une des priorités au début c’était de savoir comment les garder à la table. Et puis l’on s’est rendu compte que chacun avait un besoin différent. Au début, on n’avait pas trop les solutions, maintenant on les laisse déambuler un petit peu. Après si on sent qu’ils n’ont pas trop envie de jouer on les fait s’asseoir et l’on discute.  Si certains ont besoin de marcher dans la salle pas de problème, la salle est grande.  La déambulation c’est simplement parce qu’ils ont décroché. Des déclencheurs nous permettent de les remettre en route.  Notamment la phrase « Renvoies la balle « que l’on utilise tout le temps. En tout cas cela fait plaisir, car ils rigolent, racontent des blagues. Les aidants nous disent qu’ils ne sont jamais comme çà chez eux.  Apparemment c’est le jour et la nuit, mais je ne les vois que pendant le jour. Ils parlent de cette activité chez eux et one envie de revenir.  Les bénévoles de France Alzheimer nous ont dit qu’il y en a certains qu’ils ne reconnaissent plus. Même si parfois ils ne se souviennent pas d’une personne, ils n’oublient jamais qu’il vont au ping-pong. Des réactions surprenantes ? Une ou deux fois, un malade au lieu de nous renvoyer la balle nous a lancé sa raquette mais c’était avec douceur donc sans incidence...

Je pense aussi que certains professionnels voient des différences mais ils ne vont pas s’avancer sur ce terrain là, sans études. Ils veulent des preuves scientifiques.. Dans quelques  clubs, l’on peut jouer toute l’année et l’idée c’est de le mettre en place dans ce genre de club Même encore plus régulièrement comme un foyer de vie. La fédération allemande est intéressée. Il y a peu, j’ai fini de former des professeurs à Toronto au Canada. Quatre Ehpad veulent lancer le programme en association avec des clubs locaux. Ils vont faire exactement la même chose que nous et veulent aussi utiliser le ping-pong comme un média de reconnaissance avec la famille. C’est un réel questionnement pour des résidences de personnes âgées.

 

 

Avez-vous eu l’occasion de discuter avec des professeurs utilisant d’’autres sports avec les malades Alzheimer ?

Un peu avec des professeurs de basket, activité lancée dans l’est de la France. Mais au final ils ont arrêté car le ballon peut faire mal et ils ne peuvent pas le donner à n’importe qui.  Aussi avec quelqu’un qui a lancé un tai-chi-chuan très doux. C’est pareil il existe un moment où à un certain stade de la maladie on ne peut plus expliquer les mouvements.  Même si on montre le malade ne réagit plus. Une partie du cerveau du malade n’est plus là.

 15 clubs en France ont maintenant lancé l’activité ping-pong.  On essaye de recréer des connections entre les antennes France Alzheimer et les clubs de ping-pong où il règne un peu de dynamisme.  Beaucoup de clubs sont intéressés car ils s’aperçoivent vite des bénéfices et et l'on, espère que de plus en plus de clubs adopteront  le projet.

Agnès Figueras-Lenattier

 

 

 

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mardi, 03 janvier 2023

L'art en prison

prisonniers,peintures,expositionBruno Luvolé

Fin 2022 a eu lieu à la Mairie du XIIIè arrondissement, une très belle exposition sur de magnifiques peintures réalisées par des détenus du monde entier. Une initiative résultant d’un partenariat entre deux associations l’une créée par Peter Echtermeyer "Art and Prison" un ancien aumônier allemand ayant longtemps travaillé dans des prisons et l’autre, "Art et prison en France"créée par Bruno Luvolé. Cela donne un résultat étonnant où l’on peut se rendre compte que les détenus ont en eux des capacités insoupçonnées et sont capables par le biais de l’art de se transformer… Un nouveau regard sur le milieu carcéral…

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Pourriez-vous parler de votre association « Art et Prison en France » ?

C’est une association qui a été créée en 2014, au départ pour organiser l’exposition en France d’œuvres d’art détenues dans le monde entier. Ce qui a déterminé cette initiative c’est la rencontre de mon épouse avec Peter Echtermeyer.  Nous étions en voyage en Italie et elle a vu cet homme devant une galerie qui lui a dit « Entrez, voyez ». Elle a donc vu une exposition de tableaux, et Peter Eschtermeyer lui a demandé ce qu’elle en pensait. Elle lui a répondu que quelque chose d’étonnant émanait de ces peintures et c'est alors qu'elle a appris que ces tableaux étaient réalisés par des détenus du monde entier.  A l’époque Peter Echtermeyer était aumônier dans une prison en Allemagne et il a mis en place cette association dans le but de promouvoir l’art pictural des prisonniers.. Il a également créé un concours international de peinture réservé aux détenus. Comme il avait de nombreuses relations dans des prisons se situant dans différents endroits, il a réussi à obtenir des tableaux qui venaient de 40, 50 pays (aujourd’hui, il y a près de 60 pays représentés) et en 2022, il en est à son 6ème concours. Un jury avec artistes et spécialistes est présent, et des sponsors donnent de l’argent ce qui permet d’attribuer des prix.. Mon épouse est cinéaste, et elle a eu envie de faire un film sur le sujet car c’était inédit pour nous. Il s’intitule «  Un demi- mètre carré de liberté. » Pour le moment, nous ne l’avons pas encore mis sur une plate-forme, nous l’avons montré lors de festivals notamment aux Etats-Unis et  il a obtenu un prix en Angleterre. Nous l’avons aussi montré 2,3 fois à Paris particulièrement lors de l’exposition à la Mairie du XIIIè arrondissement. Nous n’avons pas trouvé de financement pour le mettre en vente, Il aurait fallu davantage de sensationnel. Si un gangster était devenu peintre, la situation aurait davantage intéressé les médias mais ce n’est pas ce que l’on a voulu démontrer. Nous avons parlé avec Peter Echtermeyer de notre documentaire qui nous a donné son accord mais nous a expliqué que ce qui l’intéressait surtout c’était d’exposer ses tableaux en France.  Il avait déjà exposé dans divers pays d’Europe. C’est ainsi que nous avons créé notre association pour exposer cette collection en France. Nous avons  trouvé une galerie près de la Bastille qui s’appelait Dorothy’s Galerie tenue par une américaine qui a bien voulu prendre l’exposition gratuitement même si les œuvres n’étaient pas à vendre. Nous avons pu bénéficier de la galerie pendant 3 mois.

 

 

Pourquoi les œuvres ne sont-elles pas en vente ?
L’une des difficultés c’est qu’il existe un contrat de cession signé avec les pays. Ce n’est pas possible de vendre car tout dépend  des règles de chacun. C’est vraiment au cas par cas et c’est extrêmement compliqué à gérer. Quand on a exposé les œuvres en 2014, il a fallu trouver une structure juridique pour financer le transport. On avait levé des fonds en créant cette association et on avait organisé à l’époque 18 soirées sur la détention et surtout sur l’art en prison. Une soirée avec des juges, des anciens détenus, diverses personnes a été mise en place. Des films ont été projetés dans la galerie et certaines personnes nous ont encouragé  à continuer notre action en faveur  de l’art en prison. On a donc persévéré, et l'on a refait des expositions à Saint-Nazaire, Paris et Strasbourg en 2018. Et en 2022 on a fait cette exposition à la Mairie du XIIIè. On aurait du le faire avant mais le covid nous en a empêché. Nous avons également un réseau de galeries d’art qui s’appelle « Carré d’artistes « qui nous a accueilli pendant un mois à Marseille pas très loin du vieux port.

 

 

Quel est le but essentiel de ces diverses démarches ?

De donner au public une vision différente de l’univers carcéral  et des détenus en exposant  ces œuvres qui sont souvent magnifiques. Ce sont des personnes qui ont à un moment donné de leur vie commis des actes répréhensibles même dans certains cas un acte criminel mais on ne peut pas résumer le profil d’une personne juste à un agissement dépourvu de tout contrôle à un moment donné. Et puis les gens évoluent. Les personnes libres à l’extérieur évoluent, les détenus aussi et on veut changer le regard envers ces prisonniers. Ce sont des personnes qui peuvent créer un bel univers avec tout ce que cela implique. Un public qui regarde les détenus différemment va aider à leur réinsertion. En effet, souvent l’une de leurs difficultés, vient du fait qu’ils ont fait quelque chose de condamnable et c’est marqué sur leur front à vie. Il existe beaucoup de récidives car on ne leur donne pas la possibilité de ne pas récidiver. Comme l’a bien dit Peter Echtermeyer lors d’une interview, si on leur tend la main, si on les aide, s’ils ont un accueil favorable, cela peut multiplier leurs chances de s’en sortir.  Les personnes qui récidivent je ne parle pas forcément des crimes les plus violents se trouvent à leur sortie à la rue. Ils perdent leur logement faute de payer le loyer, sont souvent rejetés par leur famille quoi qu’ils aient fai. Ils se trouvent désocialisées car leur contact se résume aux personnes qu’ils ont fréquenté pendant 1 ou 2 ans en détention. Donc ils en viennent à voler faute de pouvoir se nourrir. L’art les aide à changer de comportement, à se cadrer, à se poser, à réfléchir éventuellement sur ce qu’ils ont fait.  Il faut être conscient que l’on demande à la prison de pallier les faiblesses de la société à intégrer ces personnes là. Il y a beaucoup de personnes quand on parle de récidives qui espèrent que la prison va corriger en 4,5, 10 ans ce qui n’a pas été fait pendant les 20 premières années de la vie de la personne.

 

 




 

Quelles sont les œuvres qui ont été exposées à la mairie du XIIIè ?

Celles du concours de 2020 avec quelques œuvres emblématiques que l’on réexpose plusieurs fois. A chaque fois, c’est extrêmement bien reçu, et l’intitative  soulève beaucoup d’interrogations . On se rend compte que des détenus peuvent s’exprimer par l’art, que c’est universel, et que ce n’est pas une lubie sociale dans un pays. On a de plus en plus de gens qui rejoignent notre association et l’on est maintenant un peu plus de 40 membres. Je pars avec une camionnette et quelques amis de l’association  et l’on va chercher les tableaux à Berlin, Marseille, puis on les ramène à Paris.  C’est un budget qui cette année a représenté au total 15.OOO euros et il faut les trouver. On a fait des levées de fond sur financement participatif et on avait encore des fonds acquis lors des précédentes expositions.  En 2018, on avait reçu une subvention de l’administration pénitenciaire dans le Grand Est lors d’une expo à Strasbourg. En 2014, on avait eu des subventions de la Sodexo justice services et en 2022 on a obtenu une subvention du secours catholique et une subvention de la Mairie de Paris.  A chaque fois, on essaye de taper large avec des personnes qui nous soutiennent. Globalement, peut-être parce que les gens qui viennent sont déjà intéressés par le thème, les réactions sont toujours très positives. Les gens de la Mairie du XIIIè avec qui j’ai pu en parler sont étonnés par la qualité des œuvres et se rendent compte que ces personnes qui parfois ont fait de longues peines sont capables de réaliser de très belles choses…

 

 

 

 

Existe-t-il beaucoup d’ateliers culturels en prison ?

Oui plus qu’on ne le croit. Il y a deux ans est sorti un film intitulé « Le triomphe » une fiction qui recréé un atelier théâtre en détention . Présente aussi de la danse avec l’intervention de chorégraphes comme Pierre génie qui a monté un spectacle Porte de la Villette avec des détenus de Nanterre. On trouve également des arts visuels comme la peinture, la sculpture, le chant, la musique . Mais c’est un nombre limité de détenus qui en profitent à chaque fois. Des initiatives se mettent en place pour apporter un peu d’art dans les murs . A eu lieu une exposition au centre pénitentiaire sud francilien à Réau. Les détenus sont devenus des spectateurs et ont pu observer des reproductions d’œuvres au sein  de grands tableaux. Certains détenus avaient été formés pour être des commissaires d’exposition dans le but de faire visiter les expos à d’autres détenus. C’est bien, mais ce que l’on regarde aussi c’est ce que produisent les détenus eux-mêmes. A Paris, une organisation « Talents cachés » organise des œuvres qui viennent de la région parisienne. Ils les montrent  depuis quelques années à la Mie de Pain tous les ans au mois d’octobre. Ce qui implique qu’il existe quand même beaucoup d’ateliers comme des ateliers théâtre à la Santé. Quand nous avons projeté notre film à la Mairie du 13ème, une jeune femme qui intervient en atelier théâtre dans ce lieu a lu des textes. On peut donc voir des œuvres qui viennent d’autres institutions que celles du concours allemand. Mais c’est parfois compliqué à monter pour des raisons de cession. Prendre des œuvres, les retourner en détention, réussir à les faire sortir demande toute une logistique…

 

 

Comment se passe un atelier ?

Dans les ateliers auxquels on a assisté il règne souvent une certaine forme de liberté, ce sont les personnes qui choisissent. Un modèle est parfois suggéré mais pas obligatoirement. On peut aussi être simplement des guides ou des professeurs en disant : Vous faites un peu ce que vous souhaitez mais soyez un peu plus structuré dans ce que vous faites.  Quand vous fais ceci, essayez de le représenter de telle ou telle façon. » On peut aussi proposer un texte sur lequel il faut parler, un thème.  Chacun créée différemment et la fréquence dépend des centres. Dans une maison centrale comme Saint-Maur, les gens ont la possibilité de se promener à certaines heures de la journée. Tout est très sécurisé, mais des plages horaires sont instaurés et ceux qui le veulent peuvent avoir accès à la salle qui en général est fermée. Il faut que quelqu’un procure l’accès mais on peut y rester le temps que l’on veut. Si un détenu a envie de peindre, il peut le faire seul dans sa cellule si les conditions présentes dans les maisons centrales le permettent… C’est moins restreint qu’on ne le pense mais je manque un peu de statistiques là-dessus sachant qu’il existe en France 187 établissements pénitentiaires. Ceux pour les longues peines les maisons centrales et les maisons d’arrêt. Dans les maisons d’arrêt, on trouve généralement trois catégories de détenus : les prévenus en attente de jugement, les détenus pour courte peine moins de deux ans, les détenus en attente de transfert et entre deux affectations. Ceux qui sont en courte peine ont moins de chance d'avoir accès aux ateliers vu l’attente.  On aura donc plus de gens condamnés à de longues peines.

 

 

Est-ce réservé à un certain profil de détenus ?

En général ce sont quand même des détenus qui se comportent correctement, ceux en rébellion ou autres, on a plus de mal. Les places sont chères et quand on avait réalisé notre film, un détenu nous avait dit qu’il avait attendu un an et demi avant de pouvoir intégrer un atelier de peinture d’environ 10,12 personnes pour 800 détenus. Et puis peut-être que c’est plus facile de se projeter, de participer à des ateliers pour les détenus qui ont déjà un certain bagage artistique. C’est à titre personnel d’oser se lancer. La plupart avaient déjà un contact avec le domaine, mais il peut exister des personnes totalement ignorantes sur le sujet. En général dans ces ateliers les artistes qui interviennent et guident les prisonniers sont extérieurs à la prison.  C’est vraiment dans les années 80 du temps où Robert Badinter était ministre de la Justice que cela a vraiment démarré.  

 

Possibilité pour des personnes de l'extérieur d'intervenir

 

Un partenariat avait été signé entre le Ministère de la Justice et le Ministère de la Culture avec une convention qui permettait à des personnes extérieures d’intervenir. Il fallait quand même le cadrer et l’organiser.  C’est souvent pris en charge par des associations locales et ces prisonniers peuvent effectivement être totalement dépourvus d’éducation artistique. On en rencontre un certain nombre y compris parmi les longues peines qui nous ont dit quand on a fait le film qu’ils n’avaient jamais eu de contact avec l’art. Mais l’un d’entre eux a confié avoir déjà pris un carnet pour dessiner.  Ce sont généralement des gens qui ont quand même une petite démarche de fibre artistique. Certains peuvent dire « Je ne connaissais pas, et dans l’enfermement ça m’a permis tout à coup d’être plus apaisé.  Cela oblige le détenu dans un milieu assez anxiogène et agité à se poser, se calmer, réfléchir et à se demander ce qu’il peut produire, ce qu’il a envie de montrer et comment. On peut juste barbouiller une toile, mais ce n’est pas le cas en général. Ce sont souvent des moments que les détenus apprécient dans un atelier ou même en cellule. Etre tout à coup plongé dans une création, s’exprimer par l’art alors qu’’ils ne sont pas forcément à l’aise dans la langue du pays est pour eux une sorte de réconfort. Ce sont des personnes qui bougent, qui ont d’autres origines culturelles. Il existe tout un ensemble de cheminements pour le détenu qui l’incite à aller vers cela même s’ il n’avait pas la fibre artistique au départ. Un rapport réalisé en 2022 devant l’Assemblée Nationale sur le système pénitentiaire français démontre que le niveau d’études des personnes en détention est quand même très faible. On considère qu’il y a 10% d’illétrés, 20% qui maîtrisent mal l’écriture et 75% qui ont un niveau maximum CAP.. Il viennent de milieux défavorisés soit par l’environnement, soit par les hasards de la vie, ce qui les bloque complètement et les font réagir de manière totalement dépourvu de sens social.

 

 

 

Des exemples de reconversion ou autres ?

Je pense à un détenu que l’on connaît assez bien qui a été le parrain de nos expos en 2018. Il a fait des conneries jeune et s’est remis au dessin, a repris des études de communication alors qu’il était en détention et qui maintenant est dessinateur et publie des BD. Il a fait une attaque à main armée, s’est laissé entraîner dans un groupe. Il s’est retrouvé condamné à 10 ans, et a du en faire 6. Il ne peignait pas avant, et il est même devenu acteur dans le film «L’innocent » où il joue l’un des gangsters.  Lui qui a eu une enfance difficile affirme que tout ce que l'on a en soi notamment contre la société qui nous a mal traité, qui ne nous a pas aidé ou jamais tendu la main , c'est plus judicieux de  le mettre sur une peinture plutôt que d'agresser les gens.  La contrôleuse générale des lieux de privation de liberté Dominique Simonnot auditionné en octobre à l’Assemblée Nationale qui justement citait des détenus devenus positifs pour la société a parlé immédiatement de lui.

 

le livre d'un détenu s'en étant sorti

 

 Mais il y en a d’autres comme Karim Noktari qui a écrit un livre « Rédemption, itinéraire d’une enfance cassée ». Il a eu une enfance telle que je ne sais pas comment nous aurions réagi à sa place. Quand on est tout petit dirigé dans la mauvaise direction c’est très dur de s’en sortir et lui s’en est sorti en prison. Tout d’un coup, il a eu la force de caractère de s’ en sortir. C’est un exemple de personne qui par l’accès à la culture en détention a pu commencer à se cultiver, à changer. C’est quelqu’un de remarquable, très brillant, coordonné, très structuré dans sa pensée. J’ai aussi entendu parler d’une femme nommée Diana par Peter Estermeyer qui a fait des années de prison en Ukraine et qui est l’auteur de deux tableaux et qui en sortant est devenue travailleuse sociale. Sa capacité à s’exprimer par l’art l’a contrainte à réfléchir. Elle a peint dans une cellule avec 30 femmes autour d’elle. Il faut avoir une capacité à sortir de l’endroit où l’on est… Il existe cela dit des génies de la peinture qui ont été des voyous comme Caravage.  Il ne faut pas idéaliser les choses mais ça aide à s’en sortir. Une directrice qui s’exprime dans notre film témoigne que la vie est dure pour beaucoup de gens qui sont mécontents de leur sort et qui expriment cette colère par la violence. S’ils sont face à un obstacle du fait qu’ils n’ont peut-être pas la maîtrise du langage, l’art peut leur permettre de dire ce qu’ils ont en eux et de témoigner leur rage de façon positive.  Des statistiques concernant l’effet de l’art sur les récidives ? Je n’ai pas de chiffres sur la récidive, la non récidive et à ma connaissance il n’existe pas vraiment d’étude sociologique ayant permis de suivre les gens de façon suffisamment vaste pour dire quoi que ce soit. Une étude faite par le profeseur Keliotis en Angleterre portait sur seulement 90 personnes . Or chaque année il y a plus de 90.000 personnes qui sortent. C’est donc difficile d’en tirer des conclusions. Beaucoup de détenus une fois sortis de prison, ne souhaitent pas rester en contact avec le milieu pénitentiaire et on ne sait pas ce qu’ils sont devenus. Ils disent que cela fait partie de leur passé, et veulent définitivement tourner la page. . On ne sait donc pas ce qu’ils deviennent sauf s’ils retournent en prison.

 

Quels sont les pays ou l'art en prison est davantage développé ?

Ce que l’on constate d’après le concours allument, c’est que pratiquement aucune œuvre ne provient d’Afrique. Ceci pour des raisons purement matérielles et financières. Les pays où c’est le plus développé c’est en général l’Angleterre avec une fondation qui s’appelle « The Koestler Trust". Ils sont financés par l’administration pénitentiaire et organisent chaque année également un concours d’art et exposent dans un lieu emblématique à Londres. 250 œuvres venant des prisons britanniques. Il y a quelques années quand on en avait parlé, ils recevaient annuellement 8000 œuvres sachant qu’un autre concours a lieu en Ecosse. Ils servent un peu un modèle et sont financés par l’administration pénitentiaire britannique. En Californie, il existe une association « The  lawyers for the Art « , « les avocats de Californie pour l’art » qui a organisé un grand colloque avec des intervenants de plusieurs Etats. Aux Etats-Unis, cela dépend des Etats et on en trouve de plus ou moins répressifs. Les échos que l’on a en France indiquent que si c’est l’administration pénitentiaire elle-même qui s’en occupe, ce n’est pas très bien reçu. En effet, on ne va pas transformer un gardien de prison en professeur d’art et de plus en plus, il peut survenir une réaction psychologique négative  si c’est imposé par l’administration. Donc la richesse vient de l’intervention de gens venant de l’extérieur.  Ce sont souvent des initiatives d’associations qui permettent d’avoir ce foisonnement et je dirais que dans les pays occidentaux globalement c’est assez développé.  Beaucoup d’œuvres également viennent d’Amérique latine. De temps en temps, les conditions d’emprisonnement font la une des journaux et disent que la situation ’est assez catastrophique.

 

 

Quels sont vos projets ?

Refaire des expositions. Le 6ème concours international se déroule en ce moment et comprend davantage de tableaux venant de centres français. Nous allons exposer de nouveau ces collections en 2024. On est aussi présent jusqu’à début mars à Villeneuve sur Yonne . Un débat va avoir lieu le 16 janvier à 18h30 sur l’art et la culture en prison à l’auditorium de la Mairie de Paris. L’on va faire parler des intervenants come Mr Cotte ancien magistrat, président honoraire de la chambre criminelle de la cour de cassation, et ex président de chambre au tribunal pénal international, Laurent Ridel directeur de l’administration pénitentiaire, Karim Moktari un ancien détenu, et Peter Echtermeyer l'aumônier. Ils expliqueront ce que l’art apporte aux détenus. Pourquoi et comment il faut le développer, quels sont les enjeux et les défis que représente l’introduction de l’art et de la culture en détention.  Au mois de janvier, 12 tableaux vont être reproduits sur de grands panneaux en impression aluminium et exposés rue de Rivoli juste avant l’hôtel de ville dans un bâtiment de la Mairie de Paris la caserne Napoléon … On devrait également essayer de monter une exposition en 2023 ou 2024 dans le Sud de la France à Nimes avec un coordinateur culturel. J’ai suggéré l’idée à l’administration pénitentiaire de faire une exposition venant de la collection à la fois en détention et en extérieur afin que les deux initiatives soient jumelées.  

 

Agnès Figueras-Lenattier