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lundi, 25 septembre 2023

Xavier Pierre

***Xavier Pierre-Dédicace-2019.JPGXavier Pierre a d’abord été peintre. Ayant souffert d’un AVC intra-utérin , il est né avec un handicap et a longtemps été hospitalisé dans sa jeunesse. Pour occuper ses journées, il ne cessait de dessiner.  Après avoir fait les Arts Appliqués, il a exposé à Paris. Puis un jour, il est devenu poète suite à une rencontre avec une femme. Actuellement, il est passionné par cet art, et a créé deux salons de poésie l’un à Dinard, l’autre à Lanvollon. Egalement éditeur de poésie, mais ne gagnant pas suffisamment bien sa vie, il  a  longtemps été commercial. Il a créé des réseaux dans ce domaine, a vendu de la demi-coque de bateau et à un moment donné, s’est retrouvé délégué dans la visite médicale, pendant 17,18 ans. Selon ses dires, cette dernière activité lui a beaucoup plu..

 

Petit, vous passiez votre temps à dessiner.

Je suis né peintre. Petit, j’ai eu de très grosses difficultés de santé, un AVC intra utérin. Je suis donc né avec un handicap, impliquant  une scolarité très décalée et des années d’hospitalisation à l’âge notamment de la puberté pour retrouver du muscle.  A partir de là, je passais mon temps à dessiner. J’avais des piqures tous les jours et au départ j’étais piqué par les infirmières. Par la suite c’est ma mère qui a pris le relais après avoir appris à piquer avec des oranges.  Le jour où j’ai compris que mon handicap était plus dans la tête des autres que dans la mienne, j’ai commencé à éclore.  Un jour ma marraine qui était la femme du chef de cabinet de Maurice Herzog, a proposé à mon père de m’envoyer dans une école de dessin à Paris. Mon père a dit non, il voulait que je fasse L’lX. Mais je n’ai fait ni l’X ni le Y ni le Z, je n’étais pas fait pour ça. Je me suis donc dirigé vers les  Arts Appliqués et en sortant je faisais des expos à Paris. Un beau matin, ma fille à l’âge de 4,5 ans me montre un dessin qu’elle avait fait extrêmement surprenant. « C’est quoi » lui dis-je ? « Des oiseaux. » me répond t-elle. C’est vrai que lorsqu’on examinait le dessin on voyait bien les oiseaux.. Des oiseaux d’un enfant de 4 ans certes... C’est alors que l’idée m’est venue d’aller voir ma chef de bureau avec qui j’avais fait les Arts Appliqués et de lui montrer ce dessin qu’elle trouva intéressant tout en étant surprise.  "Est-ce que ça ne serait pas intéressant lui ais-je demandé d’aller capter les dessins d’enfants dans les écoles parisiennes? " Elle approuva ma proposition et on est allé en parler au patron. Après réflexion, l’idée fut refusée notamment pour des raisons financières. Cela ne se faisait pas à l’époque.  Mais on décida de créer un atelier de dessin pour enfants et j’en ai pris la responsabilité.

 

Vous êtes poète. Pourriez-vous commencer par expliquer ce que signifie cet art pour vous ?

La poésie, je l’avais en moi artistiquement parlant, et c’est devenu mon ADN. Je n’ai aucune prétention mais c’est vital. J’en ai besoin, sinon il me manque quelque chose. C’est devenu une façon de communiquer intimement avec l’autre et quand on parle poésie avec quelqu’un, on le ressent différemment. On ressent ce qu’il porte vraiment en lui, que ce soit une femme ou un homme.

 

Comment êtes-vous devenu poète ?

Un jour, j’étais chez moi à Dinan. La porte de la cuisine donnait sur l’entrée arrière de l’immeuble, et je sors ma poubelle. J’entends marcher dans l’escalier, quelqu’un descendait. Je regarde, apparaît alors une jeune femme lumineuse.  Je m’arrête, lui dis bonjour et lui demande comment elle va et si elle habite là. « Je vais probablement résider ici » m’explique t-elle. En voyant cette personne, il s’est passé quelque chose, ça a fait tilt. Et le soir même j’ai commencé à écrire de la poésie sur et pour elle. Dans la semaine qui a suivi, elle a emménagé dans l’appartement et tous les matins je me servais de ce que j’écrivais la nuit. Quand il faisait beau, je posais le texte sur son pare-brise et au printemps j’allais faucher une rose chez la voisine d’en face que je joignais avec le texte. Quand il pleuvait je mettais mes écrits dans sa boîte aux lettres.Voilà comment je suis devenu poète. J’essaye de l’être car c’est très difficile.

 

L'importance d'écrire tous les jours

 

Tout le monde n’est pas Prévert ou Châteaubriand. Je travaille donc beaucoup notamment parce que c’est une passion. J’écris tous les jours, et d’ailleurs tous les gens qui écrivent, pas les grands, mais ceux qui veulent écrire devraient écrire tous les jours. Un mot, une phrase, une ligne. Quand j’écris mes mails, systématiquement c’est de l’écriture. J’essaye d’avoir un style, quel qu’il soit ou un peu d’humour, ou de créer une réaction par rapport à ce que j’écris aujourd’hui. Et quand l’inspiration me vient, j’écris des poèmes.  Quand j’ai commencé à écrire, j’écrivais, j’écrivais mais tout n’était pas excellent. Un jour j’étais sec, et catastrophé et je me suis rendu compte que l’inspiration vient comme ça, s’en va, ce n’est pas programmé. C’est peut-être prétentieux ce que je vais dire mais je ne sais pas ce qu’est la plage blanche. Des carnets de notes j’en ai un peu partout et parfois quand je suis en panne d’inspiration je vais les chercher.

 

Pour vous quand vous lisez un poème pouvez-vous deviner si c’est un homme ou une femme ?

On me dit quelquefois que j’écris comme une femme. Quand je parle des femmes, mon âme de poète se met à leur place. On me dit que j’ai une poésie amoureuse dans ces moments là.  Je me définis comme un poète intimiste mais aussi comme un poète en colère et comme disait Léo Ferré " Ce n’est pas parce que l’on n’a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule."  Et quand j’ouvre ma gueule, j’ouvre ma gueule.

 

Une phrase qui pourrait résumer cette colère ?

 Lorsque j’étais à l’hôpital, il y avait des enfants de tous les pays d’Europe, de toutes les religions, de toutes les cultures. On avait tous un handicap et donc on était tous sur le même plan. Je discutais avec des copains et je leur disais "Vous me cassez les pieds avec votre racisme à la con." J’ai vécu avec des jaunes, des blancs, des verts" et à ce moment là il y avait derrière un chinois, un japonais. Je me suis retourné, ils ont vu ma tête, ils ont compris que je rigolais, ils ont éclaté de rire et on a passé un bon moment.  La phrase  qui me vient c'est « Le racisme n’existe pas ». Il est fabriqué par la méconnaissance de la culture de l’autre. Moi je suis catholique, lui est musulman, forcément sur le plan religieux on ne pense pas pareil. Mais avec des mots et des noms différents, on croit au même Dieu et on nous a appris à respecter notre Dieu. Ce n’est pas parce que la culture de quelqu’un est différente que c’est un imbécile, qu’il sent mauvais… Pour moi, le racisme n’existe pas, c’est une plaie, qui ne se cicatrise que quand on a compris cette réalité. Cela arrange aussi certaines personnes de ne pas comprendre. D’autres ne sont pas non plus capables de saisir ces nuances. …

 

 

Vous avez défendu une cause à travers vos écrits, la maltraitance envers les femmes et les enfants !

Je vais vous dire comment c’est venu. J’ai été élevé dans l’aristocratie, bien élevé et de ce fait j’ai évolué dans des milieux très différents.  J’ai rencontré ma première femme en allant acheter une paire de chaussures à Paris porte de la Vilette dans un magasin appartenant à des amis. Je rencontre un copain venu lui aussi acheter des chaussures. Arrive alors une belle jeune femme qui vient lui dire bonjour. Il me la présente et j’ai complètement flashé. Après le départ de cette femme,  je demande à cet ami s’il la connaît et s’il peut me la présenter un peu mieux. "Non, non parce que tu comprends ses frangins sont des durs et je n’ai pas envie d’avoir des problèmes m'explique t-il. Je dis "allez présente là moi, et je lui ai proposé s’il me la présentait de lui payer ses chaussures. Il a acquiescé et m’a donc mis en contact avec ma future femme. On s’est rencontré, on a parlé, on est allé au cinéma voir « Love story », et à la sortie du film je l’ai demandée en mariage. Elle a dit oui et on s’est marié 3 mois après. Or, quelque temps après, je rentre à la maison, on était chez mes parents, et je la vois en crise. Je ne comprenais pas du tout ce qui se passait. Ma belle-sœur arrive, et me dit "Ah la voilà de nouveau en crise." Je lui demande alors des explications et ce que j’ai pu faire de mal. Elle m’explique que je n’y suis pour rien, et me raconte ce qui se passe. Elle m’a alors avoué que ma femme avait été maltraitée.

 

12 ans d'analyse pour comprendre!....

 

Je me suis remarié deux fois et mes deux autres épouses ont eu le même problème. Une autre fois, je rencontre une femme qui écrivait très bien et je lui propose de la publier. Après une conversation au téléphone avec elle, je ressens quelque chose de profond et elle me  confie qu’elle n’a pas eu une vie toute rose, avec une enfance difficile. Je lui rétorque que je sais. Elle avait également été victime de maltraitance. De l’âge de 8 ans jusqu’ à 16 ans, jusqu’à ce qu’elle claque la porte.  Cela m’a valu 12 ans d’analyse pour comprendre et pendant 20 ans, j’ai soutenu « L’enfance majuscule » et j’ai milité en sa faveur. C’est une association qui s’occupe d’enfants ayant vécu des traumatismes et qui essaye de les redresser. J’ai écrit un livre « Remue-méninges au pays d’Alph Abeth » et dans ce livre on trouve deux textes sur le sujet . En fait, j’ai un tryptique dans ma tête, mais c’est tellement long et difficile à écrire. Ca viendra sûrement en son temps.  

 

 

Certaines personnes disent que l’intelligence artificielle peut faire de la poésie. Qu’en pensez-vous ?

Pour être très honnête ; ça me désole car la poésie incarne l’âme de l’être. Si l’iintelligence artificielle  vous dit " Voilà un poème" ; où  est l’âme du poète, l’ADN, la respiration.  Le souhait, le désir d’exprimer un sentiment plus que banal, c’est cela aussi la poésie par les mots, la musique des mots, par le plaisir et le jeu des mots.

 

 

En France la poésie n’est pas très prisée. Quels sont les pays où la poésie est davantage mise en valeur ?
Les pays arabes, c’est une poésie merveilleuse et bien mise en valeur. Le Maroc, l’Algérie, l’Iran. Des gens comme Tahar Ben Jelloun ou autres…

 

 

 

Parlez-nous du salon de la poésie à Dinard ?

C’est moi qui l’ait créé en 2019 en l’honneur de Renée Solange Dayres qui a reçu le prix Théophile Gautier. Cette récompense a déclenché le lauréatat de Solange à l’Académie française soutenue par François Cheng et Hélène Carrère d’Encausse. Elle devait être élue mais elle est décédée trop tôt.  Je la connaissais bien, j’ai travaillé avec elle, elle a beaucoup soutenu ma maison d’édition de poésie la maison "Couleurs et plumes ». J’ai décidé le jour où son mari lui a rendu hommage à Dinard de négocier avec la Mairie pour mettre une plaque commémorative dans son immeuble. Jean-Louis Vergne qui travaillait à la mairie et parrain du salon m’a dit  "C’est une très bonne idée, on va le faire tout de suite ». Si vous allez au 10 rue Levavasseur vous verrez la plaque qui commémore cette femme, là où elle habitait.  René Solange Dayre avait créé un club de poésie « Les Poésiades » et elle rencontrait des poètes dans différents lieux de Dinard après les avoir d’abord accueillis chez elle. Le 1er salon de la poésie a eu lieu au Manoir du Port Breton car la Mairie avait décidé que le salon se ferait pendant la fête du printemps de Dinard au mois de mai. Mais l’ancien maire est décédé. Des élections ont eu lieu et la nouvelle municipalité n’était pas trop intéressée par la poésie. Lors du 4ème salon, le 10 septembre 2023 ils ont révisé leur opinion. A présent, c’est le casino de Dinard qui nous soutient notamment Bruno Toutain le directeur du casino. Il nous a proposé à Alain Goffinider le mari de Solange et moi-même de nous céder le salon de la mer pour organiser le salon. Normalement le salon se tiendra toujours là jusqu’aux prochains travaux. On a passé des accords avec le casino, et on rentre par la digue et non par l’entrée principale, car une carte d’identité est demandée et pour les parents qui viennent avec leurs enfants, ce n’est pas possible.

 

 

 

Ce salon est organisé avec également l’association « Plumes d’Armor événementiel » dont vous êtes le président

J’ai créé cette association pour pouvoir mette en place des salons particulièrement dans les Côtes d’Armor et en Ille et Vilaine.  Se sont donc organisés le salon du livre de Lanvollon dans les côtes d’Armor en accord avec la mairie et le salon de Dinard. Avant de mourir, Solange a demandé à Roselyne Frogé, secrétaire de son association, de perdurer et de continuer à s’occuper du salon de poésie. Mais Roselyne a mis son grain de sel et a changé de titre au profit de « Grain de sable et poésie" car son idée était de faire des lectures de poésie sur la plage. Dans le salon de la poésie à Dinard, on trouve le florilège des poèmes édités tous les ans par ce club "Grain de sable et poésie" avec inscrit florilège n° tant et  sur le côté Les Poésiades.  Ce sont essentiellement des auteurs de ce club. Ne participent au salon de Dinard que ceux qui ont été édités ou ont édité, y compris  ceux qui éditent à compte d’auteur. Chaque année un invité d’honneur est présent et parfois viennent des invités exceptionnels ayant quelque chose de rare à présenter.  Cette année ce fut Antoine Lepret dont le premier recueil est  illustré par deux jeunes iraniens. L’un était graphiste et l’autre illustrateur. Comme ce sont des iraniens qui ont fui leur pays, j’ai estimé que ça valait le coup de les mettre en valeur… L’invité d’honneur était Mario Urbanet détenteur du prix Senghor en 2015 pour son recueil " Couleur noire", très connu dans le milieu parisien. Il dit des contes dans les écoles, et s’occupe de diriger les enfants vers la poésie. 

 

 

Il y avait aussi une exposition de peinture de la pastelliste Joëlle Bourielle ! C’est chaque année ainsi ?

Oui avec soit une expo de photos, de tableaux et même des dessins mais de haut niveau. Joëlle Bourielle mérite vraiment d’être connue et reconnue.  Pour les expos c’est moi qui décide au final, après en avoir parlé aux gens de l’association. Il paraît que je suis trop sévère et trop strict, mais  si j’expose je veux que la qualité soit de mise.. Des lectures de poèmes en intérieur et extérieur ont également lieu. Mais pour cette 4èmeédition, on ne savait pas que se dérouleraient en même temps  la fête du quartier Saint-Alexandre, un tri- athlon sur la plage et aussi le forum des associations. Sans compter la pluie qui a fait son apparition.  On aurait préféré qu’il y ait un ou deux charters de chinois et japonais…

 

 

 

Pourriez-vous parler de votre maison d’édition

Jusqu’au confinement j’éditais 10 livres par an. Depuis ça a dégringolé mais c’est en train de vouloir redémarrer. Avec l’inflation, le papier a augmenté de 60%. Avant je vendais les livres à 15, 16 euros et , je suis obligé de passer à 20 euros. Il faudrait même passer à 25, 30 euros mais à ce prix là, la poésie ne se vend plus. Tous mes recueils auto-édités ? Oui parce que charité bien ordonnée commence par soi-même. J’ai commencé de cette manière. Mon premier livre s’appelait « Couleurs de vie » et j’ai envoyé mon manuscrit un peu partout. Je n’ai trouvé aucun éditeur et un ami m’a conseillé de lancer ma propre maison d’édition. Il y avait possibilité de le faire lorsque Sarkozy a créé les auto-entrepreneurs et à cette époque aucun ISBN n’était obligatoire tant que l’on ne dépassait pas les 500 exemplaires. Je fais de l’édition participative et actuellement, il m’arrive d’offrir des livres pour que les gens qui veulent éditer aient entre les mains la qualité du livre, du papier, de la mise en page…. Quand j’accepte un livre, je ne l’édite pas à plus de 100 exemplaires.  Plus de 100 exemplaires c’est possible de les vendre mais avec une réédition. Le tarif ? Tout dépend du livre, de la couverture et du reste, mais le prix varie entre 900 et 1200 euros. Ensuite c’est à l’auteur de s’occuper de la promotion et de la vente. J’ai des auteurs qui en 3,4 mois ont vendu leurs 100 exemplaires. Une dame de 80 ans a vendu 300 exemplaires en l’espace de 6 mois. Elle était motivée et avait envie de se faire connaître.

 

 

 

Comment voyez-vous l’avenir de la poésie ?

Il existe une recrudescence de la poésie consécutivement à tout ce qui se passe dans le monde actuellement avec la modification des sociétés aussi bien en France qu’ailleurs. Les gens ne sont pas responsables de l’inflation, en ont marre de la violence, de la drogue. Le manque d’humanité de l’autre fait peur. Le monde ne va pas bien et dans ce cas là, la poésie va mieux.

 

Plus que la littérature ?

Non, mais les gens ont besoin de redécouvrir la poésie parce qu’elle leur fait du bien. Quand vous lisez un texte de Prévert, vous pensez à autre chose. Des images surviennent ainsi que la musique du monde. Prévert était poète, mais il était aussi musicien du mot et rêveur des mots….

 

Agnès Figueras-Lenattier

 

Poème de Xavier Pierre en rapport avec la maltraitance d'enfants :

Magiciens de l'infamie!...

Ne touchez pas à nos enfants trop sages !

Brocanteurs d'illusions, trafiquants d'innocence ;

 Faiseurs de mauvais tours de passes en passes,

  Que Dieu vous inflige la peine maximum.

 

 

Pastel de Joëlle Bourielle qui a exposé au salon de poésie 2024 à Dinard

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