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lundi, 24 avril 2023

Anne-Marie Rouchon

IMG_3302 (2) Concours VARSOVIE 2012.JPGAnne-Marie RouchonPhoto Rouchon Coach à LEYSIN.jpg

Détentrice de plusieurs cordes à son arc (tennis et piano), elle a été 8ème joueuse française et a participé à plusieurs concours amateurs de pianos avec succès notamment deux demi-finales à Varsovie… Elle a été le premier entraîneur de tennis national femme employée par le Ministère de la jeunesse et des sports et côté piano elle a arrêté les concours internationaux et se produit dans deux maisons de retraite. Son double cursus est très intéressant à étudier alors que Roland Garros 2023 arrive à grande vitesse...

 

Tu avais deux dons la musique et le tennis. As-tu longtemps hésité entre les deux ?

Effectivement, ma vie s’est déroulée entre cordes et cordage. Ma mère était professeur de piano, et j’ai commencé cet instrument à 4 ans. J’étais constamment assise près d’elle lorsqu’elle donnait des leçons et je mémorisais donc déjà beaucoup de musique.  Ma sœur aîné était prix de Conservatoire, il était donc normal que très jeune je me dirige vers le piano. Or, dans ma famille tout le monde jouait au tennis, et j’ai commencé à 8,9 ans et j’ai vite aimé ce sport. En tout premier lieu, j’ai été formé à l’ALP, le club où jouait Philippe Chatrier à l’époque président de la Fédération française de Tennis. J’ai eu la chance d’échanger quelques balles avec son épouse, dès l’âge de 11,12 ans. J’ai joué dans l’équipe cadette de ce club, et à l’époque, les équipes étaient mixtes.  Et coïncidence amusante, je me suis retrouvée avec Jean-Claude Barclay, Jean-François Duhamel médecin à la FFT et qui a fait carrière dans cette branche, et Jean-Claude Peltier polytechnicien. Donc une belle petite équipe… Puis, les entraînements étant quand même insuffisants, on m’a proposé d’intégrer le Racing Club de France.

 

 

Et tu as fait une belle carrière de joueuse de tennis ! As-tu fait les tournois du Grand Chlem ?
Oui mais pas l’Australie. Il faut savoir qu’à l’époque en 1965, il n’y avait rien comme subventions de la part de la Fédé pour les jeunes filles. Toutes étaient à la charge de leurs parents, et les miens n’avaient pas les moyens de me payer le voyage en Australie. A Roland Garros, j’ai joué Billie Jean King, qui m’a infligée un sévère 6/2 6/2. Elle était bien plus forte que moi, mais j’avais bien joué et j’étais contente d’avoir affronté une joueuse aussi brillante et aussi forte. Elle possédait un jeu d’attaque, ce qui me plaisait. Même si c’était sur terre battue, elle est quand même bien montée à la volée. Elle était difficile à passer, et son smash était redoutable. C’est un très souvenir. A Winbledon en 1966, j’ai perdu au 1er tour contre White Hall. Pour Forest Hills, je me suis blessée à l’épaule, et donc je ne me suis pas qualifiée.

 

Que penses-tu de l’action de Billie Jean-King en faveur du tennis féminin ?

Même si l’on n’est pas féministe, il faut avouer qu’elle a énormément œuvré pour cette cause. Elle a réalisé un immense travail, et c’est tout à fait justifié d’avoir changé le nom de Fed Cup et l’avoir remplacée par Coupe Billie Jean King. Si on analyse mon époque, on n’avait pas de coaches, pas d’entraîneurs, pas d’argent. J’ai joué pour des coupes et des bouquets de fleurs.  La première fois que j’ai gagné de l’argent avec le tennis, c’est lorsque j’ai commencé à gagner des leçons.

 

Tu as été le 1er entraîneur national désignée par le Ministère de la Jeunesse et des Sports. Comment cela s’est-il décidé ?

J’ai divorcé ce qui m’a obligée à opter pour un certain travail. J’avais fait mes études littéraires, j’avais passé LE CAPES et présenté l’agrégation d’espagnol. Comme j’ai vu que le tennis évoluait d’une manière extrêmement favorable y compris pour les femmes, j’ai décidé de passer tous les diplômes se rapportant à l’enseignement et j’ai été nommée par le Ministère de la Jeunesse et des Sports.  Philippe Chatrier m’a accueillie avec beaucoup de gentillesse, très heureux de recevoir une femme dans les équipes officielles d’entraîneur. Il n’y avait pratiquement que des hommes et par la suite ça a bougé un petit peu avec la présence de Gail Lovéra ex n°1 française qui a entraîné elle aussi.

 

 

Ce n’était pas trop dur de louvoyer parmi tous ces hommes !

Ca dépendait des personnes. Déjà, je n’ai pas l’habitude de me laisser faire, et j’ai su m’imposer. Il y en a certains à qui j’ai plu, d’autres pas.  Lorsque j’ai été nommée entraîneur national des jeunes filles de moins de 12 ans, j’étais la seule femme. J’ai été extrêmement bien soutenue par la directrice du collège car les professeurs voyaient d’un mauvais que la petite Alexia Dechaume future quitte la classe pour aller s’entraîner au tennis…

 

 

Tu as été aussi la première à diriger un stage féminin !

Oui à Albi.  Gérard Vanier l’instigateur m’avait demandé si je voulais bien l’encadrer et naturellement j’ai sauté sur l’occasion. J’ai d’ailleurs une petite anecdote amusante à raconter : on a fait un petit tournoi en fin de semaine et c’est Nathalie qui à l’époque avait 12 ans qui a gagné l’épreuve.  Elle a travaillé ensuite de son côté, et je ne l’ai revu que lorsque j’ai été capitaine. Elle avait 16 ans.

 

Tu as aussi écrit un livre « la femme et le tennis » publié en 1990 . Tu dis dans ce livre que Georges Deniau représentait pour toi l’entraîneur idéal. Pourquoi ?

Il m’a énormément aidée dans ma formation d’entraîneur et rien ne vaut de vivre l’expérience d’un remarquable entraîneur sur le terrain. Des stages étaient organisés avec là-aussi une majorité d’entraîneurs masculins avec moi. Pour les dames qui débutaient, je leur ai dit « Vous êtes venues chez Goeorges Deniau pour avoir un beau moniteur, ce beau moniteur c’est moi. Vous pouvez encore sortir du terrain !... Elles ont toutes éclaté de rire et on a passé une semaine remarquable…

 

 

Ce livre « La femme et le tennis «  était-ce pour les débutantes ?

C’est possible, puisque sont présents tous les conseils, tous les mots de vocabulaire se rapportant à ce sport, les dessins sur les prises, les dimensions du court. La personne qui ne connaît pas le tennis, peut y trouver tous les renseignements concernant la manière de frapper la balle, et comment s’entraîner.  A l’époque, quand les femmes allaient dans un club de tennis, elles voyaient jouer les hommes et avaient le droit plutôt aux courts annexes et elles se débrouillaient comme elles pouvaient.  Et j’ai vraiment pensé qu’écrire un livre vraiment destiné aux femmes non basé sur le tennis féminin

mais sur la façon d’aborder ce sport pouvait les aider…

 

 

Tu dis dans ce livre qu’il faut être orgueilleuse !

Oui, si l’on veut vraiment arriver à quelque chose. Ca vous pousse à travailler suffisamment pour atteindre des objectifs élevés.

 

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Ce livre englobe une photo amusante avec les deux anciennes Alexia Dechaume et Julie Halard. Qui est le petit bout de chou en plus ?

C’est Monica Sélès qui était effectivement très très jeune par rapport aux autres. Je ne me souviens plus très bien où c’était mais Alexia devait avoir 12 ou 1 » ans et Monica Sélès tout juste 10. En plus, à l’époque elle était très frêle. Mais quel caractère déjà et quelle qualité de jeu !...

 

 

Tu as eu aussi l’occasion en benjamins de t’occuper de Tsonga, Simon, Gasquet

Je ne les ai pas entraînés directement, ils avaient 12 ans et faisaient partie à l’époque du programme benjamins national réservé au moins de 12 ans. J’allais le plus souvent avec le DTN faire des visites de ligue et on rencontrait le CTR (cadre technique de ligue) qui avait la responsabilité de tous les jeunes de la région et les regroupait. Nous venions de Roland Garros et nous observions tous ces jeunes. C’est ainsi que j’ai eu tous ces jeunes, notamment Tsonga. Il jouait déjà très bien et c’est la même chose pour Gasquet. Alors qu’il n’était pas plus haut que trois pommes, son revers était déjà phénoménal. Des talents très jeunes que l’on ne pouvait manquer de sélectionner.

 

 

Gasquet a fait une très bonne carrière. Mais il aurait pu faire encore mieux !..

Il a été très soutenu par son père avec qui je m’entendais très bien mais à qui je reprochais de ne pas faire assez travailler sur son fils sur le plan physique. Et il me disait toujours avec son accent du Sud : « Ne t’inquiète pas, je lui fais faire suffisamment de choses. Mais je pense que si Gasquet avait été confronté à la difficulté du travail physique , il se serait davantage aguerri côté volonté et confiance en lui.

 

Tu affirmes que pour réussir les trois E c’est enthousiasme, exigence et excellence !

Oui je maintiens ma position. Ce n’est d’ailleurs pas valable uniquement pour le tennis…

 

 

 

On va maintenant parler musique ! Au tennis, on dit beau toucher de balle. En musique, peut-on dire beau toucher de piano ?
Tout à fait. Au piano, le toucher est extrêmement important pour pouvoir donner des nuances. On appelle ça aussi le toucher, car en fonction de la manière dont on appuie sur la touche, qu’on la caresse plus ou moins au lieu de la brutaliser on modifie la sonorité du piano. On retrouve cela au tennis aussi. Quand on veut taper une balle avec violence, il faut vraiment s’engager. A l’inverse quand on veut distiller une amortie, il faut y aller en douceur et c’est là que l’on dit «  Il ou elle a un beau toucher . « 

 

 

Vois-tu une similitude entre un match de tennis et un concert ?

Oui il existe beaucoup d’éléments communs. Dans mon double cursus, j’ai essayé de comprendre un peu ce qui se passait au niveau similitude. Au tennis, tu travailles tes gammes, au piano aussi pour améliorer la technique, la vitesse, la régularité.  Niveau vocabulaire, certains termes sont les mêmes : échauffement, préparation physique et mentale. L’adresse qui existe aussi au piano quand par exemple, les doigts doivent être véloces, précis, avec un gros travail de répétition et de concentration.  Autres mots similaires : le toucher, les enchaînements.  Lorsque l’on a une partition de piano, on a quelquefois un certain nombre de mesures dans un style plus ou moins romantique ou calme. Et puis tout d’un coup, il faut passer à un enchaînement vers quelque chose de plus rapide, de plus musclé, ; de plus sonore. C’est la même chose au tennis lorsque l’on joue un point au filet. On ne joue pas le point à la même vitesse durant toute la durée du point. On essaye de créer une opportunité et d’un seul coup on change. Changements de rythme, enchaînements d’une phase de jeu à une autre se succèdent comme dans une partition de piano où il y a des enchaînements d’une partie du morceau à l’autre.

 

 

Et au niveau des sensations ?

Pour le joueur, c’est plutôt visuel. Tout se passe au niveau de l’œil, il faut observer ce que fait l’adversaire. Pour le pianiste, c’est plus intériorisé puisque c’est surtout l’oreille qui travaille, l’œil beaucoup moins. Au niveau interne, de nombreux points se font sentir : concentration, une tension nerveuse aussi bien sur le court que devant son piano à réaliser des phases de jeu d’un haut niveau. On le ressent à l’intérieur… Pour ma part, que soit au tennis, ou dans la musique, je n’aime pas échouer. En revanche, je n’ai jamais contesté le fait qu’une adversaire puisse être plus forte que moi.  Mais quand je n’avais pas bien joué ou que physiquement, je ne m’étais pas bien battue, je m’en voulais réellement. Et quand je joue bien du piano, je suis contente. Quand je joue mal, je m’en veux…

 

 

Au tennis, il peut arriver que l’on perde sa lucidité. Cela peut-il arriver lors d’un concert ?

Je ne pense que cela puisse arriver aux pianistes professionnels. Ils peuvent par moment ne pas jouer aussi bien qu’ils le désireraient. Au piano la partition est inscrite et le pianiste doit la respecter. Quand on dit « Il interprète », oui il interprète en fonction de son tempérament, de se sensibilité, mais il est quand même obligé de tenir compte des nuances indiquées par le compositeur sur la partition. Sauf dans le cas d’une pièce improvisée auquel cas il est libre et fait ce qu’il veut. Sur un court de tennis, la liberté est plus importante. Certes, le joueur respecte les règles du jeu, mais il peut faire soit un coup droit croisé, soit le long de la ligne. Ou une amortie en fonction de son envie, et de ce qu’il a observé dans le jeu de son adversaire.

 

 

Au tennis, il y a des jeux qui font bien jouer. Au piano y a t-il des partitions qui correspondent mieux au tempérament du pianiste ?

Ca pourrait être la même chose sauf que le pianiste s’il y a certains répertoires qui ne lui conviennent pas soit côté sensibilité, soit même du point de vue technique n’est pas obligé de joueur cette œuvre. Le pianiste peut choisir les oeuvres dans lesquelles il va exceller et surtout prendre un grand plaisir à le faire..

 

 

Tu te produis en Ehpad ?

Oui dans deux associations différentes pour des maisons de retraite. J’ai le plaisir d’apporter du bonheur à des personnes souvent isolées, trop souvent assises devant la télévision. Quand des pianistes ou autres artistes viennent dans ces maisons là, les résidents sont particulièrement heureux. Tout dépend de la sensibilité des personnes, mais sur 20 il y en a toujours une quinzaine avec qui l’on peut discuter. Souvent, ils ont fait eux-mêmes un peu de piano. Il existe un vrai échange. Pour ceux qui sont dans un état particulièrement délicat, j’avais posé la question à des médecins, des infirmières et tous sont d’accord pour dire que le fait d’avoir eu un concert dans l’après-midi permet à ces gens d’être plus calme, plus apaisé le soir. Même s’ils n’ont pas la capacité de manifester leur joie, leur plaisir, les médecins observent un réel apaisement dans leur manière de dormir et autres…

 

Lorsque tu participais à des concours le jury savait-il que tu étais une championne de tennis ?

J’ai une anecdote à ce sujet. Aux Etats-Unis, un des membres du jury était venu me voir après ma prestation. « J’ai trouvé que vous aviez très bien joué mais ne mettez pas sur votre CV que vous êtes entraîneur de tennis. Cela vous dessert auprès des membres du jury. Ce n’est pas concevable qu’un pianiste soit joueur de tennis…

Agnès Figueras-Lenattier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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