vendredi, 24 novembre 2006
Une jardinière de la démocratie participative
Le Conseil de quartier Jean Moulin vient d’obtenir une jardinière plantée sur la rue de la Tombe Issoire (au départ de la rue du Père Corentin) : après l’avoir réclamée il y a deux ans et demi, la persévérance a fini par payer. Réalisée à la demande des habitants et des commerçants, c’est une petite réalisation à mettre au profit de la démocratie participative, notion qui n’est pourtant pas encore bien acceptée par le milieux politique comme par certains habitants.
Faire participer des habitants aux prises de décision, voir les pousser à émettre des propositions, et encore plus leur donner gain de cause, c’est cela chose nouvelle dans notre société moderne. Nouvelle car « l’homo politicus » est élu sur un programme, et s’il a obtenu son poste, c’est pour faire appliquer ce fichu programme. Or doit-il pour autant rester sourd durant sa mandature, et n’ouvrir le débat qu’une fois tous les 5 ou 6 ans ? Cette démocratie tenante d’une rigidité quinquennale (et 6 ans au mieux pour nos Maires) a un air bien terne, pour apparaître ces dernières années comme une vieille machine à détruire les idées novatrices, autant qu’à perdre de l’électorat (au vu de l’abstention grandissante lors des votes). En lançant la notion de démocratie participative, la force du politique a été de se mettre à l’écoute de sa base en permanence, pour nuancer au fur et à mesure du temps qui passe son programme tout fait tout prêt. C’était nouveau dans la politique locale, à Paris Lyon et Marseille, et cela fera en 2007 cinq années d’expérience. Que voit-on désormais ? Une candidate à l’élection Présidentielle va s’en servir pour étoffer, nuancer ou modifier son projet, afin de proposer aux Français un programme différent de celui préparé par son parti, basé sur cette nouvelle approche de la politique et de la population. Cela fera-t-il des émules chez les autres candidats ? Reste encore une fois que la modernité va de pair avec la notion de participation.
Les Conseils de quartier ont acquis en matière de démocratie participative une expérience humaine et organisationnelle sur leurs cinq années d’exercice que l’on pourrait qualifier d’unique en son genre. Pour faire avancer et engendrer de bons débats, il a fallu s’appuyer sur une population motivée, apte à coopérer, mature et respectueuse des idées : respect des autres, respect des temps de parole, des élus, respect des décisions prises par ces élus – toutes ces notions qui sont encore loin d’être acquises par tous, mais qui sont indispensables dans les réunions de quartier… La démocratie participative réclame en outre une attention permanente des politiques à l’égard de cette population bénévole, qui travaille et pourtant qui se déplace, et espère voir obtenir des petits changements dans la grosse doctrine préprogrammée. Ce n’est pas gagné. Convaincre tel ou telle élu(e) de participer au jeu, c’est lui dire qu’il vaut mieux accepter les propositions… Exemple a contrario frappant, avec le "comité de l'art dans la ville", où Christophe Girard (PS, adjoint au Maire de Paris en charge de la culture) donne l'exemple même de l'élu qui n'a pas souhaité faire participer les habitants aux choix des oeuvres artistiques qui seront implantées sous leurs fenêtres, le long des Boulevards des Maréchaux.
La démocratie locale peut donc aussi se faire balayer, et c'est à ce moment que l'on s'apperçoit du vide... Et quand elle n'est pas un leure, la tentation est grande de penser que participer = solutionner ou obtenir ; or ce n’est pas vraiment le cas en général, et les débats n'aboutissent pas toujours sur des promesses - voir des réalisations. On ne peut alors faire marcher cette démocratie – si évoluée soit-elle – que si les adultes ne se comportent pas comme des enfants, mais savent plier et prendre sur eux les déceptions pour mieux rebondir par la suite.
Quelquefois pourtant, ça marche bien : la jardinière ! Elle arrive à point pour nous montrer que si rien n’est gagné, en démocratie rien n’est perdu d’avance, car tout est toujours possible du moment qu’on y croie et donc qu’on y participe ! De ce qui va y être planter, nous verrons quels fruits (et fleurs) apparaîtront au printemps 2007, et avec quel regard cette jardinière se fera estimer. De ce regard, l’avenir nous invitera à continuer ou à rebrousser chemin.
Dan
Plus d'info :
+ Dans nos catégories "Conseils de quartier", "Vie citoyenne", etc. - ci-contre, colonne de gauche.
05:45 Publié dans 14e arrondissement, Conseils de quartier, Mouton-Duvernet Daguerre, Porte d'Orléans Alésia, Quartier vert, René Dutrey, Vie Citoyenne | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : conseil de quartier, rue de la Tombe-Issoire, quartier vert, paris, 75014
Commentaires
Très intéressant.
Sinon, je vous le dis au cas où ça vous intéresse, il y a un monde réel tout autour du 14ème arrondissement.
Si ! Si !
Avec des gens qui souffrent et qui rient, qui vivent. Avec des enfants, et des adultes.
Un monde où on fait la guerre, la paix, des affaires, des saloperies.
Un monde quoi.
Écrit par : Nico | vendredi, 24 novembre 2006
...Oui, bien sûr. Ce monde, on le trouve dans le XIVe arrondissement - avec ses joies et ses malheurs.
L'objet de notre site est de parler de cette réalité au quotidien à cette échelle - le XIVe arrondissement.
Si vous vous intéresez à d'autres frontières, si cet horizon est trop étroit pour vous, je vous invite à consulter www.liberation.fr, www.lefigaro.fr ou www.lemonde.fr qui je n'en doute pas sauront satisfaire votre soif d'ouverture et d'altruisme. En ce qui nous concerne, nous continuerons à vous parler prioritairement de la misère qui s'étale sous nos fenêtres...
Écrit par : Pierre Vallet | dimanche, 26 novembre 2006
La démocratie participative... 2 mots qui résonnent comme un "politiquement correct" dans l'air du temps... Par définition, une vraie démocratie permet de participer. Sinon, cela s'appelle une dictature.
Or, dans "démocratie", il y a l'idée de choix, et non d'une imposition sur les autres. Mais quand fleurissent ici et là des présidents et des bureaux de Conseils de Quartiers qui prennent la grosse tête, font la pluie et le beau temps dans les ordres du jour des réunions, alors même que ces habitants ont été tirés au sort tandis qu'ils gèrent le sort des autres, je ne vois pas bien où la démocratie se situe.
Car pour un Conseil de Quartier sympa, à l'écoute et efficace, combien sont-ils à... au mieux faire de la figuration... au pire, faire passer leurs petits arrangements ou se tirer dans les pattes? La réussite des Conseils de Quartier est encore totalement à démontrer. Pour une raison simple, parce que le processus de construction d'un conseil n'a absolument rien de démocratique.
Dans le 14ème, il faut que les gens sachent que des habitants ont été tirés au sort pour un 1er mandat qui démarrait en 2002. Mais que 2 ans plus tard, la mairie a demandé aux mêmes habitants des conseils ceux qui voulaient rester. Et beaucoup ont rempilé. Seuls un tirage au sort a servi à combler les places restantes (en sachant tout de même que les bulletins étaient placés dans une enveloppe non cachetée et non placés dans une urne mais déposés à l'accueil de la mairie).
Et vous prétendez que c'est une démocratie??? Vous imaginez un président qui rempile parce qu'il en a décidé ainsi, sans aucune élection??? Demandez à Castro, il connait bien la tactique...
Comment peut on tomber aussi bas dans notre démocratie? Je ne me sens nullement représentée par une troupe dans mon quartier qui prend racine (la majorité du bureau du Conseil de quartier Pernety est restée en place pour un 2nd mandat malgré de très nombreuses critiques), qui n'en fait qu'à sa tête pour ce qui est des problèmes à régler (à part la rue R.Losserand, c'est un no man's land total...), qui prend des décisions alors même que 2 personnes sont présentes aux réunions (exemple de la commission transport pour les propositions du PDP)... Tout de même!!! Le quartier pernety, ce sont 11.000 citoyens, m%*#§!!!!
Alors, la démocratie "participative", parlons-en, hormis d'être un processus totalement instrumentalisé par les politiques, très à la mode, elle n'a fait qu'étouffer des processus qui fonctionnaient pas plus mal avant. Des assoc de quartier arrivaient auparavant à plus de résultats, aujourd'hui, non seulement elles n'ont pas d'aides, mais en plus, on les oublie pour se tourner vers des conseils de quartier dont la plupart des membres n'ont pas grand chose à y faire...
Désolée, Dan, je sais que tu fais du bon boulot mais ouvre tes yeux sur la plupart des conseils de quartiers... et surtout, sur leur processus de fonctionnement qui va à l'encontre de toute démocratie.
Écrit par : Angelie | lundi, 27 novembre 2006
A rajouter à cela, Angélie, que le Président du Conseil de quartier de Pernéty, dit à qui souhaite l'entendre, que pour lui la démocratie participative n'existe pas. Ce qui n'est pas mon point de vue, et qui n'aboutit donc pas à la même méthode de fonctionnement.
Cependant, les Conseils de quartier n'ont pas pour but de représenter une population, mais de lui permettre de débatre et d'apporter de l'information. Au mieux faire des voeux. La représentation des habitants est confiée aux élus, non à des gens tirés au sort - donc là Angélie, tu n'es pas honnette avec ce que tu sais !
Egalement, les habitants tirés au sort, c'est seulement dans le 14ème, car ailleurs ils sont nommés par le Maire... Dans cet arrondissement, nous avons donc la chance de pouvoir organiser les débats librements. Pour ce qui est des personnes reconduites, la charte du 14ème prévoit que la moitié du collège habitant au plus (soit 8 personnes sur 28) puisse être reconduit, avec au maximum deux mandats. Tout n'a pas été identique sur les 6 Conseils, mais cette reconduction de la moitié des habitants a permi à certains Conseils (qui fonctionnent bien) de transmettre l'expérience des trois premières années.
Cette forme de démocratie est nouvelle et ne se conduit pas n'importe comment. Pour les ordres du jour, ceux-ci sont établis par le Président et son bureau, pour canaliser les débats et éviter l'anarchie. Sur Jean Moulin, personne ne s'est plaint qu'un problème ait été évité, les débats se passent généralement très bien - du moment qu'on s'intéresse à l'intéret collectif.
Enfin, un Conseil de quartier ne se substitue pas aux associations locales, car il ne porte pas sur un sujet précis, et ne comporte pas de droit d'adhésion ; par contre, il peut y avoir de bons partenariats. Et dans le 14ème, 4 associations sont représentées dans chaque Conseil (soit 24 assos), ce qui fait de cette instance un endroit de partage et de collaboration concernant le tissus social. Cette représentation associative est d'ailleurs établie par les associations elles mêmes lors d'un CICA tenu à la Mairie à chaque renouvellement des Conseils.
Une démocratie, ce n'est pas seulement une fois tous les cinq ans, ce doit être tous les jours : or, attention à ne pas donner de faux arguments pour noyer ce qui fait peur, et politiser des instruments qui ainsi ne serviraient plus à bon escient.
Écrit par : Dan | lundi, 27 novembre 2006
Dan, le Conseil de Quartier Jean Moulin semble assez exemplaire et a très bonne réputation, j'en conviens et je t'en félicite. Je critiquerais certainement moins ce genre de structure si la plupart fonctionnaient ainsi.
Les conseils, ce n'est pas que Paris, c'est toute la France. Or justement, comme tu l'as mentionné, il existe des dizaines de modes de fonctionnement. Et c'est très désagréable de se retrouver sous tutelle d'un conseil qui fait sa petite cuisine en douce...
En effet, tu dis que "La représentation des habitants est confiée aux élus, non à des gens tirés au sort - donc là Angélie, tu n'es pas honnête avec ce que tu sais !". Je suis désolée de te contredire à nouveau, mais je réitère. Tout dépend de quel conseil!!! Un maire a toutes les chances d'être très fortement influencé par les recommandations du bureau d'un conseil. Et j'en ai la preuve. Quand un conseil fait l'impasse sur des problèmes mais insiste lourdement sur d'autre, que crois tu que le maire fait? A toi de répondre honnêtement! Un maire ne va pas être maso à ignorer des demandes insistantes d'un conseil... Donc, non, un conseil a du poids, il agit à présent comme un lobby.
Et non, je ne veux pas de lobby qui font la pluie et le beau temps au dessus de ma tête, selon le bon vouloir de ses membres.
Dan, tu réagis simplement parce que tu es dans une équipe qui fonctionne bien, dans un conseil qui est dynamique et à l'écoute. Mais moi, je dépends d'un conseil dont j'ai fait partie, j'en connais intégralement les rouages et je continue à être le témoin de ses petits agissements en douce.
Si je vocifère, c'est parce qu'il y a un danger absolument pas maîtrisé car comme tu l'as dit, chacun son fonctionnement... Je ne suis absolument pas d'accord sur le principe de la reconduction. Pour faire une passation de pouvoir, quelques réunions de briefing suffisent, un président de quartier n'est pas un président d'une grosse entreprise, n'exagérons rien! Et quand on est tiré au sort, certains nécessiteront en effet un apprentissage, d'autres ont des expériences et des personnalités qui suffiront largement à assumer les fonctions immédiatement.
Les habitants sont nombreux et les conseils de quartier sont restreints, il faut donc éviter les reconductions pour offrir un maximum de chances aux uns et aux autres. Ca, c'est de la démocratie locale.
Écrit par : Angelie | mardi, 28 novembre 2006
Les commentaires sont fermés.