mercredi, 19 août 2020
Muriel Besnard
Muriel Besnard artiste peintre détentrice de nombreux prix dont le premier prix européen de l'imaginaire et la médaille d'or de l'Académie française des Arts-Sciences-Lettres, est une adepte de l'éclectisme et une ennemie de la routine."Selon moi, un artiste qui n'est pas en recherche risque de voir son art s'éteindre. On est comme un scientifique; on cherche tout le temps.
Une partie de sa famille étant asiatique, les œuvres se rapportant à ce monde là l'ont hantée dès son enfance. En outre, étudiante elle a fréquenté de nombreux artistes japonais. L'école supérieure de dessin de Paris Montparnasse lui a fourni une formation à la fois classique très solide, et en même temps basée sur toutes les recherches se rapportant à la grande époque où Montparnasse était un lieu où les artistes passaient leur temps… Puis fidèle à son image de femme curieuse et voulant constamment se perfectionner, elle a plongé dans l'univers de la sculpture, de la céramique et du design ce qui l'a fait voyager à Rome, Florence, Londres. " Ce sont un peu les hasards des rencontres qui m'ont amenée à découvrir ces univers. Ce sont des métiers dont j'ignorais l'existence notamment le désign, les arts de la table et la décoration. J'étais fascinée par l'esprit du compagnonnage, par les maîtres verriers, les maîtres orfèvres. A chaque fois, je me suis adaptée à ces techniques, et tout me semblait magique… J'en suis arrivée à faire mes propres sculptures…
La pratique de la danse l'a accompagnée pendant 20 ans, ce qui lui a permis de découvrir l'art du mouvement. " Quand j'étais sculptrice, on me disait que mon travail semblait toujours comporter une part de mouvement. On me l'a dit après dans ma peinture. Par la suite, j'ai poursuivi cette recherche sur le mouvement qui pour moi symbolise l'art premier. Et depuis 10 ans, je m'adonne au taï chi, au Qi Qong avec plusieurs profs de Qi Qong. " Cela m'a appris la connaissance de soi, le lien entre le geste et le souffle. Si un geste est fait dans l'esprit du Qi Qong, on va l'accompagner jusqu'au bout en faisant naître la sensation. En art c'est pareil avec l'approfondissement du geste. On débute par un travail dans la lenteur puis on aboutit à l'émergence, la fulgurance. On utilise l'énergie et non la force. Pour moi le corps en tant qu'objet n'existe pas, il existe en tant que mouvement. J'ai besoin non pas de bouger mais de me mouvoir. " Bouger c'est extérieur alors que le fait de se mouvoir part de l'intérieur. Il est important de chercher le mouvement au centre de son être. "
Après toutes ces expériences, la voilà installée en Bretagne depuis 2003, et se consacrant de plus en plus à la peinture. Partant toujours d'une tradition, et développant une peinture innovante et très personnelle, c'est à l'art celtique ancré dans un esprit hindouiste qu'elle se consacre alors avec la participation à des expositions comme axe principal. Puis stoppe l'art d'inspiration celtique, la sculpture en se consacrant désormais à la peinture asiatique avec 3 axes : Le premier a pour thème la femme avec des portraits retranscrivant la manière d'être femme. Les cheveux longs avec un langage graphique font partie du programme. Deuxième axe : Le paysage découlant de l'esprit de la peinture asiatique mais très coloré et occidentalisé avec du papier xuan, dans une technique de xieyi représentant l'art du spontané. Un mélange entre maîtrise et spontanéité. Par exemple, il peut lui arriver de travailler sur un lion et finalement de faire un chat.… Elle laisse le pinceau faire son chemin, et laisse une grande part d'improvisation. Quant au troisième axe, basé sur les animaux, il englobe une autre technique le gongbi une peinture sur soie impliquant un toucher soyeux. Le Gongbi représente le contraire du xeiyi en reprenant 7 fois la peinture. Pourquoi l'un ou l'autre? "C'est vraiment au feeling explique l'artiste et cela dépend des périodes et aussi beaucoup des saisons. Au printemps et en été l'on est plus facilement dans le mouvement, et la spontanéité donc on utilise davantage la xeiji. En hiver où l'on est vraiment dans les racines, l'intériorité, on a davantage recours au gongbi avec son côté patient, et où l'on revient sur les choses. Il paraît d'après mes amis spécialistes de l'art chinois ou japonais que la différence entre les deux techniques se voit de moins en moins dans ma peinture car il règne aussi une spontanéité dans le gongki. Et j'ai aussi une maîtrise dans le xeiyi. Je me suis appropriée ces techniques petit à petit et j'en ai fait quelque chose de réellement personnel.
Muriel Besnard qui possède une conception très personnelle de la peinture se laisse guider par le geste sans lui faire obstacle, sans penser au but. Et entre en état méditatif pour peindre : " C'est l'art qui m'a fait découvrir la méditation mais je savais déjà ce que cela représentait grâce à ma fréquentation du milieu japonais La méditation ce n'est pas une chose que l'on fait, on crée les conditions pour que l'état méditatif arrive. Or l'état méditatif peut aussi survenir par surprise. Vous êtes en haut d'une montagne, vous contemplez le paysage et tout d'un coup quelque chose se passe en vous d'assez indicible, que l'on peut appeler la méditation. Et quand on peint, cet état là arrive aussi de lui-même… A chaque fois? Oh oui, et au début, plus je peignais, plus j'approfondissais et plus cet état devenait profond. Et plus j'apprenais à le connaître, à le découvrir, et plus cela devenait une partie de moi-même même dans la vie de tous les jours. La pratique de l'art, surtout l'art asiatique développe un impact énorme sur le développement personnel. "
Ce qu'elle peint, elle ne le considère pas comme un objet mais comme un sujet et entre en communion avec lui pour saisir son intimité profonde. Elle essaye d'enlever le côté subjectif pour saisir la réalité profonde des choses. Pratique l'art gestuel méditatif dans la relation entre corps et esprit avec le corps dans son mouvement artistique, dans sa gestuelle. C'est une artiste de la sensation, et une espèce de cohérence soutient son œuvre. "Je ne suis jamais autant reliée au monde que quand je suis dans mon atelier, mais d'un autre côté j'ai besoin de solitude et de silence. Je ne suis pas réglée du tout, mon travail s'accomplit de manière extrêmement spontanée. Par contre, il faut que je le ressente. Comme ma façon de peindre est surtout basée sur le geste, il m'arrive même de commencer une œuvre les yeux fermés et de la réinterpréter. J'aime bien que ce soit la lumière du jour même si je peux peindre dans la pénombre.
Pour moi un modèle est un support de l'imagination. C'est une espèce de fluidité. On ne copie pas un modèle, on essaye de saisir son essence, d'entrer en communion avec. On peut entrer en communion avec l'essence d'un sujet, et on peut également entrer en communion avec sa propre essence. Par exemple lorsque je fais une série de portraits de femme, je ne vais pas chercher à faire un portrait de femme mais à me mettre en relation, en communion avec l'essence d'une certaine façon d'être femme. Comment l'on est une femme rebelle, une femme adolescente rebelle, une femme romantique et en même temps pleine de dynamisme. En essayant à chaque fois de le faire ressortir, après l'avoir déja ressenti moi-même, en allant le chercher en mon for intérieur. Certaines femmes que je peins me ressemblent terriblement, d'autres pas du tout. Les personnes de ma famille, de mon entourage proche peuvent me reconnaître à travers certains tableaux. Pas dans les traits physiques mais à travers le caractère, la posture, le regard etc… C'est cela qui m'intéresse.
Quelles sensations la peinture sur un toucher soyeux, sur de la soie provoquent t-elle? : " Cette découverte a été assez fascinante et inattendue. L'on est en contact avec un matériau très organique. En peignant un loup comme le pinceau à force de faire poil par poil caresse cette soie, on a vraiment une sensation physique très puissante. La main gauche touche la soie, on est en connexion avec l'animal, et c'est quelque chose de vraiment intense. Il lui arrive d'utiliser cette technique pour peindre un paysage mais jamais pour un portrait. Et quand on lui demande pourquoi elle affirme : " Il y a quand même le côté respect de l'autre, mais oui c'est une bonne question. Cela peut arriver avec les cheveux, mais la peau je ne me permettrai pas. Peut-être vais-je essayer… J'aime les suggestions, les questions du possible."
Pour Muriel Besnard qui enseigne également mais dans un esprit " Maître disciple" et non professeur élèves, c'est une époque quelque peu charnière avec un nouveau concept " le sophro-art ", site rédigé pendant le confinement en s'inspirant de Caycedo le fondateur de la sophrologie lui-même allé à la rencontre des techniques asiatiques. Un art qui relie la gestuelle et le souffle dans un état de conscience équilibré et harmonieux, en mettant en scène des arts asiatiques comme le Sumi-é japonais, le Xieyi et le Gongki chinois, en synergie avec nos approches occidentales de l'art. Avec un état méditatif développant d'un côté la fusion du savoir-faire et de l'autre la spontanéité, ce qui engendre un bien-être du corps, de l'esprit et du cœur et une diminution du stress. Sont activées les capacités de concentration, d'observation et de disponibilité de l'esprit avec éventuellement quelques exercices en rapport. Cet atelier est destiné à tous ceux, jeunes ou moins jeunes qui veulent s'initier à l'art du pinceau asiatique et tendre vers plus de beauté en oubliant la notion de bon ou de mauvais et en laissant de côté tout désir volontaire de succès ou d'ambition.
"Avant même de faire de la sophrologie, on commence par quelque chose de l'ordre de la danse ou du Qi Qong, avec découverte de son corps, de la posture, son ancrage au sol, la manière de respirer. De nos jours, les gens ne savent plus respirer, ils sont hors d'haleine. Ensuite on fait éventuellement une petite séance qui peut s'apparenter à de la sophrologie mais qui est tout à fait adaptée à ce qui va se passer. Après, cela peut éventuellement comporter un nouveau moment sur la respiration, sur la conscience du corps, ou aussi des visualisations. Puis on va passer côté atelier avec cette fois la découverte de la relation du corps de l'artiste avec son matériel. La relation art pinceau, la prise de conscience tactile des différents rebords des pinceaux, l'entrée en relation avec l'eau, la façon de poser le lien entre la respiration et le toucher du pinceau. En fait une vraie conscience de la présence de son corps autant que de son esprit, du lien entre le corps, l'esprit et le matériau. Une façon de faire prendre conscience aux participants du lien dans lequel ils se trouvent, de manière à avoir une attention diffuse et non focalisée".
Chaque séance sera quelque peu différente et pourra évoluer avec le temps. On l'a bien compris, c'est ainsi que travaille Muriel Besnard. Dans la recherche permanente, l'originalité et la profondeur…
sophro.art
murielbesnard.fr
Agnès Figueras-Lenattier
12:15 Publié dans Interviews | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : m.besnard, peintre, portrait
dimanche, 03 novembre 2019
"Les 7 vies de Colette"
Editions Flammarion
La lecture de ce livre est littéralement délicieuse! Entre un style épuré, fluide, gracieux de Frédéric Maget et la femme écrivain dont il est question ici, une Colette étonnamment éclectique, pleine d'esprit et d'anticonformisme, l'on a de quoi se régaler. L'auteur président de la Société des amis de Colette et directeur de la maison Colette connaît visiblement parfaitement son sujet. Il épluche la carrière de cet auteur avec authenticité, forte richesse dans les détails, les anecdotes, les citations, et le milieu qu'elle fréquente. Les très belles photos où l'on voit l'artiste dans diverses situations (au théâtre, avec ses animaux, avec sa fille, ses proches... ) ne font qu'ajouter au charme de la description et de l'image très détaillée que fait Frederic Maget de cette grande figure de la littérature du XXè siècle. Vraiment savoureux.
Agnès Figueras-lenattier
10:45 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : colette, portrait, saveur