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vendredi, 09 décembre 2022

Erick Monjour et le salon africain

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Erick Monjour

 

Erick Monjour artiste peintre iconoclaste est également le directeur du salon africain parisien dont la première édition a eu lieu en octobre  2021 à la mairie du 6ème arrondissement. Cet événement fut un succès et il espère renouveler l’expérience en avril 2023…

 

Comment cette idée de salon du livre africain vous est-elle venue ?
Deux raisons ont guidé mon choix. D’une part, il n’existait rien à ce niveau là du moins à Paris et d’autre part j’avais déjà une expérience dans l’organisation de salon puisque depuis 7 ans j’en organise un annuellement sur la littérature russe à l’église russe quai Branly.   Pourquoi l’Afrique ? J’ai vécu là-bas jusqu’à l’âge de 14 ans, et je trouvais intéressant de se projeter sur ce continent peu exploité dans le domaine des salons littéraires. C’est un continent que je connais assez bien, environ une quinzaine de pays ce qui permet de mieux maîtriser les événements et me donne une forme de légitimité. . En effet, on pourrait s’attendre à ce que ce genre d’initiative soit réalisé par des africains ou d’origine africaine et c’est important de faire comprendre que ce n’est pas lié à la nationalité mais à l’intérêt pour le continent et notamment pour son domaine littéraire. Et le résultat a été concluant avec de nombreux auteurs, éditeurs et visiteurs. On a même été obligé de refuser du monde à partir de 15,16 heures…Le public était essentiellement diaspora africaine. Environ 6000 personnes sur trois jours.

 

 

Vous avez commencé jeune à ivre des livres africains ?
Non, c’est vraiment en préparant le salon que j’ai appris à connaitre la littérature africaine. Je connaissais bien sûr quelques auteurs, mais j’ai approfondi mes connaissances en préparant l’événement.  Il n’est pas non plus nécessaire d’être forcément un grand spécialiste. On parle avec les éditeurs qui ont des besoins sur le moment. Ils ont une actualité et souhaitent faire parler d’un auteur. C’est un peu ce qui donne le prétexte à des thématiques et des tables rondes. Après, on peut avoir des idées, des envies d’inviter particulièrement certains auteurs mais c’est un travail collectif.

 

 

Comment avez-vous procédé pour toute la préparation ?

J’avais une équipe de trois personnes quelques mois avant le début du salon qui ont travaillés sur trois axes : les invitations éditeurs et auteurs, la communication et la recherche de financement. Avec en plus une vingtaine de bénévoles.. C’est un salon financé par la mairie de Paris, la société des auteurs, et une fondation suisse « Jan Michalski. Sur un plan davantage privé, j’ai obtenu les soutiens de Canal plus, Orange et dun éditeur Elitis.

 

 

Ce salon existe aussi au Maroc !

Oui. J’ai d’ailleurs un partenariat avec un salon organisé à Conakry en Guinée qui existe déjà depuis 14 ans pour créer des synergies entre ce que je fais à Paris et ce qu’ils font en Guinée. Je leur apporte des auteurs, des partenaires, et des sponsors. En échange, ils me permettent d’avoir un stand sur place. J’organise des formations et cela me donne l’opportunité d’entrer en contact avec des éditeurs et auteurs africains et de parler du salon parisien.

 

 

C’était à Paris un salon très diversifié !

Il y a 56 pays africains dotés de 56 cultures différentes avec en plus de nombreuses ethnies. C’est effectivement très divers car en Afrique, on écrit en français, en anglais, en arabe, en portugais et puis dans les normes de chaque pays. Les histoires racontées ne sont pas les mêmes que les européennes, les combats non plus. La vie est très différente et ce qui est bien tombé c’est que cette année la littérature africaine a vraiment été mise en valeur : Mohamed Mbougar Sarr prix Goncourt pour « La plus secrète des mémoires », le prix Nobel attribué à l’ auteur tanzanien Abduleazak Gurnah pour «  Près de la mer », , le prix britannique le booker Prize à David Diop avec son livre «  Frère d’âme ». C’était une année très prospère pour la littérature africaine… Des poètes , des slameurs sont intervenus au salon avec de petits récitals de quelques minutes. On a organisé une exposition de peinture et une de photos, des trentaines de tables rondes. On avait aussi invité des auteurs auto-édités sur des créneaux horaires bien précis.. Deux tables rondes sur le cinéma ont également eu lieu avec un metteur en scène tchadien Mahamat Saleh Harun qui a obtenu un prix à Cannes et un acteur africain Sidiki Bakaba.  Présent également « Le mobile film festival », réunissant des films  sur mobile d’une minute tournés en Afrique avec un concours dans tous les pays. Les gens voient leurs films sur une plate-forme et ensuite, un jury attribue des récompenses..

 

 

Et pour les enfants qu’aviez-vous prévu ?
Des ateliers sur le dessin avec des motifs de pagne et de tissu. Des contes le matin entre 11h et midi. Mais ça n’a pas été tellement développé car avec le Covid c’était difficile de faire venir des écoles. Mais beaucoup de femmes d’origine africaine créent des livres pour enfants avec même leur propre maison d’édition. Elles ont pu présenter leurs livres. De manière générale, depuis une dizaine d’année, les femmes sont très présentes et font de très bons livres.. C’est une littérature très féminine notamment au Maghreb, au Rwanda, Burkina.

 

 

Vous avez bien sûr lu le prix Goncourt. Il semblerait qu’il ait fait naître pas mal de polémiques !...

Non, il ne s’agit pas de ce livre là. Les polémiques sont nées au Sénégal avec de précédents ouvrages notamment un sur l’homosexualité qui n’est pas très bien vu là-bas. Le prix Goncourt raconte le parcours d’un auteur africain qui découvre un manuscrit écrit quelques vingt, trente ans auparavant par un auteur porté disparu et qu’il considère comme capital. C’est une trame un peu mystérieuse dont les histoires s’enchevêtrent et contiennent un certain nombre de mises en abîmes. C’est un livre très bien écrit, intéressant, avec de belles pensées…

 

En qui consiste la poésie africaine ?
Ce sont des univers très poétiques ponctués de transmissions orales réalisées au cours des années. Le verbe est quelque chose qui plaît à l’âme africaine. Les gens aiment bien faire de belles phrases et utiliser de beaux mots. Au salon, sont venus des spécialistes de poésie du Touareg, du Mali etc.. La poésie en soi est davantage un concept européen, et en Afrique on appelle plutôt ce domaine « contes » mais cela revient souvent au même.

 

 

Que conseilleriez-vous aux novices voulant découvrir la littérature africaine ?

Important déjà de choisir un peu les thématiques. Certaines sont liées aux conflits, comme celui du Rwanda écrits par des rwandais qui parlent du génocide, d’autres sont très axés sur les traditions, ou sur l’univers contemporain.  Il faut peut-être aussi sélectionner un pays ou une zone géographique car selon les endroits, les récits diffèrent. Les gens n’ont pas la même vie, ne vivent pas dans le même univers culturel. Par exemple Scholastique Mukasongo,  Hella Feki Tahar Ben Jelloun, Fiston Mwanza Mujila pour ses écrits sur le Congo Kinshasa sont intéressants à connaître…

 

Quels seront les changements pour le prochain salon ?

Ce sera pratiquement similaire. Mais on va demander une participation aux éditeurs, car c’est compliqué de financer. Et puis, quand on laisse la gratuité, c’est plus difficile de dispatcher le nombre de tables par rapport au nombre d’éditeurs. Dès qu’il y a un prix à payer, tout est plus clair et facile à gérer… Le prochain est prévu pour mars 2023, l’objectif étant de faire de ce salon le salon référence annuel en Europe de la littérature africaine. En tout cas dans l’univers francophone…

Agnès Figueras-Lenattier

19:35 Publié dans Interviews | Lien permanent | Commentaires (0)

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