Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 19 mars 2023

Nora Kann

image0.jpeg

 

Nora Kamm est une saxophoniste allemande. Elle est devenue professionnelle depuis son installation en France à l'âge de 24 ans. Elle a sorti un album récemment " One", le troisième depuis ses débuts, et le premier à son nom. Sur scène, elle a une pêche incroyable et l'on peut aisément deviner qu'elle fait beaucoup de sport. Elle a fait récemment un concert au New Morning, accompagnée d'un très nombreux public... Confidences :

 

 

 

Avez-vous  tout de suite commencé par le saxophone ?

J’ai commencé par la flûte à bec à 6 ans, à 10 ans la flûte traversière et le saxophone à 17 ans. La flûte m’a tout de suite attirée mais je ne me souviens plus exactement dans quelles circonstances.  Mes parents sont musiciens mais non professionnels. Ma mère faisait du piano, du violon, mon père de l’accordéon et de la guitare. C’étaient des mélomanes mais davantage attirés par la musique classique que par le jazz. Personnellement, j’avais envie d’aller vers quelque chose de plus moderne et le saxophone m’a ouvert les portes vers ce chemin là.  A 17 ans, je me suis donc mise au saxophone alto d’abord puis soprano. Mais avant mes 17 ans, j’étais dans un concert symphonique amateur mais qui jouait à haut niveau.  Je suivais aussi d’autres artistes et ça m’inspirait professionnellement.

 

Vous avez fait des études alors !

Oui, des études d’histoire contemporaine tout en continuant à jouer. J’allais beaucoup au jam cessions, je jouais avec des amis mais ne pensais pas du tout en faire ma profession.  C’est mon arrivée à Lyon qui a précipité les choses et qui a fait que la musique a pris le dessus. Je me suis inscrite au conservatoire et j’ai tout de suite fait des rencontres. Mais là encore ce n’était pas dans l’optique d’en vivre. Cela s’est fait naturellement et à 24 ans, il fallait que je commence à gagner ma vie mais je tenais à terminer mon Masters 2. J’ai donc démarré dans la musique avec de nombreux événementiels au début. Ensuite, j’ai monté mon projet, je jouais beaucoup avec un trio jazz moderne, et j’ai senti qu’artistiquement, je pouvais m’exprimer ainsi. Et je n’ai jamais voulu rien faire d’autre après.

 

Ce fut tout de suite le jazz ?

Avec mon trio, on n’avait pas de basse, et notre pianiste était également attiré par le classique et aimait beaucoup Debussy. Et ça s’entendait quelque peu. Nous avons sorti deux CD et le premier a très bien marché avec des distinctions comme la révélation Jazz Magazine et dans le cadre du Festival Saint-Germain le prix 2014 soliste Semler.  On a décidé d’arrêter, car pour le deuxième album on était déjà éloigné les uns des autres. On aurait pu malgré tout continuer, mais je pense que musicalement je cherchais autre chose. Je voulais me concentrer à fond sur ce que je souhaitais faire avec ce nouvel album et mon hommage à la musique africaine. Si on écoute les deux albums précédents, aucune comparaison n’est possible.

 

Vous connaissez bien l’Afrique !

J’ai été deux fois en Afrique du Nord, en Algérie, mais j’ai surtout été en Côte d’Ivoire et ça m’a vraiment donné envie d’explorer cet univers. J’avais travaillé avec pas mal de musiciens africains, déjà avant avec notamment les musiques folkloriques imprégnées d’une certaine culture d’un pays et ça m’a toujours fascinée.

 

Vous aimez particulièrement la batterie car dans ce nouvel album, il y a non seulement une batterie mais aussi des percussions !

Oui, les percussions c’est un peu mois courant. Il s’en dégage un tempo rythmique que je trouve magnifique et j’aime aussi l’énergie que ça apporte.

 

Qu’attendez-vous d’un saxophone ? Pourquoi celui-là et pas un autre ?

J’ai pris modèle sur les saxophonistes que j’aimais beaucoup notamment  un seul ténor  au départ, puis ensuite des altistes. J’ai trouvé ça beau, et j’ai pris la même direction. Après, j’ai beaucoup écouté du ténor avec notamment Coltrane. D’ailleurs on me dit p,arfois que dans mon alto, j’ai un son de ténor.  Cela s’entend peut-être un peu moins maintenant car j’écoute beaucoup d’altistes. C’est infini en fait. Le soprano c’est vraiment particulier comme sonorité, je l’ai découvert plus avec la musique de l’Est, la musique folklorique des Balkans et c’est encore un autre univers. Je l’utilise vraiment ponctuellement dans certaines morceaux.. Quant au ténor ça m’arrive juste quand on me le demande. Je n’en ai pas à la maison. J’ai un soprano et un alto.

 

Toutes les musiques du dernier album sont des compositions !

Oui et c’est la raison pour laquelle, le processus a été un peu long car j’avais au moins trente morceaux et j’en ai choisi 10 pour sortir ceux qui me correspondaient le plus. Je souhaitais aussi que chaque morceau soit différent dans la rythmique, dans l’approche. J’aimerais d’ailleurs m’y remettre car je me ressource dans la création mais avec la sortie de l’album je n’avais vraiment pas le temps. Sinon, je n’ai pas vraiment d’heure pour composer. Si je suis sur quelque chose je peux m’y consacrer trois jours de suite et après faire une pause.

 

Vous êtes aussi chanteuse !

Oui. J’ai toujours chanté et pour la sortie du CD, je me suis beaucoup plus entraînée et je continue à le faire. Pour moi, le saxophone c’est proche de la voix aussi, donc j’essaye quand je joue d’avoir toujours cette idée en tête. On parle souvent de gammes, je n’en fais pas beaucoup. J’aime bien juste faire une jolie mélodie, faire de jolies phrases qui résonnent, c’est mon approche.  J’ai imité des chanteurs , et aussi exactement ce que chantaient les chanteurs maliens. Pour moi, c’est fascinant de le faire sur un saxophone.

 

Pour vous les qualités spécifiques d’un ou d’une saxophoniste ?

Il faut être physiquement en forme et comme j’ai toujours fait beaucoup de sport, je n’ai jamais eu de problèmes à ce niveau là. Cela dit, on voit aussi des saxophonistes avec un gros ventre. Ce n’est pas non plus un obstacle mais en tout cas, j’aime bien m’entretenir. Après la question du souffle c’est assez technique, et il faut être en meilleure forme quand on joue de la trompette ou du saxo, que quand on joue un instrument à corde comme la guitare. C’est physique. Il est important de toujours faire attention à s’exprimer à travers son instrument, être honnête avec ce principe et ne pas tomber dans le piège de vouloir être la meilleure, de jouer rapide. Etre toujours musical. Après, tout dépend de ce que l’on a envie de faire. Il y a des gens qui pensent autrement, il existe de l’audience pour tout. Il faut chercher la beauté dans le jeu.

 

Vous êtes le leader du groupe. Comment faites-vous pour l’être sans vous sentir supérieure ?

C’est vrai que ce n’est pas évident de jouer ce rôle malgré tout nécessaire, car sinon le groupe ne fonctionne pas. Mais en même temps, il faut que chacun ait aussi sa liberté, et que personne ne se sente diminué.  Je pense que c’est juste une façon de communiquer sur le projet et j’ai aussi beaucoup de choses à apprendre. Ensuite c’est également une énergie, et une question de motivation. Je pense que les musiciens qui m’accompagnent ont envie de le faire, et j’avais aussi envie de leur demander . Ils sont donc aptes à s’adapter et accepter que quelqu’un les guide. Je peux être leader aujourd’hui et un autre jour un des musiciens avec son projet. Parfois, il faut aussi s’imposer sur certains sujets. J’ai beaucoup moins de mal dans la musique parce qu’il règne une certaine clarté entre les musiciens et moi. On sait de quoi on parle. Mais c’est beaucoup plus dur dans le métier comme tout ce qui concerne les médias, l’entourage professionnel. En effet, je suis très exigeante et parfois j’ai des difficultés à saisir les codes même en France. Où puis-je pousser, ou dois-je laisser plus de temps ? Je veux toujours aller très vite mais ça s’apprend petit à petit.


Peut-être  le fait d’être une femme !

Oui. Mais comme je disais dans la musique ça va. Je joue beaucoup avec des hommes et je ne sens pas une problématique par rapport à ça. C’est peut-être aussi parce que je choisis des musiciens qui pensent musique et non pas que je suis une femme. Dans les médias, ou dans les festivals les programmateurs, la plupart ce sont des hommes plus âgés que moi et il règne un déséquilibre. Je vais forcément me conduire en tant que femme, je me suis rendue compte de ça. Ainsi pour le concert que j’ai fait récemment au New Morning, parmi les gens que j’ai invités il y avait juste un homme, un guitariste, et trois femmes. Deux chanteuses et une joueuse de cora. J’ai envie de mettre en avant des femmes, et de les soutenir. C’est la même chose pour les hommes qui ont tendance aussi à choisir des hommes.  Il faut que beaucoup de choses changent, en tout cas je vais me battre dans ce sens…

 

 

Y a-t-il beaucoup de femmes saxophonistes ?

Il y en a mais peu qui percent. C’est aussi je pense à cause de ce déséquilibre dont j’ai parlé, et l’on ne donne pas assez leur chance aux femmes. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais j’ai eu des retours parfois incroyables. On ne nous prend pas suffisamment au sérieux au départ. On a toujours en tête le fait qu’il faille qu’une femme soit belle. Il me semble que les chanteuses sont mieux acceptées. Pour les femmes qui jouent d’un instrument, il existe l’image d’une technique qu’il faut maîtriser, faut être fort, et quelque peu s’adapter à l’esprit de compétition qui règne entre les musiciens, quelque chose de pas très féminin. Mais il y a aussi des femmes moi incluse, qui sont un peu compétitives. Doit-on devenir ainsi ou doit-on s’imposer plutôt avec son charme tout en étant quand même sûre de ce que l’on veut et s’imposer? Je pense que petit à petit on se fait respecter mais ç’est long.

 

Faites-vous parfois des solos ?

Oui, ça m’arrive. Pendant le concert, j’étais seule avec la chanteuse noire et ce morceau là me donne envie d’aller dans cette direction. Mais ce n’est pas une solution, ça peut être un projet et cela nous arrive nous les saxophonistes. C’est vraiment la mode. Mais j’aime beaucoup le partage avec les musiciens et je pense que ce serait dur pour moi d’être seule. Mais qui sait ? Je ne dis jamais non.

 

 

Vous faites du sport régulièrement !

Oui plusieurs fois par semaine. Il y a des périodes ou j’en fais tous les jours, d’autres ou j’en fais tous les 2,3 jours et plusieurs sports. Je fais de la boxe depuis 3 ans. Ce qui me plaît c’est le combat, justement le côté compétition. Et puis le fait qu’il y ait surtout des boxeurs hommes, je retrouve la même ambiance que dans la musique. C’est très physique, ça défoule. C’est très complet, tout le corps travaille et on travaille aussi l’endurance. Au départ, je prenais beaucoup de coups mais maintenant je sais mieux esquiver comme dans la vie… J’aime aussi en donner mais sans faire mal. Je trouve un côté totalement différent dans l’équitation. C’est plus paisible même si c’est physique quand même, faut être très sensible avec un cheval, et savoir à quel moment agir de telle ou telle manière. J’aime beaucoup cette relation avec le cheval. J'en fais au bois de Vincennes et j’aime aussi bien le trot que le pas ou le galop. Tout dépend des jours. Parfois, j’ai juste envie de me promener mais je peux aussi aller très vite.  Je monte le cheval de quelqu’un d’autre car je n’aurais jamais le temps de m’en occuper . C’est un cheval plutôt énergique, et il faut faire attention car il peut avoir peur. Après, je peux en monter un plus doux et ça fait du bien aussi. Mais je n’ai pas de préférence comme avec les musiciens. Je m’adapte.

 

 Vous faites du jogging aussi !

Oui et je peux être  en faire trois fois par semaine notamment quand je suis en tournée. Mais j’aime alterner et faire ces trois sports.  Le jogging j’aime parce qu’on est dans la nature avec soi et son souffle. On est seul, c’est très stabilisant, cela se passe dans la continuité. Pendant le confinement par exemple, je faisais de la course et du yoga. C’est aussi une façon de se tenir en équilibre. Si je n’ai rien d’autre, je peux courir tous les jours. Même dans ma chambre d’hôtel, je peux trouver des solutions. Cela m’est déjà arrivée de faire de la boxe et il faudrait d’ailleurs que je le fasse encore plus.

 

Vous retrouvez des atmosphères comparables à la musique !

Oui, je pense que tout est lié.  Dans mon clip « Sensible », je suis au début sur un cheval et après dans une autre scène je suis en train de boxer. J’ai pris ces deux éléments qui ont constitué ma vie pendant trois ans, je les ai inclus dans ce clip, et ils représentent sans doute les deux pôles opposés de ma personnalité. Le côté  combatif, et le côté plus empreint de douceur….

 

 

Au niveau des sensations, ces sports peuvent-ils apporter la même chose que la musique ?

Non, mais en revanche le bonheur que l’on en retire est le même. Quand je fais du sport, je me sens bien pendant et après. La musique c’est un peu différent et  plein de choses se passent sur scène. Notamment ce contact avec le public qui est merveilleux. C’est très riche et pour moi c’est essentiel.

 

Faites-vous du sport avant un concert ?

Oui, mais j’évite la boxe car on peut se faire mal. J’ai déjà eu le cas à la main et c’est trop risqué. Si je pars en tournée, je vais surtout courir. Pas forcément le jour même ; souvent la veille.

 

Au niveau hygiène de vie ?

Je fais attention à la manière dont je me nourris. J’ai des phases où je fais certains régimes sans sucre. Je suis quelqu’un qui aime beaucoup les fruits et pas assez les légumes. J’essaye d’équilibrer.  Mais en tournée, on mange à droite et à gauche et je ne suis pas vraiment bien. J’essaye toujours de retrouver un équilibre par la suite. En tournée, je mange beaucoup de gras, de sucre. Ce qui est important pour moi c’est d’avoir un repas copieux le matin. Je me fais de la banane avec fruits, flocons d’avoine, yaourts. Parfois un lait à l’avocat. Je fais attention que le matin ce soit sain et consistant.

 

Y a t-il quelque chose que vous trouvez difficile dans votre métier ?

On n’a pas toujours beaucoup de concerts et quand on doit tenir la technique, ce n’est pas très motivant. On a tout le temps besoin de la scène. Il faut tenir dans les périodes de creux et le sport m’aide beaucoup. C’est vraiment le domaine que je lne lâche pas. Et puis il ne faut pas s’accrocher qu’à la musique. J’ai plusieurs choses qui me tiennent à cœur.

 

Avant un concert, vous êtes plutôt seule ou avec vos musiciens ?
Pour ce concert au New Morning, j’ai été beaucoup avec eux. On n’avait pas de loge séparée et pour la date en Allemagne on avait une loge séparée mais je n’en ai pas profité. J’aime bien passer du temps avec tout le monde mais je me rends aussi compte que ce temps pour soi, il faudrait davantage en profiter. Normalement, je fais 10 minutes de méditation par jour, mais là avant le concert au New Morning je ne l’ai pas fait, j’avais trop de choses à organiser. Quant aux périodes de creux, je dois apprendre à encore mieux les gérer mais ça va quand même.

 

Qu’est-ce qui peut vous perturber avant un concert ?

C’est justement arrivé avant le New Morning. Un des musiciens n’a pas pu se libérer, il fallait donc chercher quelqu’un et c’est vraiment ce qui peut me stresser. En plus, il y avait beaucoup de monde. Mais c’est aussi une épreuve qu’il faut dominer et il faut quand même y aller.  Le musicien qui a remplacé est un des meilleurs claviéristes de France ; j’ai eu la chance qu’il dise oui. Ce que je souhaiterais c’est vraiment avoir une équipe fixe pour la tournée et que je puisse dire c’est celle-là mon équipe. C’est la base même si ça peut bouger une fois ou deux…

 

Vos projets ?

Déjà bien tourner, encore plus remplir. Et puis me remettre à la composition, faire un ou deux autres singles. Jouer le plus possible musicalement, et rester dans cette phase créative. J’ai très envie de sortir de nouveaux morceaux…

 

Toujours plus haut, plus fort !

Exactement…

 

Agnès Figueras-Lenattier

 

 

 

Concert de Nora Kann le 16 et 17 juillet au festival Millau Jazz dans l’Aveyron et le 19 décembre à Saint-Quay Portrieux.

 

 

 

 

Les commentaires sont fermés.