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mardi, 16 novembre 2021

Isabelle Demongeot

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Isabelle Demongeot est une ancienne joueuse de tennis professionnelle. Elle a été n°1 française mais a subi un véritable traumatisme puisqu’elle a été violée pendant plusieurs années par son entraîneur Régis de Camaret. Lundi 22 novembre va être diffusée sur TF1 une fiction tirée de son histoire et de son livre « service volé «  écrit il y a déjà plusieurs années… C’est l’occasion de s’entretenir avec elle.

Mais avant écoutons Patrice Hagelauer ancien coach de Noah lors de sa victoire à Roland Garros parler d'elle :

" J'ai admiré la joueuse et à aucun moment sur le circuit on la sentait dans une situation aussi dramatique que celle qu'elle a pu vivre. Elle formait une petite équipe à l'époque un peu à part avec Nathalie Tauziat et leur entraîneur Régis de Camaret. Ce dernier essayait de mettre des barrières avec la fédération prétextant que personne ne savait enseigner correctement. C'était probablement une manière pour lui de rester à l'écart sans que personne ne vienne voir un peu ce qui se tramait. On allait les voir de temps en temps car les résultats étaient excellents mais les contacts étaient assez distants. On n'a jamais pu vraiment percer ce qui se passait derrière et lorsqu'on a appris la vérité on était tous effondrés. 

Le jeu d'Isabelle était pur, très complet; elle savait tout faire. C'était à la fois élégant et efficace, avec un sacré tempérament. Quand on la voyait jouer, on se disait " Le tennis c'est facile". 

C'est une personne rare et riche , très intelligente qui a envie et besoin d'enseigner et de transmettre ses connaissances et son expérience. Discuter avec elle a quelque chose d'exceptionnel car elle ne parle pas souvent ni de ce qui lui est arrivée ni de ce qu'elle voudrait ou pourrait faire pour le tennis. La fédération aurait tout intérêt à la prendre en considération.."

Deuxième avis celui de Florence de La Courtie ex n° 1 française et entraîneur reconnu : "C'est un coach extraordinaire. Mes petits fils dès que ça ne va pas vont la voir  alors qu'ils ne jouent pas si mal que ça. L'un est à O et l'autre à 2.6. Ils adorent être entraînés par elle. A chaque fois, elle est très dure sur le terrain mais elle leur donne la pêche  et ils sont vraiment heureux de travailler avec elle. Et tous les entraineurs n'ont pas ces qualités là!...

J'espère que ça va aller pour elle car c'est une fille qui a énormément de qualités et qui a beaucoup souffert. C'est vraiment regrettable qu'à l'époque la Fédération n'ait pas trouvé une solution avant que les problèmes n'éclatent. Car il y a quand même eu 20 filles qui ont témoigné contre Régis de Camaret.  Ce qui est dommage c'est qu' Isabelle soit  davantage connue pour ce qu'elle a vécu que pour son palmarès tennistique..."

 

                                                  Interview

Un film sur le drame que tu as vécu va être diffusé sur TF1 lundi 22 novembre. Que ressens-tu ?

Tout s’est un peu précipité et le film est sorti un peu plus tôt que prévu. Mais je m’y suis préparée et c’est la fin d’un processus après l’écriture de mon livre. J’ai trouvé que c’était intéressant de prendre un petit peu de recul par rapport à toute cette histoire en déléguant à une actrice Julie de Bona qui joue merveilleusement ce rôle. Et j’ai envie de dire que c’est quelque chose qui ne m’appartient plus.

 

Concernant le déroulement du film, as-tu laissé complètement libre cours à l’équipe ou es-tu intervenue quelque peu ?

Cela fait 3 ans que l’on est sur le projet et c’est Jérôme Foulon le producteur qui est venu à moi et qui m’a dit qu’il avait envie de tourner quelque chose. Et je dois dire que l’on a fait un bon travail ensemble. Il a écouté, fait quelques interviews de différentes personnes, est retourné sur les lieux. Pour moi, forcément c’est une forme de reconnaissance avec une chaîne de télé qui propose de montrer ce qui m’est malheureusement arrivée. C’est un projet dans lequel je me suis beaucoup investie. Cela se passe dans mon village, la partie que j’adore qui est le côté de La Ponche avec de très belles images du côté sauvage. On a tourné évidemment quelques scènes dans mon petit club et je précise que c’est une fiction adaptée de mon livre intitulé «  Service volé ».   Je ne suis pas allée tous les jours sur le tournage et n’ai pas assisté à toutes les prises de vue car l’actrice redoutait de devoir affronter mon regard quand elle jouait les scènes. Ce n’était pas simple pour elle. J’ai respecté totalement sa demande mais je ne pouvais pas tenir et il fallait que  je rencontre les acteurs et actrices , tout ce petit monde qui a d’ailleurs été extraordinaire  avec moi. Cela m’a permis de vivre des choses inconnues jusqu’alors et qui font du bien comme mon père qui prend la parole , qui dit être fière de moi à la fois comme une femme qui porte un message et qui dénonce des agissements et également comme joueuse de tennis.  J’ai ressenti de belles émotions et je me dis que c’est arrivé au bon moment et que c’était chouette.

 

Et maintenant que deviens-tu ?

Ma passion pour le tennis m’accompagne toujours. J’ai envie d’exprimer beaucoup de choses sur l’enseignement puisque cela fait des années que je suis dedans. Après mon expérience au centre d’entraînement avec Amélie Mauresmo et plusieurs autres joueurs et la création de mon association «  Tennis en liberté » dans les quartiers sensibles, j’ai souhaité toucher à l’aspect loisir et j’avoue que je m’y adonne  régulièrement à Ramatuelle un très bel endroit. J’ai beaucoup réfléchi à cet aspect d’accueillir un joueur de tennis qui a envie, peu importe son niveau, de ressentir des choses, d’évoluer, d’apprendre. C’est primordial qu’on le respecte de A à Z. Et qu’il puisse repartir avec quelques notions supplémentaires. J’y ai mis toute mon énergie comme si c’était une Amélie Mauresmo ou un joueur ayant envie de devenir pro.  Ayant exercé au sein d’un centre d’entraînement aves des joueurs et joueuses de haut niveau et d’un autre côté ayant goûté au tennis loisir, j’avoue mieux m’y retrouver dans le tennis loisir….

 

Pourquoi ?

Car une forme de reconnaissance s’installe. Déjà il règne beaucoup moins de pression, et il existe un véritable échange. A l’époque des joueurs n’ayant pas les moyens de payer me demandaient de leur faire des prix… C'était très peu financé, or l’entrainement se déroulait jour et nuit. C’est un encadrement total et qui est parfois épuisant. Sans compter que du jour au lendemain le joueur ou la joueuse est capable de nous quitter en deux minutes ayant envie de changer d’encadrement et d’entraîneur. A l’époque, lorsque j’ai monté mon centre d’entraînement, j’avais dans l’idée de faire en sorte que les enseignements soient sur une forme de turn over et que ce ne soit pas toujours le même entraîneur qui entraîne la même joueuse ou le même joueur. Que l’on puisse arriver à échanger ensemble et que chacun apporte sa petite pierre à l’édifice, afin que le joueur se développe totalement. Mon combat est là aussi. Il ne se borne pas à parler uniquement des femmes victimes et isolées. L’entraîneur, l’enseignant doit essayer d’adopter un comportement plus juste et ne pas aller à l’encontre de ce que l’élève souhaite aussi. C’est un vrai échange, partenariat et aujourd’hui c’est essentiel dans l’apprentissage. C’est à plusieurs que l’on pourrait former de nouveaux champions et championnes. Je ne crois plus à l’isolement d’un enseignant ou d’un prof qui pense qu’il a la science infuse et qu’il va réussir..

J’avais un peu d’avance dans les années 99-2000 puisque c’est là qu’Amélie Mauresmo a éclaté au plus haut niveau mondial. Mais les enseignants ou les coaches de ma structure n’ont pas réussi à échanger et à le mettre en pratique. Ainsi un Christophe Fournerie qui était détaché pour s’occuper d’Amélie Mauresmo pendant quelques mois, lorsque je lui ai demandé de s’occuper de joueurs et joueuses de la structure, et que je lui ai annoncé que ce serait Sophie Collardey qui reprendrait, il n’a pas supporté. A présent, l’enseignant ne doit absolument pas devenir indispensable à son joueur à tel point que celui-ci soit totalement emprisonné et sous la coupe de cet entraîneur. Plein d’autres personnes pourraient lui donner de bons conseils.

 

C’est un vrai travail d’équipe que tu proposes ?

Oui, j’y crois vraiment et l’on peut d’ailleurs s’en rendre compte  lorsque l’on observe les joueurs et joueuses de haut niveau. Il existe toute une équipe autour. Nadal, Federer se sont entourés d’anciens joueurs expérimentés et dotés d’une certaine approche. Une victime isolée, c’est très mauvais, un entraineur isolé aussi.  Et c’est là où je trouve que notre fédération a le plus gros travail à effectuer. Il faut arrêter de mettre les clubs ou les coaches en concurrence et qu’un joueur de Saint-tropez puisse aussi aller s’entraîner dans d’autres clubs aux alentours. Et pourquoi pas bénéficier de coaches travaillant sur place. C’est dommage d’avoir un joueur tous les jours en face de soi et de ne pas ouvrir le discours vers d’autres enseignants. Ce n’est pas du tout dans l’air du temps, et il faut changer les mentalités.  Je pousse vraiment dans ce sens là en essayant de créer une dynamique entre clubs, et que l’on soit capable de vivre différentes expériences..

 

 

Tu as eu l’occasion de travailler avec Mauresmo lorsqu’elle était junior. Que penses-tu lui avoir apporté et qu’avez-vous travaillé ensemble ?

Je dirigeais la structure et ne voulais pas partir sur les tournois. J’avoue qu’à cette époque là je n’avais totalement repris la confiance en moi que j’ai acquise à l’heure actuelle pour peut-être la mener au plus haut niveau. En tout cas, j’avais peur d’y aller et j’avais envie d’une pause voyage et de ne plus préparer mon sac. En revanche, j’ai essayé de faire en sorte de lui procurer des entraîneurs disponibles et motivés pour ce challenge. Quand on l’a récupérée, elle était championne du monde juniors et en quelque temps elle s’est retrouvée en finale de l’Open d’Australie. Elle savait que j’étais présente, j’encadrais, je surveillais et j’avais un œil sur l’entraîneur qui s’occupait d’elle. J’étais un peu comme une médiatrice par moment, et elle savait que si ça n’allait pas, elle pouvait me parler. Mais c'était compliqué car on avait une joueuse très talentueuse, qui en même temps était en train de vivre une vie amoureuse avec une de mes meilleures amies.  J’aurais aimé comme elle a su le faire après la guider vers plus de travail et d’assiduité à l’entraînement. Mais finalement c’est peut-être en Australie qu’elle a joué son meilleur tennis car elle était libérée psychologiquement. Effectivement, elle avait déclaré son homosexualité et je crois que ce fut un moment très fort aussi. 

C’’est un fait que j’ai joué surtout la carte avec Amélie de savoir comment elle allait pourvoir vivre avec cette particularité. Et ce n’était pas simple. On a d’ailleurs pu voir tout ce qui s’est passé en Australie. Elle avait un revers fantastique qui tuait littéralement ses adversaires sur place mais c’était dur de la motiver côté travail. On était encore sur son talent, ses acquis et le travail dépendait de sa bonne volonté. Je me suis battue un peu avec cette situation en lui disant que pour atteindre la plus haute marche, il s’agissait de s’investir davantage. Finalement, elle a décidé de quitter la structure et c’est ce qu’elle a fait après avec ses divers coaches. Que ce soit Alexia Dechaume ou Loïc Courteau. Ce fut une belle expérience, je ne regrette pas du tout mais il y avait de gros enjeux difficiles à gérer. C’ était une Amélie Mauresmo encore jeune et presque ado…

 

As-tu des idées vu le drame que tu as subi pour qu’il y ait moins d’agressions sexuelles ?

Mon idée repose surtout sur tout ce qui se rapporte à l’enseignement. Il faut que l’on arrive à faire pratiquer du beau tennis, de beaux gestes. Et l’on doit mettre les bouchées doubles lorsque l’on a affaire à de petites jeunes filles au sein de l’école de tennis et au mini-tennis. Pour moi c’est de là que ça part, c’est le starter. Nos meilleurs coaches doivent être dans cette palette là pour apporter le plus d’éléments possibles . Je dois dire que je me suis un peu embêtée par moment dans le tennis féminin avec un jeu trop stéréotypé et j’avoue être un peu nostalgique. Est-ce la faute des enseignants, des coaches, des joueuses ? On ne sait plus trop aujourd’hui qui est la meilleure au monde, ça change tout le temps et on n’a plus vraiment de repères.  Mon idée c’est de délivrer un peu de fun et de plaisir sur un court et je ne suis pas sûre que toutes ces joueuses soient dans cette dynamique là et ça me dérange. Il me semble que l’on a un gros travail à réaliser à ce niveau là. Au départ, le joueur doit effectuer un certain travail, c’est une évidence. Il doit être un peu besogneux pour acquérir toute une gamme de coups. Ce qui m’a fait plaisir en tout cas c’est qu’on vu revenir des coups comme le shop et l’amortie. Puis on a vu se développer davantage de joueurs dotés d’un revers à une main. On avait entendu à un moment donné certains joueurs qui disaient » Le revers à une main c’est fini, ce n’est plus à la mode, ça ne sert plus à rien, il ne faut plus enseigner que le revers à deux mains." Mais pour moi, le revers à une main reste le coup le plus magique et le plus beau du monde car il se joue totalement relâché. Et permet un jeu vers l’avant, vers la volée, vers le développement d’un jeu plus fin.

J’ai l’impression que tous ceux qui ont appris un jeu besogneux de fond de court, à faire des ronds, des lifts à outrance, aujourd’hui ont un peu décroché. Ils gagnaient peut-être quand ils étaient jeunes, mais plus après.  C’est un peu ce que j’ai subi avec ce monstre d’entraîneur. Il m’a empêchée de développer un tennis vers l’avant, or j’étais faite pour ça. Pour aller à la volée, pour avoir un chop de revers et pas un tennis de contre et de renvoi. Et c’est très important d’arriver à amener le joueur dans des zones où il se sent bien.


Que penses-tu des joueuses françaises d’aujourd’hui ?

C’est un peu compliqué en ce moment. Le Covid a aussi beaucoup terni le circuit. Des filles comme Mladenovic, Garcia sont en train de décliner un petit peu mais la concurrence est rude. Ont-elles fait les bons choix à un moment donné concernant leur entourage ? Caroline aurait pu ne pas avoir toujours comme accompagnateur son père et peut-être s’octroyer des coaches un peu plus renommés. Ou tenter une expérience avec des étrangers. Il n’existe pas que la technique française, il est bien d’aller piocher ailleurs. Actuellement, j’ai un jeune qui joue très bien, j’ai envie de lui dire » Va faire ton expérience en Espagne, va découvrir un peu tous les secteurs de jeux avec des terrains différents."  C’est cela qu’il faut absolument apporter. Nos jeunes joueuses comme Burel et autres sont intéressantes mais elles n’arrivent pas encore véritablement à percer. Pourquoi ? Je ne suis pas assez le tennis pour pouvoir véritablement répondre à cela, mais les derniers résultats de la Coupe Billie Jean King sont assez décevants. Il y a encore du boulot, un travail mental est nécessaire c’est une évidence. On n’a peut-être pas non plus assez la niaque qui consiste à passer des heures à peaufiner où à construire de nouveaux gestes. On n’est pas prêt à cela.

 

As-tu un rôle au sein de la fédération ?

Au nom de l’affaire Sarah Abitbol qui m’avait beaucoup touchée en 2020, j’avais fait un article dans l’Equipe où je disais espérer qu’un jour on tendrait la main à toutes ces victimes. Fin 2020, la fédération est enfin venue vers moi. Je suis prestataire de service et je réfléchis sur la thématique de la protection des mineurs mais pas uniquement. J’avais besoin aussi que l’on me respecte, que l’on me reconnaisse dans mes qualités d’enseignante. Et d’ancienne joueuse évidemment. Je joue encore aujourd’hui, je donne des leçons sur le terrain, frappe la balle et on m’a demandé comment relancer le tennis loisir. J’ai fait toute une étude là-dessus. Ainsi que sur le mur que j’ai demandé à remettre absolument au cœur de nos pratiques. A l’âge de 6,7,8,9 ans un enfant qui joue contre un autre enfant qui ne renvoie pas la balle est habité par une certaine frustration. Or s’il tape contre un mur, la balle revient toujours. J’ai développé toute une réflexion à ce sujet sur les sens et l’ouïe, le son de la balle et sa trajectoire contre un mur. Ce travail parle énormément aux enfants et les résultats sont concluants. La fédération a tout ceci en main aujourd’hui et j’espère que l’on va pouvoir développer  ensemble mes suggestions dans les prochains mois avec la nouvelle direction qui a envie d’évoluer. J’espère pouvoir continuer à leur côté pour faire en sorte d’approfondir et ça me plaît. J’aurais pu à l’époque en 90, arrêter ma carrière tennis et dire «  Il faut que je sorte de tout ça, que j’oublie toute cette période et couper avec le tennis. Et bien non. J’ai fait le choix de toujours y rester et je prends énormément de plaisir. C’est incroyable combien ce tennis m’anime encore en tout cas dans ma tête. C’est une remise en question comme quand j’étais joueuse. Je suis capable chaque soir de faire un bilan des joueurs que j’ai pu avoir en loisir et de me dire comment puis-je faire pour que ce soit encore mieux et faire passer des étapes à mes élèves.

 

C’est beau cette passion du tennis ! Tu joues encore pour toi-même ?

Je n’avais plus envie de faire de compétition, je ne voulais plus être restreinte à mettre la balle dans le cours, plus envie de compter les points. C’est quelque chose qui me permet de me défouler. J’ai pu faire une compétition pour les plus de 40 ans et suis partie en nouvelle Zélande où malheureusement on a subi un tremblement de terre. Mais la compétition pour moi ce n’est plus d’actualité. Récemment j’ai fait de la compétition dans une toute autre activité qui s’appelle le pickabull qui fait fureur aux Etats-Unis avec une balle en plastique. Une activité qui demande beaucoup moins financièrement en tout cas pour les clubs comparé à la mise en place d’un paddle . C’est une activité qui m’a beaucoup plu. J’ai fait les championnats de France et j’ai perdu en finale du double mixte. C’était très chouette et très convivial. Je joue encore très bien et par moment je me challenge.

Je vais raconter une petite expérience que j’ai vécue il n’y a pas longtemps avec un client. C’est un joueur américain en vacances à Saint Tropez qui m’a demandé de taper la balle. Il était dans le challenge, et avait envie de se préparer en vue d’un événement de double. Il m’a proposé de faire un match où il avait les couloirs de double et pas moi. Je ne sais pas si tu imagines mon cerveau qui pendant 40 ans n’allait pas chercher les balles dans le couloir et qui du jour au lendemain devait changer son fusil d’épaule. Il m’a fallu quelques jours pour que je conditionne et c’était un nouveau challenge. Côté enseignement, j’arrive toujours à me projeter sur un challenge personnel et c’était une belle expérience. On a bien rigolé ensemble après et je lui ai que ce qu’il me demandait m’avait obligé à retourner mon cerveau…

 

 

C’est une constante adaptation !

Oui c’est ça. J’ai envie de former des enseignants et leur dire « regardez », « écouter », « véhiculez une image positive. Il faut penser à l’énergie que l’on va déployer lorsque l’on donne un cours, sa voix et l’attention que l’on porte à l’élève. Je trouve qu’avec les enfants, trop d’enseignants s’en foutent. C’est dommage mais je ne veux pas parler de cette réalité. Je souhaite que l’on retourne dans les clubs à la base et il faut que l’on revalorise les coaches et qu’on leur redonne envie d’avoir envie.

 

 

Justement quels sont les erreurs que tu as pu constater chez les enseignants ?
Trop souvent c’est de la garderie avec trop d’enfants sur un court ; ce n’est pas possible. Il y a aussi trop de demandes des parents qui ne comprennent pas pourquoi leur enfant ne joue pas mieux. Il ne joue qu’une fois par semaine, donc… Nous lorsque nous étions enfants quand on jouait une première fois ,on rejouait à côté avec les copains ou contre un mur. Si l’enfant n’est pas demandé par l’enseignant à venir pour un cours, il ne revient pas de lui-même. Il y a toute une éducation à fournir avec un mode de vie qui a changé.  Je vois trop souvent les enseignants sur les portables, peu motivés pour faire progresser  l’enfant quelque soit son niveau. Il y a des enfants talentueux d’autres beaucoup moins ; il y en a qui sont en grande difficulté et ceux là il faut quand même s’en occuper. Donc l’enseignant qui est apathique  et qui ne bouge plus sur un court de tennis, pour moi c’est très néfaste pour notre sport.

 

Et la relation avec les parents. Comment un enseignant doit-il se comporter avec les parents ?

C’est un vaste sujet. Certains enseignants de clubs passent aussi beaucoup de temps à discuter avec les parents en dehors du court. C’est épuisant par moment et on nous demande aussi des résultats très rapides sans vraiment fournir des efforts à côté. J’ai enseigné il y a quelques années au Racing Club Lagardère et je dirigeais l’école de compétition. On demande beaucoup d’efforts aux coaches et je trouve que les générations d’aujourd’hui  ne sont pas prêtes à véritablement s’impliquer davantage. Je dirais que la séance service que j’ai demandée à beaucoup de  jeunes consistant à retravailler tout seul ce coup dans leur club, je  l’ai rarement vue reproduite. On ne peut pas faire de miracle. L’enseignement pour moi c’est de taper un maximum de balles pendant 1 heure. C’est notre objectif. L’objectif de l’école suédoise c’est je crois de taper au moins 200 balles dans l’heure, on en est loin en France. Rien qu’en regardant les sceaux de balles des enseignants où il y a à peine 20 balles dedans c’est significatif. Je ne voiis pas comment on peut s’en sortir pour obtenir plus de résultat. Même si on ne peut pas faire que des champions, si on renforce un peu notre base avec un certain nombre de joueurs qui jouent bien au tennis, qui ont une belle technique, c’est déjà satisfaisant . Un enseignant doit pouvoir amener son joueur au moins en seconde série. Avoir mis le cota d’un enseignant à 15/2 me paraît peu judicieux. Je n’ai rien contre ce niveau là mais je pense que quand on est enseignant, une bonne qualité de balle est nécessaire. Sinon, il ne peut pas donner du plaisir ni en prendre et inciter son joueur à en redemander.

On aurait d’ailleurs bien besoin de femmes et de mixité dans les clubs. Pour moi, une femme à 3/6 a toutes les possibilités de répondre à tous les niveaux de clientèle à entraîner.  Je suis passée comme directrice de l’école de tennis de Villiers Le Bel, à l’époque une activité très prisée, où je n’étais pas salariée à l’année. J’étais en libéral et si le joueur ne revient pas le lendemain, tu ne manges pas.. C’est aussi simple que ça. Les cours que tu donnes, les joueurs que tu approches, il faut leur donner envie de revenir.

 

On voit l’expérience de la sportive de haut niveau qui a travaillé dur !

Voilà oui, et je suis obligée de continuer à travailler dur. Mais mon corps fatigue, et je dois dire qu’à certains moments, je suis contente de pouvoir faire évoluer mon sport par le biais demes réflexions. Avec un peu moins de terrain quand même car parfois je fatigue. On vieillit ! 55 ans. Mais je prends un sacré plaisir à taper dans la balle et par moment c’est un pur bonheur.

 

Tu as une fille ?

Oui, ma petite Cloé sans H. Elle a 7 ans, est mignonne comme tout et c’est le centre de ma vie aujourd’hui. Je suis malheureusement séparée de ma femme et je m’adapte ; elle aussi. Ma fille est en train de me découvrir et ça fait du bien. Par rapport à tout ce que j’ai pu traverser c’est le bonheur de ma vie et quand je suis avec elle, je suis avec elle.

 

Elle joue au tennis ?

Oui mais rarement sur un court car j’ai eu un gros problème de santé à l’oreille, et je n’ai pas pu taper dans une balle pendant deux ans.  Je l’ai fait jouer dans l’appartement, sur une pelouse. Je mettais les filets un peu n’importe où et avec lors du confinement je suis partie à Porquerolles avec elle. Et on a fait des trucs incroyables. Elle a tapé contre un mur à genoux, avec les deux mains, avec raquette à gauche, à droite, avec plusieurs balles, en jonglant, en sautant, en employant des jeux d’adresse. L’enseignement des petits était sans doute le secteur que je n’avais pas abordé, elle m’a poussée à y réfléchir.  Les enfants ont changé, ils ne veulent plus être compétiteurs à tout prix, ils veulent jouer. Elle voulait me montrer comment il fallait jouer et je l’ai laissée faire. Il faut que l’on change notre approche sur cette nouvelle génération qui fait tout plus que tout, qui ne souhaite pas de challenge de compétiteur one to one mais qui veut jouer en équipe. A nous sans doute de redonner sa place au jeu de double, à retrouver le plaisir de jouer en famille, de partager des choses à plusieurs. Il m’arrive de faire des confrontations où ils sont 4 contre 4 . Parfois aussi je me dis "Pourquoi ne fait-on pas que des lobs? Pourquoi n’apprend t-on pas le lob à 6,7 ans. J’ai déjà joué sur deux terrains côte à côte avec un filet plus haut sur l'un des deux pour travailler le lob au-dessus du grillage. J’ai remis le lance-balles au goût du jour qui amène de la gaité. Ce n’est pas le coach, ce n’est pas un lancer ; c’est une improvisation d’un lancer et c’est rigolo.

Pour en revenir à ma fllle, elle  a peut-être envie de devenir prof. Sa maman a un magasin de crocodiles et de chemises lacoste, elle veut aussi tenir ce magasin. On verra bien plus tard. C’est une sportive, elle est sagittaire. Elle a plein d’idées ; elle est merveilleuse….

Agnès Figueras-Lenattier

dimanche, 06 juin 2021

Patrick Flodrops

flodrops,jeu d'échecs,confessionsArbitre et juge-arbitre de tennis reconnu, Patrick Flodrops est le premier à être descendu de sa chaise pour juger une trace. Bon joueur de tennis, mais aussi d’échec, possédant 5,6 échiquiers chez lui, il s’exprime sur le sujet dans cet entretien.

 

Vous êtes un bon joueur d’échec. A quelle occasion avez-vous débuté dans ce jeu ?

J’ai commencé grâce à mon père comme presque tous les jeunes. Il m’a encouragé à essayer en m’affirmant que ce jeu était assez facile.  C’est vrai qu’au départ, déplacer les pièces n’est pas très compliqué. Mais par la suite, l’on s’aperçoit des difficultés, car il faut connaître beaucoup de choses. L’apprentissage est très long. Au tennis quelqu’un de doué arrive en trois mois à faire des échanges alors qu’aux échecs pas du tout. Si l’on bouge mal les pièces, on se fait massacrer. Vers 15,16 ans j’ai participé à des compétitions à droite à gauche, puis  j’ai complètement arrêté pour me tourner vers des jeux qui me faisaient davantage de bien comme le bridge ou le tennis. . A 50 ans, j’ai repris pour voir ce que ça pouvait donner. Je ne suis ni très fort, ni très mauvais. On peut m’assimiler à un classement 0 au tennis.

 

Quelle a été votre évolution ?

Je n’étais pas trop maladroit donc j’ai assez vite progressé. Je gagnais des tournois dans ma catégorie et je prenais beaucoup de plaisir à le faire.  J’ai été au Cap D’agde, à Rouen et je progressais, progressais. Jusqu’au moment où j’ai atteint mon plafond de verre c’est-à-dire le maximum de ce que je pouvais faire. On veut encore progresser, mais on ne peut plus. Je me suis rendu compte qu’il me fallait déployer un énorme effort pour encore améliorer mon niveau.  Le tennis s’est alors substitué aux échecs.

 

Que pouvez-vous dire sur votre niveau ?

Je connais le jeu, je peux en parler et dépasse le simple échiquier. Je suis au courant de l’histoire du jeu, des grands champions, suis bien impliqué dans cet univers, mais pour franchir un cap supplémentaire, il aurait fallu un investissement vraiment considérable. Au bout d’un moment, on se décourage. Les 100 meilleurs joueurs du monde sont assez seuls et ont peu d’amis et la plupart ont moins de 35 ans. Des coaches techniques   étudient les parties, les habitudes de l’adversaire. Mais les joueurs d’échecs ne vivent vraiment que pour ça.

 

Mais c’est valable pour le haut niveau de manière générale !

Oui, mais l’ambiance est plus ou moins joyeuse. Au tennis c’était plutôt plaisant et je me suis vraiment régalé pendant 23 ans. La vie d’arbitre ou de juge-arbitre est assez agréable tandis que les échecs se déroulent au sein d’un milieu très fermé. C’est un point sur lequel j’insiste mais les joueurs sont tellement passionnés qu’ils acceptent la situation…

 

Pourquoi parlez-vous de sports qui font du bien ? Les échecs ne sont pas dans ce cas là ?

Effectivement, ce n’est pas un sport très convivial et l’on se dit à peine bonjour. On tend la main sans regarder son adversaire, et pendant toute la partie on ne s’adresse pas un mot, on a le regard braqué sur l’échiquier. Une fois la partie finie c’est la même chose. Ce n’est pas fait pour les rapports sociaux, et de plus très peu de femmes jouent aux échecs. En France, on compte 150 grands maîtres internationaux (GMI) dont juste deux femmes qui mesurent 1M90 pour 80 kilos et qui ont une moustache.  Ceci tient au fait que le but du  jeu n’est pas de se distraire, ni de se détendre. Cela n’a d’ailleurs rien à voir avec la compétition car que ce soit au tennis ou au bridge on peut s’amuser ; aux échecs pas du tout. C’est  un jeu ingrat et assez rébarbatif. Ma mère à 85 ans jouait au bridge 2,3 fois par semaine et cela se passait super bien. Ce qui n’aurait jamais pu être  possible aux échecs. Mais  depuis 10 ans, nous avons un champion du monde d’échecs extrêmement charismatique. Un norvégien qui s’appelle Magnus Carlsen. 30 ans, beau, marié, sympa et qui parle volontiers à la presse et que je trouve génial.

 

Il déteint donc un peu par rapport aux autres !

Oui, même à la table. Lors d’une partie, l’on a droit à 5 minutes et on les gère comme l’on veut. Au bout de ce laps de temps assez court, si la partie n’est  ni gagnée  ni perdue, c’est terminé quoi qu’il arrive. Personnellement, j’aime les parties qui durent 10 minutes, mais certains font des parties de 2H30. Pour les championnats du monde, Magnus Carlsen prend son temps, ce qui stupéfie tout le monde. Il regarde en l’air, à droite, à gauche et commence à jouer. Il consomme déjà 30 secondes et c’est sympathique.  Il sourit aux gens qu’il reconnaît dans l’assistance ; il est exceptionnel. Contrairement au bridge qui s’est arrêté avec la pandémie, les  championnats d’échecs se multiplient sur Internet.

 

Vous dites qu’il n’y a pas de femmes. Pourtant il y a un championnat du monde féminin !

Oui, avec même une jeune femme très brillante Judith Polgar qui est bulgare. Elle est très forte et en plus elle est charmante. Mais sur les licenciés français à peu près 3% sont des femmes. Dans un club, c’est le désert côté féminin. La femme est plutôt au bar en train de servir un coca.

 

Votre femme joue t-elle ?  Et vos enfants ?

Ma femme et ma fille jamais. Elles ne voulaient pas entendre parler de ce jeu. .En revanche, avec mon fils , je joue  souvent. A 74 ans, j’ai des petits-enfants dont 3 garçons qui sont passionnés. Ce n’est pas moi qui les ai poussés mais eux qui ont vite éprouvé l’envie de jouer.  Mais mes deux petites filles se désintéressent complètement de cette activité.

 

C’est une activité qui exige des qualités pouvant servir dans la vie !

Absolument. Mais ce n’est pas l’intelligence qui prime même s’il ne faut pas être un âne absolu. Le meilleur joueur du monde n’est pas forcément quelqu’un d’extrêmement intelligent et s’il l’est c’est un hasard. En revanche, cela demande une concentration extrême et une vision esthétique de la position des pièces sur l’échiquier. Le très bon joueur se dit « Est-ce que mes pièces sont dans une bonne position ou est-ce que c’est nébuleux ? Il faut que ce soit clair et bien présenté. Cela fait partie des douze premiers coups qui consistent à a assembler les pièces de manière esthétique

 

En quoi l’esthétique joue t-elle contre l’adversaire ?
Le fait de bien disposer ses pièces sur l’échiquier donne une meilleure vision pour la suite. Chaque pièce a une efficacité et le joueur moyen n’en est pas vraiment conscient alors que le bon joueur est gêné si l’harmonie n’est pas respectée.

 

Après se met en place une stratégie !

Oui, mais avant tout c’est une question de concentration, et il ne faut pas se faire bouffer inutilement un cheval. Il faut bien observer et anticiper les éventuelles menaces de l’adversaire et faire très attention. Le distrait ne joue pas bien. Le  joueur de tennis champion de France juniors Denis Grozdanovitch par exemple, possédait un bon niveau et toutes les qualités pour réussir, mais il était parfois un peu ailleurs, un peu artiste et par moments il se prenait une banane sans comprendre pourquoi.  Il existe trois phases : les douze premiers coups, le milieu de partie où grâce à une bonne esthétique, on met en place une tactique afin de menacer le roi à terme et la fin de partie qui réclame un très gros travail. Il reste alors peu de pièces et il faut savoir aller au bout sans perdre la face. C’est assez difficile…

 

Avez-vous joué contre Denis Grozdanovitch ?

Oui souvent. Il était prof de tennis au TC16 club de tennis dont j’ai été président, et parmi les activités proposées, il y avait des échecs. Pour comparer avec le tennis, il avait à peu près le niveau d’un -4/6. Je perdais dans 60% des cas.

 

Et au tennis ?

Je l’ai souvent affronté vers l’âge de 40,50 ans, ce n’était plus le grand Grozdanovitch. Ses petites finesses marchaient moins bien, et il était plus facile à aborder. Il s’en fichait un peu. Mais il était très fort. Il lobait quand il fallait et faisait tout d’un coup une amortie sans que l’on comprenne  d’où elle venait. Il était doué.

 

Les différences et les similitudes entre le combat aux échecs et le combat tennistique ?

La grande différence c’est qu’au tennis, il faut courir, se dépenser, aller chercher la balle alors qu’au échecs c’est totalement cérébral. Je ressentais qu’au tennis contre Grozdanovitch, je pouvais gagner plus que perdre car je courais partout. . Contre lui, les parties longues je perdais toujours . Il avait le temps de réfléchir. Mais les parties courtes, j’arrivais à le battre.

 

Comment se passe un tournoi d’échec en compétition ?
Prenons par exemple le très grand tournoi du Cap d’Agde. D’abord on s’inscrit, on décline son classement comme au tennis, on donne son numéro de licence et puis on se présente à l’heure demandée dans une grande contenant une centaine d’échiquiers. On s’assied par exemple à l’échiquier n°96 et l’on se retrouve en face d’un individu que l’on ne connaît pas et l’on attaque la partie quand l’arbitre dit top. On déclenche l’horloge. A part les parties courtes ; il faut souvent cogiter pendant 5 heures.  De ce fait, l’adversaire disparaît souvent pour fumer ou boire un coca. Ceci 10,12 fois et le joueur de loin,  regarde s’il a appuyé sur l’horloge, revient nonchalamment, réfléchit un quart d’heure, joue… On peut sortir comme l’on veut car on ne peut pas bénéficier d’aides extérieures. Même si un ami vient, on ne peut lui décrire la situation. Il faudrait une photo de l’échiquier. Pendant que l’autre réfléchit, tu fais ce que tu veux. L’horloge ne fonctionne pas dans ces cas là.

 

Mais il est possible de tricher !

Oui, et les gens n’imaginent pas comment cela se passe. Tous les ans, on démasque 2,3 tricheurs à haut niveau. A petit niveau, il y en a beaucoup plus. Qu’est-ce que tricher aux échecs ? C’est avoir dans l’oreille un petit écouteur et puis quelqu’un qui vous donne des conseils en feuilletant un livre. Mais c’est quand même difficile. L’astuce c’est d’avoir recours à un spectateur qui se balade en regardant les parties et en retirant des informations utiles.. Et ils adoptent un code comme les gens qui parlent le  langage des signes. On détecte les tricheurs car ils font des coups trop merveilleux. En plus depuis 5 ans, la machine bat l’homme .Le seul qui peut gagner c’est Carlsen. . Par exemple au jeu de go aucun homme depuis 10 ans ne peut battre l’ordinateur, au bridge au contraire aucun ordinateur ne peut battre l’homme. Carlsen pour battre l’ordinateur ne fait que des coups anormaux pour déstabiliser l’ordinateur ce qui fait que l’intelligence artificielle de l’ordinateur ne fonctionne plus. Il gagne une fois sur deux.

 

Des compétitions aussi bien pour les pros que pour les amateurs ?

On peut imaginer en rêvant qu’un amateur soit champion du monde. Comme si un 15/4 gagnait Roland Garros. Ce n’est pas comme au golf où avec ta licence tu joues comme tu veux et tant mieux pour toi si ça marche. Un amateur aux échecs ne peut pas gagner plus de 1500 dollars. Carlsen ne s’inscrit que s’il peut gagner 500.000 euros. Je pense que le plus qu’il ait gagné c’est 1 million d’euros un tournoi très important en Hollande. Chez les femmes ? 10 fois moins !... C’est lui qui a fait progresser la machine car avant les candidats  (à peu près  200 millions de joueurs dans le monde, la France étant mal classée dans la hiérarchie) , étaient sous payés.. Un très bon français est 5ème mondial et le reste est moyen. Il s’est classé second au tournoi des candidats mais aurait pu être premier. C’est un gros tournoi entre les 8 meilleurs joueurs du monde à l’exception du tenant du titre.

 

Comment se déroulent les compétitions mixtes ?

Toute femme peut jouer un tournoi open et dans les grands tournois s’inscrit qui veut. Parfois dans le lot, se trouve une femme et en général elle est très forte. Judith Polgar a abandonné les tournois exclusivement féminins, car elle ne trouvait pas d’adversaires à sa mesure. Elle a été  50ème mondiale, ce qui est formidable. Cette femme avait une jumelle et toutes deux avaient un père enseignant. Quand elles sont nées, le champagne a coulé à flots et le père était dans un coin en train de pleurer. Tout le monde lui a demandé pourquoi et il a expliqué  «  Que vais-je faire de mes deux filles » ?   Personne ne pouvait répondre.  Un des convives a proposé de mettre dans une urne trois possibilités : mathématiciennes, musiciennes ou joueuses d’échec, cette dernière suggestion étant plutôt destinée à en rire.  Et le tirage au sort a été les échecs. Le père était lui-même un bon joueur et il a  transformé sa maison de 2 étages, englobant 5,6 chambres en un échiquier géant. Tous les meubles étaient en forme de cheval, de fou au autres pièces . La petite Judith a commencé à pousser les pièces sur la moquette à 2 ans. Et elle devenue à 16 ans grand maître international. C’est une des plus jeunes de l’histoire et elle a été 8 fois championne du monde dames, puis est passé chez les hommes. Elle n’a pas démérité du tout et a été bien respectée. Le père était surtout un excellent enseignant. Il voulait démontrer qu’il pouvait faire d’un enfant ce qu’il voulait à condition qu’on lui confie complètement. La mère était d’accord donc tout allait bien.  La jumelle a été championne du monde quand sa sœur a démissionné pour aller chez les hommes.

 

Il faut être très concentré aux échecs. Que pouvez-vous dire comparé à la concentration sur un court de tennis ?

Aux échecs, le silence est absolu pendant 3,4 heures.  C’est vraiment une église où il n’y a pas de prêtre qui raconte sa vie. C’est très particulier. Des arbitres  veillent même à cela Au tennis, il y a les applaudissent qui décontractent un peu l’ambiance et c’est agréable pour le joueur. Ce n’est pas la même ambiance.

 

Avez-vous déjà été arbitre aux échecs ?

Non, je ne connais pas très bien les procédures. Pour être arbitre à bon niveau, c’est comme au tennis si jamais la balle heurte un oiseau, il faut savoir quoi faire. Aussi si jamais la balle passe à travers le filet. En tant qu’arbitre de tennis, je connaissais tout. Médicaments, boissons, publicités… C’est pareil aux échecs, l’arbitre connait tout.

 

`Le dopage existe sûrement !

Oui, des amphétamines ; ça tourne un peu mais pas trop.. La cocaïne aide dans ce genre de situation, mais au bout d’un moment l’effet change. Au début on est très concentré en défiant le monde entier et au bout d’une demi-heure on dort et l’on n’est pas bien. 

 

Au niveau des classements ?

C’est mesuré par la système Elo créé par Monsieur Elo. Il a trouvé un système très bien fait . Le N°1 mondial vient d’atteindre 2800 elo. Personnellement, ; j’en ai 1400, 1500.  Un débutant commence à 50 elo. Il y a une échelle et comme au tennis le  Numéro 1,2.

 

Faites-vous partie d’un club ?
Non. Car contrairement à beaucoup de gens, je n’aime pas du tout les matches par équipe. En revanche,  j’en ai créé un mais on n’est pas encore décidé à l’homologuer ; ça va dépendre de la motivation de chacun. Nous sommes une quinzaine. J’aime le golf car l’on est responsable  de soi-même et j’aime les échecs pour la même raison. Au bridge, on a un partenaire, c’est déjà un peu un sport d’équipe et en plus très convivial. Je choisis mes partenaires et c’est un vrai bonheur…

Savez-vous si parmi les grands joueurs et joueuses de tennis, il y a de bons joueurs d’échec ?

Je crois que Djokovic se débrouille assez bien. Disons 15/2. D’ailleurs, il n’y a pas un serbe ou un croate qui ne joue pas bien aux échecs. C’est un pays très fort comme les Russes. Quand on va à Moscou, on voit très souvent dans la rue deux hommes les mains dans les poches qui se baladent dans les rues en jouant aux échecs dans leur tête l’un contre l’autre. Ils disent E2, E4, la position des pièces sur l’échiquier jusqu’à ce qu’ils gagnent. Ils jouent à l’aveugle, ce que l’on pourrait faire au bridge. Première série pique au bridge, je pouvais très bien rejouer toutes les parties que j’avais jouées la semaine d’avant. J’avais toutes les cartes dans ma tête. Ma mère à 82 ans se souvenait sans effort de toutes les cartes qu’elle avait eu dans l’après-midi. Pourtant, ce n’était pas une spécialiste de ce genre de choses. La fonction créée l’organe comme on dit. Quelqu’un qui se met au bridge et qui pense avoir une mémoire un peu déficiente de toute manière, au bout d’un an, se souviendra de toutes les cartes de l’après-midi.  On les mémorise sous forme d’image et sans être fort, ça s’inscrit tout seul. C’est valable pour tous les joueurs à partir de 15/4 pour 2,3 jours. Avec ma femme 1ère série cœur quand on rentrait d’un tournoi de bridge dans la voiture, on se racontait les tours de donne à la carte près. 30 donnes quand ce n’était pas 60. Aux échecs, certains joueurs se souviennent de toutes les pièces qu’ils ont joué. De vrais machines…

 

Il paraîtrait que les jeunes qui jouent aux échecs obtiennent de meilleurs résultats scolaires !

C’est vrai. Le fait qu’ils soient obligés pour bien jouer d’être très concentrés les rend meilleurs en maths. Le bridge fait aussi beaucoup de bien aux jeunes, je le constate avec mes petits enfants .

 

Avez-vous lu les livres de Xavier Tartakover ?

Oui. C’est un très ancien joueur qui a été champion du monde et qui a trouvé des techniques très efficaces. Il a écrit un excellent bouquin lu par énormément de joueurs. Il raconte les erreurs à ne pas commettre comme le coup du berger.. Par exemple ne pas mettre son pion à tel endroit, des choses de ce style. C’est facile à lire, très pédagogique. C’est la bible des joueurs d’échec.

 

Côté spectacle avez-vous vu des parties qui vous ont marqué ?

Une partie mémorable c’est la finale du championnat du monde à Reykavic en 1972 qui a duré trois mois. C’est la première fois qu’un étranger en l’occurrence américain se retrouvait contre l’Union Soviétique. Un match dantesque et toute la Russie était derrière son joueur  Joshua Waitzkin . Le joueur américain Bobby Fischer était un génie et l’ambiance terrifiante. Le président des Etats-Unis a dû s’en mêler pour que Fischer continue. La qualité était phénoménale et finalement c’est l’Américain qui a gagné. L’union soviétique était en berne ; pire que la mort de Staline.

 

Et des films que vous auriez vus ?

En général, les films sur les échecs sont très mauvais car pour augmenter le suspens, l’ambiance est faussée. Dans le « Gambit de la reine » sur Netflix  la jeune fille regarde son adversaire au fond des yeux et réciproquement. C’est une erreur et ça ne traduit pas du tout la réalité. Ceci dit, la série est très bonne et l’actrice très performante. Le "7ème sceau de Bergmann" ? Là encore, la scène n’est pas très bien filmée et ça ne se passa jamais ainsi…

 

Et « le joueur d’échec de Stefan Zweig ?

C’est un livre incontournable, un grand livre. Il met en place de vraies émotions et les soucis qui  habitent les joueurs. D’ailleurs, Stefan Zweig jouait très bien lui-même…

Agnès Figueras-Lenattier

 

 

 

 

 

vendredi, 15 mars 2019

Roger Planchon cinéaste DVD

Ce coffret contient les trois films de Roger Planchon grand metteur en scène de théâtre ,"Dandin", " Toulouse Lautrec" et " Louis enfant roi" . Ces films parfois trop un peu trop frénétiques, englobent de nombreux changements de lieux, de situations, et de personnages. Par exemple dans " Louis, l'enfant roi", fresque historique qui raconte les premières années du roi Louis XIV, on a du mal à suivre  l'histoire  avec une intrigue un peu confuse où tout a tendance à se mélanger. Dans "Dandin", premier film du réalisateur, Claude Brasseur qui joue avec maestria le mari trompé, a un rôle peut-être un peu trop caricatural. Mais l'ensemble est quand même intéressant à voir. " Toulouse Lautrec est sûrement le plus réussi, dévoilant un peintre à la vie tumultueuse, qui se bat comme il peut contre son infirmité. Amoureux des femmes, il apparaît comme un personnage coquin, malicieux. Malgré son handicap, il est assez charmeur, et de ce fait, les femmes semblent oublier sa difformité physique.

Ce DVD est très intéressant quant à l'éclairage qu'il apporte sur la personnalité de cet homme spécialiste du XVIIè siècle, et sur sa manière de concevoir le théâtre et le cinéma.

Dans un livret de 16 pages provenant des Cahiers du Cinéma de 1962, où il s'entretient avec Claude Gauteur, il explique qu'il a pris la version shakespearienne du monde et l'a adaptée à lui-même. Possédant des parents très modestes, et grand admirateur de la comédie musicale, il confesse que le seul vrai problème au théâtre qu'il aime traiter, c'est le problème du temps. Pour lui une mise en scène est bonne à partir du moment où il est impossible d'en imaginer une autre dessus.

Voici ce qu'il dit concernant sa vision du travail avec les acteurs côté cinéma et théâtre: " En général, les réalisateurs s'intéressent peu à l'acteur parce qu'ils ne vivent pas avec lui. Le plus souvent, ils discutent du scénario, du personnage, en dînant deux ou trois fois avec lui, et ils tournent sans beaucoup de répétitions, autrement dit sans travail effectif sur l'acteur. Quand on s'occupe de théâtre, on passe dix-huit heures de sa vie par jour avec les acteurs, on les comprend plus, on les aime, on les déteste etc…

Autre confession digne d'intérêt, celle qu'il fait dans un lieu de répétition sur la dimension politique de la création artistique. " Les hommes politiques souhaitent que les gens peu intéressés par la culture n'aillent pas plus loin, ils n'en voient pas l'intérêt. L'art a beaucoup de mal à vivre avec la démocratie." Selon lui lors d'un référendum, les préoccupations sont plus axées sur les parkings que sur Mozart… Il est touchant dans sa manière de se confier, et sa passion pour l'art résonne totalement.

Que l'on apprécie beaucoup ou plus modérément ses films, on ne peut que souligner la richesse de sa personnalité, et c'est ce que montre bien ce DVD. Ne serait-que pour cette raison, il faut s'y intéresser...

Agnès Figueras-Lenattier

09:14 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : planchon, films, confessions