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lundi, 31 août 2020

Sport et litterature

 

 

En 1919, quelques jeunes écrivains, peintres, musiciens épris d'art, se réunissaient le dimanche matin au stade «  Duvigneau de Lanneau » dans la banlieue de Paris. Ils pratiquaient l’athlétisme sous la houlette de Marcel Berger créateur de Plume-Palette-Club. Ce club deviendra quelques années plus tard «  l’Association des écrivains sportifs ». Parmi les membres on peut noter des personnalités telles que Jean Giraudoux, Maurice Genevoix, Paul Morand, Tristan Bernard. Ce dernier premier président de cette association pratiquait aussi le cyclisme. Egalement ancien directeur du vélodrome de Buffalo, il restera le seul coureur à n’avoir jamais gagné une course. Lui succédèrent Marcel Berger recordman de France scolaire au lancement du disque, puis Paul Vialar également président de la «  Société des Gens de lettres ». Bernard Destremeau six fois n’° 1 français de tennis présidera aussi l’association….

Le sport a toujours été lié à la littérature et des philosophes comme Platon, Aristote en parlaient déjà. Beaucoup d’écrivains en ont parlé avec éloge, en ont fait et ont reconnu qu’il pouvait être une bonne source d’inspiration. Ecoutons par exemple Simone de Beauvoir raconter ses impressions après avoir découvert la randonnée à pied et à bicyclette : «  Je n’avais jamais pratiqué de sport, et je prenais d’autant plus de plaisir à utiliser mon corps jusqu’à la limite de mes forces, et le plus ingénieusement possible ». Elle écrivit même un jour à Jean-Paul Sartre qu’elle aurait bien donné le prix Renaudot pour savoir le «  Christriana aval ».. Camus reconnaît que ce qu’il sait de plus sûr sur la morale et les obligations des hommes, c’est au sport qu’il le doit. Quant à Bergson il déclare : «  Ce que j’estime surtout dans les sports, c’est la confiance en soi qu’ils procurent à l’homme qui les cultive »..

 

Pour ma part, le sport est également indispensable à ma vie d’écrivain. Comme le pensent certains «  collègues », écrire est une véritable épreuve sportive. Physiquement on se donne à fond, et on peut se sentir vraiment vidé après avoir écrit longtemps. Il m’est arrivé d’être atteinte de petites courbatures et quand j’écris il me faut courir, faire du vélo d’appartement pour me vider la tête. Sinon, je deviendrais vite «  neurasthénique » car on est transporté dans un monde qui si on ne se méfie pas peut conduire à la déraison. Et il faut se dépenser pour garder les pieds avec la réalité. Et puis en courant, en pédalant, les idées peuvent jaillir. On voyage avec ses personnages de façon consciente ou inconsciente, et après on transcrit ces impressions sur papier avec davantage de facilité. Même en période de maturation c’est indispensable aussi. Les idées sont plus claires, plus structurées et le déclic conduisant à la réalisation » se fait plus naturellement.

Flirter avec la puissance des mots est un orgasme spirituel merveilleux, et qui peut amener aussi à l’orgasme corporel. Diverses sensations plus intenses les unes que les autres et accentuées par la dépense physique vous animent. Le doute, puis la certitude, l’angoisse de ne pas y arriver, la libération d’y être parvenue, et une espèce de nirvana, une fois le but atteint. On est comme apaisé, et l'on a le sentiment d’avoir égrené toute sa substance Mais cette sensation ne dure pas très longtemps car on a très vite envie de recommencer pour retrouver sa drogue, son LSD... C’est une activité finalement égoïste qu’il est impossible en pleine action de faire partager. Comme disait Montherlant dans «  Les Olympiques » «  Le masseur aux mains magiciennes faisait tomber du corps du pugiliste la graisse inutile, c’est l’écrivain massant sa page jusqu’au style plein et décharné ».

J’aurais beaucoup aimé faire du sport avec mes écrivains préférés notamment avec Stefan Zweig, Edgar Poe et Baudelaire. Quelle joie ça aurait été pour moi de faire des gammes de revers avec Edgar Poe, de disputer un tie-break avec Baudelaire, , de faire un match en compagnie de Stefan Zweig en refaisant le monde. Je lui aurais appris comment faire un coup droit, il m’aurait appris comment transporter le lecteur avec autant de profondeur et d’analyse aussi fine des personnages. J’en rêve et cela décuple mon imagination. Je me mets dans la peau de Zweig, il devient mon double et j’écris. Même si je suis loin de l’approcher complètement, son esprit me pénètre quand même un peu . ’Et c’est orgastique !..

 

 

                                       

 

 

                                             Cinq écrivains parlent de sport

 

 

 

                                                           JEANNINE BOISSARD

Auteur notamment de " L'esprit de famille", œuvre en plusieurs tomes et véritable succès populaire

Quels sont les sports que vous pratiquez ?

Le ski et le tennis sont les deux sports que je pratique depuis l’âge de 12, 13 ans. Ce sont deux sports où l’on rit. Au tennis on s’amuse beaucoup, notamment avec ses partenaires de double, et au ski parce qu’on tombe par terre. Pour quelqu’un comme moi qui suis assise devant ma feuille de papier cinq à six heures par jour, c’est indispensable d’aller s’aérer la tête, de courir et de faire bouger ses bras, ses mains et son corps. Je me vide complètement l’esprit et ne pense à rien d’autre. C’est un fait que lorsqu’on se dépense physiquement, on est d’autant plus créatif et agile avec son stylo et son papier.. En outre, écrire est une activité très angoissante et si on ne se dépense pas physiquement, la tête risque d’éclater..

 

Pratiquez-vous ces deux activités souvent ?

Je fais du tennis une fois par semaine et tous les jours en vacances. Après avoir pensé aux grands problèmes de la vie, c’est merveilleux de se concentrer uniquement sur une balle et de se détendre en riant. Dans mon métier, le rire constitue un élément important de ma vie, j’en ai besoin et ça me fait un bien fou. Je n’arrête pas de me moquer de moi-même, des autres..Quand je vais à la montagne faire du ski, c’est vraiment le seul endroit où j’ai beaucoup de mal à écrire. En effet, après quatre ou cinq heures de ski, une très grosse fatigue m’envahit, ce qui m’empêche d’être vraiment lucide et disponible pour l’écriture. Donc, si je veux écrire, je le fais très tôt le matin avant d’aller skier.

 

Avez-vous déjà fait de la compétition

A une époque j’en ai fait beaucoup, mais c’était un plaisir un peu trop accaparant. J’ai été classée à 15/4. Un élément qui m’a quelque peu éloignée des courts, c’est l’âge de mes adversaires. Celles-ci à 16,17 ans vous regardent comme une vieille mémé. Souvent très mauvaises joueuses, elles n’hésitent pas à tricher, encouragés par leurs parents. On dirait qu’elles jouent toute leur vie et sont à peine polies. Autant, j’aime affronter des femmes courtoises, autant rencontrer une fille qui trépigne, lance sa raquette par terre ne me dit rien qui vaille..

 

Considérez-vous l’écriture un peu comme un sport ?

Disons que c’est un sport de l’esprit et lorsqu’on se donne complètement à son livre, on maigrit. La difficulté consiste à trouver le mot et la phrase justes, et il existe la crainte de mal remplir sa page blanche. Pour moi, l’enfer ce serait de se dire après avoir terminé son livre, que vais-je faire maintenant.. .

 

 

 

 

                                                  CHRISTIANE COLLANGES

Rédactrice en chef de " L'Express" et du " Jardin des Modes", elle a surtout écrit sur la vie des femmes et leur libération et la famille.

 

Quels sports pratiquez-vous ?

Le tennis, la randonnée, le ski de fond et le ski alpin. J’ai commencé à jouer au tennis en Normandie, région où j’avais l’habitude de passer mes vacances. Mais je n’ai jamais pris de cours. Ce sont mes cousins qui m’ont initiée, et très vite ce sport m’a séduite..

 

Faites-vous du sport en période d’écriture ?

La plupart du temps lorsque j’écris c’est en Normandie et comme les courts de tennis sont tout près de chez moi, j’en fais souvent. Je m’adonne aussi à de grandes marches car le décor m’y encourage. En fait lorsque j’écris, je fais plus de sport qu’en période creuse. La forme physique est fondamentale dans ma vie car je suis un écrivain optimiste qui s’efforce d’être gaie. Et si la machine ne tournait pas rond, mon humeur aurait tendance à friser la morosité. Par exemple si mon dos me fait mal, écrire m’est presque impossible. Ainsi si tout d’un coup j’étais immobilisée, je ne suis pas sûre que je pourrais continuer à écrire..

 

Que vous apporte le tennis ?

Je le pratique essentiellement du mois de mars au mois de novembre. C’est un jeu très amusant et qui m’apporte un véritable défoulement. J’ai de nombreux amis qui m’incitent à jouer au golf, mais abandonner le tennis ne me dit rien. En outre, je n’aime pas la mentalité des gens qui pratiquent le golf car la plupart du temps ils sont coincés, sérieux et complexés. Il existe sûrement des gens de ce style là au tennis, mais je n’ai jamais eu l’occasion de les affronter..

 

Le sport a-t-il un impact sur votre humeur ?

Oui. Lorsqu’il m’arrive de ne pas avoir le moral, j’enfile mes nike et tout va mieux après. Pour me remonter le moral, le fait de remuer est plus efficace que de rester des heures allongée dans un fauteuil. Certaines personnes au contraire, préfèrent rester couchées toute la journée en compagnie d’une lumière tamisée. Je ne critique d’ailleurs pas ce comportement, mais il me semble simplement utile d’agir en fonction des besoins de son organisme..

 

Selon vous le sport influe t-il sur votre manière d’écrire ?

Oui dans la mesure où je suis connue pour écrire des livres où règne la bonne humeur. A ce propos, il existe effectivement une hygiène de vie qui ressemble à celle du sportif. En effet, partir pendant trois ou quatre mois munie de sa documentation et de son ordinateur pour rédiger un livre demande une vie aussi stricte que celle d’un sportif. Il ne faut pas boire et bien dormir..

 

 

 

 

 

                                                     MICHEL DEON

Décédé le 28 décembre 2016, il est membre de l'Académie française et auteur notamment du livre " Taxi mauve " adapté au cinéma en 1977

 

Quels sont les sports que vous avez pratiqués ?

La boxe, l’aviron, le tennis, l’escalade, la marche en montagne, la bicyclette. J’ai aussi pratiqué la natation à assez haut niveau. Je me suis approché des championnats universitaires. Ce qui m’ennuyait profondément c’était l’entraînement et les contraintes qu’il implique..

 

Au tennis quels genres de partenaires aviez-vous ?

Je m’arrangeais pour avoir des partenaires plutôt jolies.. 

 

Le sport est –il utile pour votre vie d’écrivain ?

Oui notamment la marche qui pour moi est essentielle. Elle représente la gymnastique du cerveau et c’est en pratiquant cette activité que le travail s’élabore. La solitude dans laquelle on s’imprègne permet à l’esprit de se délier. Le corps se laisse porter et physiquement on ne sent plus rien..

 

L’écrivain Marcel Berger a dit «  Pour ceux qui ne s’en sont aucunement préoccupés le style a modifié leur style à leur insu en le rendant incisif, rapide, dépouillé, musclé ». Etes-vous d’accord avec lui ?

Pas du tout. Pour moi il a dit des bêtises..

 

Que vous a appris le sport de manière générale ?

Surtout à bien me concentrer et à avoir l’esprit complètement disponible. Quand on nage par exemple on ne peut pas se permettre d’avoir la tête ailleurs…

 

Vous possédez aussi des chevaux ?

Oui mais je ne suis pas très doué pour autant en équitation. Ma femme et mes enfants en revanche montent très bien et je leur laisse cette supériorité. Et puis ayant eu un accident, je suis obligé de faire très attention car je risque la petite chaise roulante. Ma passion c’est de regarder vivre les chevaux..

 

Quelles sensations cela vous procure t-il ?

Ces animaux sont merveilleux de grâce et de charme. Un poulain qui naît représente comme la naissance d’un petit miracle..

 

Evoquez-vous le sport dans vos livres ?

Dans «  Le jeune homme vert » le héros parcourt les routes à bicyclette et une espèce d’atmosphère de compétition s’instaure. Certains de mes ouvrage évoquent la boxe que je continue d’ailleurs à beaucoup suivre en tant que spectateur. Enfin sont parfois relatées dans mes livres des scènes de bateau.. 

 

 

 

 

                                                    IRENE FRAIN

Possédant une prédilection affirmée pour l'Orient, elle participe régulièrement à des actions favorables à la cause tibétaine. Parmi ses livres " Dévi", " Julien Gracq et la Bretagne"…

 

Vous faites du vélo et notamment du VTT. En faites-vous souvent et quelles sont les sensations que ça vous procure ?
Dès que mon mari et moi sommes à la campagne, nous parcourons les chemins à vélo en essayant de goûter aux joies ludiques du sport. Découvrir la campagne française représente un petit côté aventure qui me plaît bien. Et puis il ne faut pas oublier la grosse dépense physique que cette activité procure. M’adonner ainsi à un sport physique intense m’aide beaucoup pour ma vie d’écrivain. Mon cerveau s’oxygène et je fais le vide dans ma tête..

 

Pratiquez-vous d’autres sports ?

En hiver je fais du ski et puis j’aime aussi nager. Je ne me porte bien que si je fais du sport et si je pouvais j’en ferais plus. J’ai toujours eu la sensation que si je faisais du bien à mon corps cette initiative se reportait sur mon psychisme. C’est pour cette raison que le sport m’interesse.

 

Pensez-vous à vos livres en exerçant une activité sportive ?

Lorsque je fais du vélo oui mais beaucoup moins en VTT où il faut être très vigilante. La bicyclette traditionnelle fait jaillir des idées . D’une part mon esprit peut vaguer et d’autre part aucune idée de performance n’est ancrée dans ma tête. Cette pensée est d’ailleurs selon moi plus masculine que féminine car l’homme cherche la compétition. Pour ma part, je suis interessée par le bien-être, le plaisir lié à mon corps et le contact avec la nature. L’esprit est plus clair et on dort mieux..

 

Pour vous écrire est-il un sport ?

Oui écrire un roman consiste à accomplir un grand marathon. Il existe la rigueur, le souffle, la longévité et il faut tenir. Lorsque j’ai écrit mon livre «  Dévi » il a fallu que j’aille dans les ravines, et je me devais d’être en excellente condition physique. Être en forme physique me paraît très important pour écrire même si certains écrivains disent «  plus sale, plus alcoolique, plus drogué que moi tu meurs ».. Cela dit, je n’irais quand même pas me priver d’un coup de rouge avant de faire du VTT. J’aime profiter de la vie…

 

 

 

 

Philippe Labro

 

Journaliste, écrivain, réalisateur, il a raconté dans " Tomber sept fois, se relever huit" comment il s'est sorti de sa dépression. Au cinéma, il a réalisé par exemple " Sans mobile apparent et " Rive droite, rive gauche"…

 

Vous avez pratiqué le rugby, le tennis. Que pourriez-vous dire de vos expériences sportives ?

Lorsque j’ai éffectué étudiant des séjours en Virgine ou en Amérique, le sport faisait partie intégrante de ma vie. Ca m’a beaucoup aidé car quand je suis allé là-bas je savais à peine ce qu’était mon corps. J’ai pris conscience de l’importance de ce dernier et de l’utilité d’être en harmonie avec ses muscles, son souffle, sa respiration..

 

 

Quel est le rôle du sport selon vous ?

Il vous fait prendre conscience que vous êtes entier, que vous ne représentez pas simplement un paquet de sentiments, de pensées, d’impulsions, de réflexions, de désirs. Que vous êtes aussi un organe vivant auquel vous pouvez faire appel et qui correspond à ce que votre tête et votre corps expriment. Le sport n’est pas indispensable pour le savoir, mais il le confirme.

 

 

Selon vous la différence entre les sports individuels et les sports collectifs ?

Le sport individuel donne des leçons sur le comportement de l’individu seul face à ses défis, ses efforts, ses erreurs, la victoire ou la défaite. Il permet de conclure par rapport à ce que l’on doit essayer de faire face aux confrontations que vous apporte l’existence. Le sport collectif donne aussi des leçons inouïes pouvant s’appliquer à l’entreprise, et servir à l’exercice de tous les métiers. J’ai longtemps pratiqué la mise en scène de cinéma, je dirigeais des équipes. Au sein de RTL, je manageais des gens qui avaient leur comportement, leur mental, leurs atouts, leurs faiblesses. Tout ce travail le sport l’illustre bien. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si dans le vocabulaire contemporain qui s’applique aussi bien à la politique, aux affaires, à l’industrie ou aux médias que l’on fasse tout le temps référence au langage du sport : course en tête, leadership, come back..

 

 

 

Parlez-vous de sport dans vos romans ?

Quelquefois dans les livres sur mon enfance. Dans «  Le petit garçon » par exemple on trouve des notions de rugby. De même que la musique, le sport fait partie de la vie et il peut s’inscrire dans certaines scènes mais en aucun cas il ne constitue le sujet central..Mais je ne suis pas à l’bri de m’inspirer un jour du sport..Si par exemple vous deviez écrire un roman sur le tennis quel sujet choisiriez-vous ?

Ce qui m’interesserait c’est le phénomène survenu dans les années 70. Lorsque les joueurs ont été pris en main par des hommes d’affaire, des coaches, des entraîneurs, et qu’ils se sont peu à peu détachés du monde de la vie et de la réalité. A la manière de forçats modernes, ils allaient de galère en galère, d’avion en avion ; de tournoi en tournoi afin de gagner leur vie. Et aussi pour permettre à leur entourage et aux entreprises de gagner aussi de l’argent. Aussi entre l’âge de 16 et 30 ans ont-ils été tellement coupés du monde qu’ils ne le connaissent pas. Et quand leur carrière s’arrête seulement 1/3 de leur vie a été consumée. IL est donc captivant de savoir ce qu’ils vont faire ensuite et le genre de vie qu’ils vont mener. L’exemple de Borg est extraordinaire. Comment ce joueur est-il passé d’une ascension irrésistible à l’anonymat le plus total en tombant dans tous les pièges que la vie lui a tendus ?..

 

 

En tant que romancier comment regardez-vous un match de tennis ?

Je prends en permanence des notes écrites ou mentales. L’observation du monde du tennis représente pour moi une importante source d’interet dans le sens où chaque être humain est différent. Lorsque j’assiste à un match de tennis de très haut niveau ce qui m’attire surtout c’est la singularité de l’individu. Et puis le côté humanitaire à savoir l’humain différent ou proche de l’animal, l’être vulnérable ou au contraire l’être fort et qui se surpasse. La façon dont un individu joue cette mini-comédie, ce mini-drame lors d’un match me passionne

Agnès Figueras-Lenattier

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Contre la décadence : Histoire de l'imagination française dans le roman de 1890 à 1814

Editions PUF

Dans les années 1880, une atmosphère de décadence règne sur la littérature française. " Le décadent " est utilisé comme personnage de roman, et symbolise un être pitoyable et qui s'avilit. La mis en présence de l'extrême modalité, de l'extrême vulgarité, caractérise l'esprit de cette époque, et l'on pratique ce que Moréas appelait dans son Manifeste " la déformation subjective". Mais à partir de 1890 jusqu'en 1914, de nombreux écrivains français tels que Barrès, Gide, Claudel, Proust, vont se mutiner contre ce courant, et donner à cette période fin XIXè, début XXè siècle, toute sa richesse et sa diversité. C'est cette rébellion que résume ici en 350 pages Pierre Citti, maître de conférences à l'université de Tours. Pour évoquer les différents mouvements littéraires qui ont marqué cette révolte, l'auteur indique et analyse le concept de l'art d'écrire qui se dégage de chacun d'entre eux. S'aidant de multiples citations, il prouve qu'à partir de 1890, " sortir de soi", devient la ligne directrice de la pensée, et que la physique succède à la biologie dans le rôle de vivification de l'imagination. Il explique également comment se sont propagées avec Gobineau, premier théoricien de la race, les idéologies racistes. Relatant ensuite la   période 1900-1914, Pierre Citti démontre qu'une volonté de faire face aux divers problèmes de l'époque habite les hommes de lettres. Puis, il raconte le développement simultané du régionalisme et de l'exotisme dans les œuvres littéraires, et l'entrée en scène du thème de l'enfance dans le monde des adultes.

Un livre intéressant, instructif, mais quelque peu complexe et dur à lire. Les références, les informations regorgent, et par moment l'on ne sait plus très bien où donner de la tête. Il est donc difficile, après une première lecture, de vraiment faire une réelle synthèse de tout ce que l'on a ingurgité. Et pour pouvoir bien assimiler, il importe de le compulser afin de retirer toute la richesse de cet ouvrage…

Agnès Figueras-Lenattier

lundi, 24 août 2020

La petite fille de Monsieur Linh

ph.claudel,roman,adaptation théâtraleph.claudel,roman,adaptation théâtraleSylvie Dorliat a été subjuguée lorsqu'elle a lu " La petite fille de Monsieur Linh", roman de Philippe Claudel. Très vite, l'idée de l'adapter pour la scène et de l'interpréter s'est imposée à elle. " Le travail présomptueux et déchirant de l'adaptation" explique t-elle " et des " satanées coupes", sans trahir, sans mutiler, tout en préservant la grâce et la pudeur de l'écriture de l'auteur"…

Cette histoire évoque l'arrivée de Monsieur Linh en Occident qui a fui son pays détruit par la guerre. Il porte dans ses bras sa petite fille nommée Sand Diu. Il va faire la connaissance de Monsieur Bark avec qui une amitié très forte va se nouer.

Pour qui n'a pas lu ce roman, cela donne vraiment envie de le lire. Pour celui qui l'a déjà lu, c'est sûrement un vrai plaisir de le voir interprété et mis en scène de cette aussi belle manière. En compagnie de jeux d'ombres et de lumières, parfois de silences et d'un fond musical, Sylvie Dorlat se donne à fond, et joue de manière subtile avec son corps et sa voix. On sent qu'elle a vraiment adoré ce livre, et elle se transforme en une conteuse puissante et attendrissante.

Grâce à sa collaboration avec Célia Nogues la metteur en scène, cette histoire d'exil se révèle très poétique, et les paroles imagées de Philippe Claudel font réfléchir sur le sort des réfugiés. Vraiment magnifique…

Agnès Figueras-Lenattier

Plus d'infos :

Reprise le 26 août avec version un peu différente

Le Lucernaire 53 rue Notre-Dame-Des-Champs

Métro : Vavin, Notre-Dame-Des-Champs

jeudi, 20 août 2020

Une rencontre magique

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Ah ces cystites à répétition, ras le bol! C'est ainsi que pensait Nadège parfois. Elle avait bien essayé plusieurs méthodes pour s'en sortir mais rien n'y faisait. Une fois pourtant un traitement à la canneberge l'avait soulagée pendant une bonne année mais avec le temps son corps s'était habitué à ce traitement qui finit par perdre son efficacité. Même la phytothérapie prescrite par une spécialiste des plantes fut vaine. Seuls les antibiotiques faisaient disparaître l'infection…
Un jour en compagnie de sa fille Barbara, elle se rendit dans une librairie. Barbara sans savoir le bien qu'elle allait faire à sa maman par la suite, se dirigea vers le rayon qu'elle cherchait, et Nadège aperçut alors le livre d'un magnétiseur reconnu et médiatisé. Intéressée par tout ce qui a trait à l'inexpliqué, elle s'empressa de l'acheter. Dès qu'elle put, elle commença la lecture, et pensant alors à ses cystites, elle se dit en for intérieur "Pourquoi pas essayer d'aller voir cet homme?" Elle avait eu l'occasion de discuter avec une amie qui adolescente était victime de la même chose qu'elle et qui avait vu ces symptômes disparaître à la suite d'une visite chez un magnétiseur. Cela la conforta dans son idée et elle prit rendez-vous. En outre, cet énergéticien était un ancien judoka de haut niveau, ce qui la séduisit d'autant plus qu'elle était elle-même une ancienne joueuse de tennis professionnelle. Lors de la première consultation, le courant passa tout de suite et l'amour du sport augmenta leur complicité. Elle lui expliqua son problème, ce à quoi il répondit qu'il aurait sûrement besoin de deux trois séances…
Très sûr de lui, il lui souleva les deux bras l'un après l'autre et lui montra la différence entre le gauche et le droit. Il posa ensuite les mains quelques minutes sur son corps, et Nadège sentit une forte chaleur envahir son être tout entier. Puis le magnétiseur lui prit de nouveau les deux bras l'un après l'autre, et elle put constater que plus aucune différence n'existait entre les deux. La raison venait du fait qu'elle était constipée. Elle n'en avait pas vraiment conscience allant à la selle tous les deux jours. " Normalement, il faut y aller au moins 2 fois par jour" lui expliqua t-il.
Le lendemain, Nadège alla à la selle trois fois et ceci pendant quelques jours. Puis après au moins 1 fois par jour. Les cystites étaient toujours là, mais il l'avait prévenu que cela ne se résoudrait pas en une seule fois.
Après la deuxième consultation, la cystite suivante survint trois mois après la précédente. Un progrès puisque d'habitude c'était tous les mois, tous les mois et ½. Et après la troisième visite tout s'arrangea petit à petit et à ce jour Nadège n'en a plus… Un vrai soulagement!...
Lors d'un déjeuner amical, il lui expliqua qu'il ne prétendait guérir personne. " J'ai l'honnêteté de bien expliquer que la seule chose sur laquelle j'agis, c'est le déclenchement du phénomène de l'auto-guérison. Le seul guérisseur que l'on peut aujourd'hui consulter, c'est celui que l'on a à l'intérieur de soi et qui est capable de nous remettre sur les rails si on en a la possibilité. Et puis le fait que le mal qui nous habite n'est pas un mal lésionnel qui va nous embarquer de l'autre côté… Les gens sont persuadés que parce que parfois les résultats sont surprenants que j'ai un don exceptionnel et que je guéris les gens. Non, je ne guéris personne, je n'ai jamais guéri qui que ce soit. Je me décarcasse et mouille ma chemise tous les jours pour aider les gens à recouvrer la santé. Je suis là pour booster; c'est tout. Une séance avec moi comporte deux aspects : rééquilibrer l'énergie mal répartie dans le corps, et recharger, regonfler le patient."
Nadège l'interrogea pour savoir si la prise de médicaments pouvait le gêner : "Non, cela ne gêne en rien mon action et je ne modifie aucun traitement. Lorsque j'agis, je suis plein de compassion, de gratitude, et je n'arrête pas de dire que ma main représente le prolongement de mon cœur. C'est rechargeant à la fois pour moi et pour le patient. Contrairement à ce que l'on croit, ce n'est pas mon énergie que je capte, mais celle du patient." Il confia à Nadège qu'il pouvait lui arriver lors d'une consultation de deviner chez un patient une perturbation cachée. " Je dis à un patient venu me voir pour telle pathologie " attention il y a autre chose. " Je ne sais pas le déterminer car ce n'est pas mon rôle, mais très souvent il y avait un début de perturbation confirmé par un docteur. Ce qui interpelle les médecins, c'est que parfois j'ai une information d'un désordre sur le plan énergétique alors que la personne n'a ni symptôme ni gêne." Et le sport tu en parles à tes patients?" demanda Nadège? "Pour moi, c'est vital et je le recommande vivement à tous les gens qui viennent me voir quelque soit leur âge. D'ailleurs si les personnes reviennent sans en avoir fait, je ne les accepte plus dans mon cabinet. " Avec le sport, le sang circule mieux, l'oxygénation est meilleure et un certain nombre de choses vont mieux. Le sport stocke des endorphines et c'est le meilleur antidépresseur qui soit." Quelles sont les maladies que tu ne peux soigner?" : " Il existe de nombreuses pathologies pour lesquelles on ne mettra jamais d'énergie. Par exemple toutes les pathologies psychiatriques. Les schizophrènes n'ont rien à faire dans mon cabinet. Les gens très déprimés avec des quantités énormes de médicaments non plus… "
`Nadège voulut savoir enfin s'il avait eu parfois des échecs qui l'avaient marqué : " Il ne règne pas de déception à partir du moment où ce que tu penses que tu fais est utile. Par contre de la tristesse oui, quand je me donne à fond pour améliorer l'état de quelqu'un et que cela échoue. Quand tu suis un enfant atteint d'un problème de santé important, que tu le prends en charge en complément de la médecine, que tu vois que la maladie se stabilise et puis que finalement elle prend le dessus et que le gamin décède, comme tout un chacun tu es triste, dévasté. Parfois ce n'est pas simple les consultations et les gens te demandent des choses pour lesquelles tu ne peux strictement rien faire. Là où je serais déçu de moi, ce serait si je n'étais pas honnête avec les gens, et si je leur faisais croire des choses pas vraies. Mais on ne peut pas en vouloir à quelqu'un de dire qu'il ne peut pas, qu'il ne sait pas faire."
Un an plus tard, Nadège fut victime d'une tendinite que rien n'arrivait à soigner et qui durait depuis 6 mois. Elle avait essayé les ultra-sons et la kiné avec des mouvements adaptés. Inefficace. Elle avait aussi vu un ostéopathe très réputé trois fois sans succès non plus. "On peut essayer de résoudre le problème" lui avait-il affirmé. Mais il lui avoua qu'elle était trop tendue pour qu'il puisse faire quoi que ce soit. C'est alors qu'elle pensa à ce judoka. Et là encore il la sortit d'affaire en une fois…
Il lui prit la main gauche côté tendinite, lui montra la différence avec la droite, lui indiqua d'où venait le traumatisme, puis lui demanda de se détendre. Il tourna alors délicatement la main gauche d'un côté, provoqua un léger craquement. Puis fit de même de l'autre côté. " Ca y est c'est fait " s'écria t-il. Ensuite, il lui donna un petit flacon contenant deux huiles essentielles mélangées et lui conseilla de masser sa main, son coude et son omoplate trois fois par jour. " C'est en ayant recours à ces huiles pendant deux mois que j'ai évité l'opération après m'être blessé lors d'un combat" lui affirma t-il. Les deux jours suivants, sa tendinite lui fit beaucoup plus mal que d'habitude. Or au bout d'une semaine tout avait disparu… Magnétiseur, oui mais aussi magicien n'est-ce pas!.. Ceux qui sont sceptiques ne peuvent que se taire et rétorquer " Chapeau bas Monsieur"!...

Agnès Figueras-Lenattier

 

mercredi, 19 août 2020

Muriel Besnard

m.besnard,peintre,portraitm.besnard,peintre,portraitMuriel Besnard artiste peintre détentrice de nombreux prix dont le premier prix européen de l'imaginaire et la médaille d'or de l'Académie française des Arts-Sciences-Lettres, est une adepte de l'éclectisme et une ennemie de la routine."Selon moi, un artiste qui n'est pas en recherche risque de voir son art s'éteindre. On est comme un scientifique; on cherche tout le temps.

Une partie de sa famille étant asiatique, les œuvres se rapportant à ce monde là l'ont hantée dès son enfance. En outre, étudiante elle a fréquenté de nombreux artistes japonais. L'école supérieure de dessin de Paris Montparnasse lui a fourni une formation à la fois classique très solide, et en même temps basée sur toutes les recherches se rapportant à la grande époque où Montparnasse était un lieu où les artistes passaient leur temps… Puis fidèle à son image de femme curieuse et voulant constamment se perfectionner, elle a plongé dans l'univers de la sculpture, de la céramique et du design ce qui l'a fait voyager à Rome, Florence, Londres. " Ce sont un peu les hasards des rencontres qui m'ont amenée à découvrir ces univers. Ce sont des métiers dont j'ignorais l'existence notamment le désign, les arts de la table et la décoration. J'étais fascinée par l'esprit du compagnonnage, par les maîtres verriers, les maîtres orfèvres. A chaque fois, je me suis adaptée à ces techniques, et tout me semblait magique… J'en suis arrivée à faire mes propres sculptures…

La pratique de la danse l'a accompagnée pendant 20 ans, ce qui lui a permis de découvrir l'art du mouvement. " Quand j'étais sculptrice, on me disait que mon travail semblait toujours comporter une part de mouvement. On me l'a dit après dans ma peinture. Par la suite, j'ai poursuivi cette recherche sur le mouvement qui pour moi symbolise l'art premier. Et depuis 10 ans, je m'adonne au taï chi, au Qi Qong avec plusieurs profs de Qi Qong. " Cela m'a appris la connaissance de soi, le lien entre le geste et le souffle. Si un geste est fait dans l'esprit du Qi Qong, on va l'accompagner jusqu'au bout en faisant naître la sensation. En art c'est pareil avec l'approfondissement du geste. On débute par un travail dans la lenteur puis on aboutit à l'émergence, la fulgurance. On utilise l'énergie et non la force. Pour moi le corps en tant qu'objet n'existe pas, il existe en tant que mouvement. J'ai besoin non pas de bouger mais de me mouvoir. " Bouger c'est extérieur alors que le fait de se mouvoir part de l'intérieur. Il est important de chercher le mouvement au centre de son être. "

Après toutes ces expériences, la voilà installée en Bretagne depuis 2003, et se consacrant de plus en plus à la peinture. Partant toujours d'une tradition, et développant une peinture innovante et très personnelle, c'est à l'art celtique ancré dans un esprit hindouiste qu'elle se consacre alors avec la participation à des expositions comme axe principal. Puis stoppe l'art d'inspiration celtique, la sculpture en se consacrant désormais à la peinture asiatique avec 3 axes : Le premier a pour thème la femme avec des portraits retranscrivant la manière d'être femme. Les cheveux longs avec un langage graphique font partie du programme. Deuxième axe : Le paysage découlant de l'esprit de la peinture asiatique mais très coloré et occidentalisé avec du papier xuan, dans une technique de xieyi représentant l'art du spontané. Un mélange entre maîtrise et spontanéité. Par exemple, il peut lui arriver de travailler sur un lion et finalement de faire un chat.… Elle laisse le pinceau faire son chemin, et laisse une grande part d'improvisation. Quant au troisième axe, basé sur les animaux, il englobe une autre technique le gongbi une peinture sur soie impliquant un toucher soyeux. Le Gongbi représente le contraire du xeiyi en reprenant 7 fois la peinture. Pourquoi l'un ou l'autre? "C'est vraiment au feeling explique l'artiste et cela dépend des périodes et aussi beaucoup des saisons. Au printemps et en été l'on est plus facilement dans le mouvement, et la spontanéité donc on utilise davantage la xeiji. En hiver où l'on est vraiment dans les racines, l'intériorité, on a davantage recours au gongbi avec son côté patient, et où l'on revient sur les choses. Il paraît d'après mes amis spécialistes de l'art chinois ou japonais que la différence entre les deux techniques se voit de moins en moins dans ma peinture car il règne aussi une spontanéité dans le gongki. Et j'ai aussi une maîtrise dans le xeiyi. Je me suis appropriée ces techniques petit à petit et j'en ai fait quelque chose de réellement personnel.

Muriel Besnard qui possède une conception très personnelle de la peinture se laisse guider par le geste sans lui faire obstacle, sans penser au but. Et entre en état méditatif pour peindre : " C'est l'art qui m'a fait découvrir la méditation mais je savais déjà ce que cela représentait grâce à ma fréquentation du milieu japonais La méditation ce n'est pas une chose que l'on fait, on crée les conditions pour que l'état méditatif arrive. Or l'état méditatif peut aussi survenir par surprise. Vous êtes en haut d'une montagne, vous contemplez le paysage et tout d'un coup quelque chose se passe en vous d'assez indicible, que l'on peut appeler la méditation. Et quand on peint, cet état là arrive aussi de lui-même… A chaque fois? Oh oui, et au début, plus je peignais, plus j'approfondissais et plus cet état devenait profond. Et plus j'apprenais à le connaître, à le découvrir, et plus cela devenait une partie de moi-même même dans la vie de tous les jours. La pratique de l'art, surtout l'art asiatique développe un impact énorme sur le développement personnel. "

Ce qu'elle peint, elle ne le considère pas comme un objet mais comme un sujet et entre en communion avec lui pour saisir son intimité profonde. Elle essaye d'enlever le côté subjectif pour saisir la réalité profonde des choses. Pratique l'art gestuel méditatif dans la relation entre corps et esprit avec le corps dans son mouvement artistique, dans sa gestuelle. C'est une artiste de la sensation, et une espèce de cohérence soutient son œuvre. "Je ne suis jamais autant reliée au monde que quand je suis dans mon atelier, mais d'un autre côté j'ai besoin de solitude et de silence. Je ne suis pas réglée du tout, mon travail s'accomplit de manière extrêmement spontanée. Par contre, il faut que je le ressente. Comme ma façon de peindre est surtout basée sur le geste, il m'arrive même de commencer une œuvre les yeux fermés et de la réinterpréter. J'aime bien que ce soit la lumière du jour même si je peux peindre dans la pénombre.

Pour moi un modèle est un support de l'imagination. C'est une espèce de fluidité. On ne copie pas un modèle, on essaye de saisir son essence, d'entrer en communion avec. On peut entrer en communion avec l'essence d'un sujet, et on peut également entrer en communion avec sa propre essence. Par exemple lorsque je fais une série de portraits de femme, je ne vais pas chercher à faire un portrait de femme mais à me mettre en relation, en communion avec l'essence d'une certaine façon d'être femme. Comment l'on est une femme rebelle, une femme adolescente rebelle, une femme romantique et en même temps pleine de dynamisme. En essayant à chaque fois de le faire ressortir, après l'avoir déja ressenti moi-même, en allant le chercher en mon for intérieur. Certaines femmes que je peins me ressemblent terriblement, d'autres pas du tout. Les personnes de ma famille, de mon entourage proche peuvent me reconnaître à travers certains tableaux. Pas dans les traits physiques mais à travers le caractère, la posture, le regard etc… C'est cela qui m'intéresse.

Quelles sensations la peinture sur un toucher soyeux, sur de la soie provoquent t-elle? : " Cette découverte a été assez fascinante et inattendue. L'on est en contact avec un matériau très organique. En peignant un loup comme le pinceau à force de faire poil par poil caresse cette soie, on a vraiment une sensation physique très puissante. La main gauche touche la soie, on est en connexion avec l'animal, et c'est quelque chose de vraiment intense. Il lui arrive d'utiliser cette technique pour peindre un paysage mais jamais pour un portrait. Et quand on lui demande pourquoi elle affirme : " Il y a quand même le côté respect de l'autre, mais oui c'est une bonne question. Cela peut arriver avec les cheveux, mais la peau je ne me permettrai pas. Peut-être vais-je essayer… J'aime les suggestions, les questions du possible."

Pour Muriel Besnard qui enseigne également mais dans un esprit " Maître disciple" et non professeur élèves, c'est une époque quelque peu charnière avec un nouveau concept " le sophro-art ", site rédigé pendant le confinement en s'inspirant de Caycedo le fondateur de la sophrologie lui-même allé à la rencontre des techniques asiatiques. Un art qui relie la gestuelle et le souffle dans un état de conscience équilibré et harmonieux, en mettant en scène des arts asiatiques comme le Sumi-é japonais, le Xieyi et le Gongki chinois, en synergie avec nos approches occidentales de l'art. Avec un état méditatif développant d'un côté la fusion du savoir-faire et de l'autre la spontanéité, ce qui engendre un bien-être du corps, de l'esprit et du cœur et une diminution du stress. Sont activées les capacités de concentration, d'observation et de disponibilité de l'esprit avec éventuellement quelques exercices en rapport. Cet atelier est destiné à tous ceux, jeunes ou moins jeunes qui veulent s'initier à l'art du pinceau asiatique et tendre vers plus de beauté en oubliant la notion de bon ou de mauvais et en laissant de côté tout désir volontaire de succès ou d'ambition.

"Avant même de faire de la sophrologie, on commence par quelque chose de l'ordre de la danse ou du Qi Qong, avec découverte de son corps, de la posture, son ancrage au sol, la manière de respirer. De nos jours, les gens ne savent plus respirer, ils sont hors d'haleine. Ensuite on fait éventuellement une petite séance qui peut s'apparenter à de la sophrologie mais qui est tout à fait adaptée à ce qui va se passer. Après, cela peut éventuellement comporter un nouveau moment sur la respiration, sur la conscience du corps, ou aussi des visualisations. Puis on va passer côté atelier avec cette fois la découverte de la relation du corps de l'artiste avec son matériel. La relation art pinceau, la prise de conscience tactile des différents rebords des pinceaux, l'entrée en relation avec l'eau, la façon de poser le lien entre la respiration et le toucher du pinceau. En fait une vraie conscience de la présence de son corps autant que de son esprit, du lien entre le corps, l'esprit et le matériau. Une façon de faire prendre conscience aux participants du lien dans lequel ils se trouvent, de manière à avoir une attention diffuse et non focalisée".

Chaque séance sera quelque peu différente et pourra évoluer avec le temps. On l'a bien compris, c'est ainsi que travaille Muriel Besnard. Dans la recherche permanente, l'originalité et la profondeur…

sophro.art

murielbesnard.fr

Agnès Figueras-Lenattier

 

samedi, 15 août 2020

Médiation animale et soins palliatifs

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Ingrid Payet

Au sein de l'hôpital Joseph Ducuing à Toulouse a été mis en place il y a une dizaine d'années un service "médiation animal et soins palliatifs". Tout semble indiquer que cette initiative est un succès et que les animaux apportent aux malades un véritable réconfort. Ingrid Payet médecin généraliste s'en explique.

 

Comment est né le projet médiation animal et soins palliatifs?

Il est né en 2008 d'une initiative vraiment personnelle en collaboration avec une ASH (femme agent des services hospitaliers). Nous étions toutes deux fans des animaux et avions entendu parler de ce genre d'initiatives au sein de différentes structures. Serait-ce adapté à notre service de soins palliatifs, nous étions-nous alors demandé?. En outre, certains malades en concertation avec nous, avaient fait venir leur animal dans leur chambre, et l'on avait pu constater un véritable effet bénéfique sur leur humeur. C'était donc dommage que tout le monde ne puisse pas en profiter. Cette ASH avait rencontré quelqu'un qui connaissait bien le domaine et nous avons pu contacter une première association pour voir si cette idée était envisageable et présentait un intérêt. Au début c'était ponctuel avec une personne apportant les animaux bénévolement. Comme l'on a constaté les effets positifs d'une telle initiative, l'on a essayé de trouver des financements, pour que cela se mette en place de manière un peu plus régulière. Certaines personnes ont participé à la cagnotte en ligne, des calendriers réalisés par toute l'équipe ont été vendus deux années de suite. Nous avons eu la chance également d'être financés par la fondation Banque Populaire pendant un an, et je viens d'avoir l'accord de la fondation Adrienne et Pierre Sommer pour l'année 2020-2021. C'est maintenant devenu une action plus pérenne et nous pensons pouvoir continuer dans le futur. Mais la recherche de financements est perpétuelle et je cherche déjà pour l'année 2021-2022. Au départ, seuls des chiens étaient présents, puis petit à petit, d'autres animaux sont intervenus comme un chat, des lapins, puis des cochons d'inde et une tourterelle. Malheureusement avec le covid, on a du arrêter et nous espérons reprendre en septembre….

 

Est-ce que chaque animal a un peu sa fonction propre?
Oui, le chien par exemple saute dans des cerceaux et c'est très amusant. Le patient va lui faire faire le geste l'incitant à faire des roulades, de petits tours. Il existe également le côté calin surtout avec le lapin et la tourterelle. Pourtant, je n'étais pas très convaincue au départ par la présence de cet oiseau. Mais le fait d'entendre le bruit qu'elle fait, le mouvement de son aile, la voir prendre son envol contente énormément de patients. Ceux-ci la font s'envoler, et après, elle revient sur la main du malade. Une sorte d'émotion se libère à ce moment là avec toutes ces bêtes. Rien que leur venue est déjà un événement en soi. Je n'assiste pas forcément à toutes les séances, mais dès que je peux je participe car les patients sont demandeurs. Certains qui ne parlent pas beaucoup de manière générale se confient à l'animal, lui disent par exemple qu'ils vont mourir, que c'est la dernière fois qu'ils le voient. Ce contact permet de favoriser la parole de gens plutôt mutiques et dans le repli. Un homme par exemple ne parlait à personne et lorsqu'il a vu les animaux, il a demandé en sortant de la séance à voir sa famille, à lui parler et lui a confié qu'il était malade. Tout ce qu'il n'avait pas pu avouer auparavant. Il existe également le côté très apaisant des animaux notamment du chien pour les gens essoufflés. L'animal qui n'est jamais forcé à faire quelque chose, semble aussi prendre du plaisir.. Une complicité non verbale, plus les caresses et la peau contre le poil agissent sur l'angoisse. Une émotion se dégage qui ne passe ni par du relationnel, ni par des mots avec une sensibilité animale offrant un sentiment différent.

 

A quel genre de patients cela s'adresse t-il?

A tout le monde y compris les jeunes et il n'existe aucune différence quelque soit l'âge. On a des personnes hospitalisées chez nous vraiment en fin de vie, d'autres que l'on accueille environ 15 jours pour équilibrer le traitement toujours en soins palliatifs mais à un stade plus précoce de la maladie. Prenons par exemple de jeunes mamans. Lors de l'intervention, les enfants sont présents et c'est un moment plein de belles sensations. Ils voient leur maman pas en forme du tout, partagent avec elle ce moment extraordinaire avec les animaux et découvrent une autre atmosphère. Ce qui arrive aussi c'est que les patients sympathisent entre eux dans un couloir et nous demandent de voir les animaux ensemble.. On met alors deux patients dans une chambre, ce qui permet de développer une atmosphère plus conviviale.. C'est touchant et ces nombreux retours positifs ont stimulé toute l'équipe médicale. Vivre cette aventure avec eux crée un moment très privilégié qui nous apporte à nous aussi.

 

Au niveau de la douleur cela peut-il jouer?

Cela arrive mais dans quelle mesure exactement je l'ignore et ce n'est bien sûr pas aussi efficace qu'un médicament. Cette intervention agit de manière générale sur beaucoup de domaines et sur les symptômes.

 

Y a t-il des mesures d'hygiène à respecter?

Quand les animaux arrivent, certaines précautions sont prises. Comme les patients sont fragiles, un protocole sanitaire de désinfection des mains est mis en place. Quand le chien vient sur le lit, on met un drap propre dans chaque chambre et pour chaque patient. Tout un tas de mesures sont instaurées pour éviter les risques avec le nettoyage, et le toilettage des chiens. Les lapins sont brossés mais pas lavés à chaque fois. Pour la tourterelle, il faut faire attention que les excréments ne se répandent pas un peu partout. Mais une fois prises ces précautions, il n'existe pas de risques majorés. Il ne faut pas qu'il y ait de risques non plus pour les animaux qui sont également fragiles, surtout les lapins qui sont porteurs de germes. Au programme également, un suivi vétérinaire extrêmement strict et un suivi comportemental très poussé. Dès leur plus jeune âge, les animaux sont préparés à ce genre d'intervention. Ils sont rigoureusement sélectionnés et si l'on constate que leur caractère n'est pas fait pour cela, on ne les prend pas.. Il faut des animaux qui aient l'habitude, qui soient adaptés. Sinon cela risque de mal se passer comme par exemple le chien qui va monter sur son maître et lui faire mal.

 

Pourquoi les animaux font-ils autant de bien?

Ils ne jugent pas et peu leur importe l'état du patient. Il faut pouvoir supporter d'entrer dans la chambre d'une personne très altérée. Il existe aussi un lien direct avec l'animal qui selon moi est sensible à ce que ressent le malade dans son lit. Je pense notamment à une dame qui avait pris le lapin dans ses bras et qui lui a fait un calin. Or, au moment de rentrer dans sa cage il est revenu vers elle. C'est quelque chose que je n'avais jamais vu auparavant et qui a réellement ému cette femme.

 

Par rapport à une intervention en Ehpad en quoi est-ce différent?

On en a justement parlé avec " Animal Calin" l'association avec qui nous travaillons. C'est très différent d'un Ehpad. En Ehpad, existe ce côté activité de groupe collectif avec les animaux, mais pas ce lien intense, plein d'émotions. Quelque chose de libérateur, s'installe débouchant sur une relation unique avec l'animal.   Je ne caresse pas juste le lapin, je l'ai contre moi, je lui parle, c'est très puissant. C'est plus ponctuel, parfois même juste une seule fois et le rapport n'est pas du tout le même. C'est plus émouvant.

 

Quels sont vous souhaits pour le futur?

L'on souhaiterait que l'intervention soit encore plus régulière. Avec la Fondation banque populaire, nous avons pu le faire trois fois par semaine et l'on pense qu'avec Adrienne et Pierre Sommer, ce sera possible toutes les semaines. Au niveau des animaux, je n'ai pas le sentiment  qu'il soit nécessaire d'augmenter le nombre. En effet, les patients sont fatigués, et l'intervention ne doit pas être trop longue. D'ailleurs je pensais au départ que les cochons d'Inde étaient en trop et je me suis rendue compte que c'était finalement très bien. Une expérience a été réalisée avec des escargots et certains patients ont vraiment apprécié d'avoir cet animal dans la main lorsqu'il sort sa tête. On va réitérer l'opération, afin que tout le monde bénéficie de ce contact très particulier… C'était très amusant de voir que des animaux dont on a peu l'habitude furent été réellement appréciés…

 

Vous êtes un hôpital qui innove beaucoup en matière de médecines naturelles. Avez-vous d'autres projets?

Oui, nous sommes très orientés vers les thérapies complémentaires et l'on va mettre en place un projet de biographie hospitalière avec des écrivains venant écrire un petit texte sur l'histoire des patients. On devrait mettre cela en place à la rentrée. On sait que les médicaments ne font pas tout et que des initiatives autres peuvent se révéler constructives pour le malade. Notre objectif n'est pas forcément de baisser les médicaments car l'on essaye de prescrire le traitement le plus juste possible. Ce que l'on souhaite, c'est surtout d'apporter quelque chose en plus notamment du confort. Concernant la musicothérapie, nous sommes en train de réfléchir à un vrai projet avec une musicienne mais ce n'est pas encore vraiment au point. En revanche, nous sommes bien formés en aromathérapie et on l'utilise au quotidien dans le service. Quant à l'hypnose, nous sommes trois. C'est une pratique qui me tient à cœur et que je fais pour la fin de vie, pour des patients atteints de douleurs chroniques et pour des gens angoissés. Il existe un tas de séances différentes qui dépendent beaucoup de la personne. Je n'ai pas de séance vraiment définie; c'est véritablement en fonction du moment et de ce que je vis avec la personne, de son état général. L'avantage c'est qu'entre les séances les patients essayent de refaire ce que l'on a travaillé ensemble…

Agnès Figueras-Lenattier